Niché en plein cœur du 8e arrondissement, le quartier Miromesnil est le fruit de l’extension de Paris vers l’ouest entamée au cours du xviiie siècle. Quartier résidentiel, rendu possible par l’ouverture des boulevards Haussmann et Malesherbes, il réunit de somptueuses demeures qui, légués à la postérité, sont aujourd’hui des lieux de pouvoir ou des musées.
Sur la place de la Madeleine se dresse l’inégalable chef d’œuvre d’inspiration romaine qu’est le temple à la Gloire de la Grande Armée voulu par Napoléon Ier et qui est aujourd’hui l’église de la Madeleine ou plus précisément l’église Sainte-Marie-Madeleine. D’abord temple païen construit selon un plan périptère romain, le monument devient église en 1815 suivant une volonté émise dès 1813 par l’Empereur. En 1842 l’État rétrocède l’église à la paroisse du 1er arrondissement. La Madeleine est aujourd’hui l’une des églises choisies pour les enterrements des personnalités éminentes. Dans sa perspective, la rue Royale s’élance, marquée par les fantômes de Paul Valéry qui y vécut ou de Marcel Proust qui aimait se rendre, chaque jour à son lever, au n°21 au café Weber, aujourd’hui disparu. À deux pas, au n°25, se dresse le très joli Village royal, ancien marché d’Aguesseau au xviiie siècle, un charmant passage piétonnier dédié au commerce. Le promeneur débouche rue Boissy d’Anglas, très ancienne rue qui a pris sa dénomination actuelle en 1865 lorsqu’elle a été formée par la réunion de la rue de la Madeleine et celle de la Bonne-Morue. C’est ici que se trouvait le célèbre cabaret Le Bœuf sur le toit, dans les Années folles, fréquenté par Jean Cocteau. Cette voie, sur la gauche, conduit à la très élégante rue du Faubourg Saint-Honoré.
En route pour l’Élysée
L’annexion en 1722 du faubourg Saint-Honoré a été la première étape du développement de Paris vers l’ouest. La rue a gardé la sinuosité qu’elle avait déjà au Moyen Âge lorsqu’elle n’était encore qu’un simple chemin menant au village du Roule formé des agglomérations du Bas-Roule et du Haut-Roule. Elle est encore aujourd’hui jalonnée de magnifiques hôtels particuliers construits sous Louis XIV puis sous la Régence, et d’immeubles remarquables. Au n°22 se trouve l’immeuble où la célèbre couturière Jeanne Lanvin a installé sa maison. Au n°25, c’est cette fois l’ancienne habitation parisienne des princes de Monaco, où a vécu le compositeur russe Igor Stravinsky. Au n°27, la façade est remarquable par ses ours qui supportent le balcon du deuxième étage.
Au n°29 s’élève l’hôtel construit en 1719 par Pierre Cailleteau, dit Lassurance, pour la princesse de Rohan-Montbazon, veuve du duc. L’édifice, remanié et surélevé au xixe siècle, conserve un salon Empire classé. L’ancien hôtel Marbeuf, au n°31, date de 1718 et est également signé Lassurance. Y a vécu le marquis de Marbeuf de 1765 à 1790, puis Joseph Bonaparte. C’est dans ses murs qu’a d’ailleurs été signé le Concordat, le 15 juillet 1801. En 1818, c’est le maréchal Suchet qui s’y est installé. Au n°33, l’hôtel Perrinet de Jars, qui daté de 1714, a été acquis sous l’Empire par le duc Decrès, alors ministre de la Marine. Il abrite aujourd’hui le Cercle de l’union interallié.
Sur la droite, dans la rue d’Anjou, on remarque au n°8 un majestueux hôtel construit par Mazin en 1726, signalé par une plaque comme ayant été la demeure où est mort La Fayette le 20 juin 1834. À voir la magnifique porte surmontée d’un mascaron.
En prenant la rue de Surène, sur la gauche, cela permet d’admirer au n°19 le théâtre de la Madeleine construit en 1924 et qui deviendra, de 1930 à 1944, le théâtre attitré de Sacha Guitry. Sur la gauche la rue d’Aguesseau, ouverte en 1723 sur des terrains appartenant au conseiller honoraire au Parlement de Paris, Joseph-Antoine d’Aguesseau, comprend au n°22, les restes de l’hôtel de L’Aigle qui abritent l’ambassade d’Ouzbékistan. La porte d’entrée est surmontée du symbole de l'Ouzbékistan, le humo, un oiseau divin. Au n°20, un élégant hôtel particulier du xixe siècle abrite aujourd’hui l’Union des Blessés de la face et de la Tête, association fondée en 1921 pour venir en aide aux soldats défigurés de la Grande Guerre.
Cette rue conduit de nouveau à la rue du Faubourg Saint-Honoré. Au niveau du n°39 s’élève l’hôtel Charost, édifié en 1720 et qui avait été aménagé par Pauline Bonaparte. Acquis en 1814 par l’Angleterre pour y installer son ambassade, une salle du trône a été spécialement aménagée pour la visite en France de la reine Victoria. Au n°41, l’hôtel de Mme de Pontalba est l’œuvre de l’architecte Visconti en 1835 ; il a été vendu en 1879 au baron Edmond de Rothschild.
Mais tous ces beaux hôtels font désormais pâle figure face au palais de l’Élysée situé au n°55. Édifié en 1718 pour le comte d'Évreux, son chantier a été dirigé par l’architecte Molet, qui lui avait vendu ce terrain. Il a été entre autres la demeure de la Pompadour, le palais du maréchal et prince Murat, de l’impératrice Joséphine. C’est au salon d’argent que Napoléon signa sa seconde abdication le 22 juin 1815 avant son départ pour Sainte-Hélène. Après avoir logé le Prince-Préident Louis-Napoléon Bonaparte, l’Élysée est depuis 1873 la résidence officielle du chef de l’État.
De Beauvau à Miromesnil
À deux pas de l’Élysée, place Beauvau, on atteint cette fois le siège du ministère de l'Intérieur (depuis 1861). Autre haut-lieu de la République, l’hôtel de Beauvau a été construit en 1770 par Le Camus de Mézières pour le maréchal marquis du même nom, gouverneur du Languedoc.
La rue du Faubourg Saint-Honoré se poursuit au-delà de la place. Au °71, dans l’immeuble à mascarons en tête de lion, ont vécu l’écrivain Franc-Nohain (1872-1934), mais aussi Valéry Giscard d'Estaing (président de la République de 1974 à 1981) et sa famille. Un peu plus loin, au n°122 cette fois, le célèbre palace Le Bristol précède, au 135, l’hôtel de Rigny, dit également hôtel de Fels, actuelle résidence de l'ambassadeur du Canada, bâtiment du Second Empire copiant les standards du xviie siècle.
On arrive bientôt devant l’église Saint-Philippe du Roule, qui a remplacé une chapelle de l’ancien village du Roule laquelle possédait une léproserie. Le site a été érigé en faubourg en 1722. Construite entre 1774 et 1784 par l’architecte Chalgrin, l’édifice religieux reprend le plan des basiliques romaines où se réunissaient les premiers chrétiens. Elle a été par deux fois agrandie avec un péristyle à quatre colonnes supportant un fronton triangulaire.
Sur la gauche de l’église, l’avenue ouverte en 1936, et porte le nom d’un ambassadeur des États-Unis en France de 1912 à 1914, puis de 1921 à 1929, Myron Timothy Herrick (1854-1929). À voir à l’angle de l’avenue de Courcelles et du boulevard Haussmann, au n°159, l’ambassade du Burkina Faso avec ses statues de bois à l’entrée et ses fenêtres originales qui rappellent les motifs de l’artisanat burkinabé.
Juste en face, dans le prolongement de la rue de Courcelles, un petit décroché permet d’admirer, sur la place Gérard Oury, l’étonnante Maison de Loo. Ce bâtiment en forme de pagode chinoise est un musée privé d’art asiatique, construit sur les bases d’un hôtel particulier transformé en 1925 selon les souhaits d’un riche marchand chinois, Ching Tsai Loo.
La partie du boulevard Haussmann, qui mène à Miromesnil, renferme encore mille et une curiosités… Ainsi, au n° 158, les amateurs d’art connaissent le magnifique musée Jacquemart-André serti dans le somptueux hôtel particulier construit pour le collectionneur Édouard André en 1868, où il a vécu avec son épouse, la peintre Nélie Jacquemart. À la mort de cette dernière en 1912, l’hôtel a été légué avec tous ses trésors à l’Institut de France, qui doit préserver l’intégrité des lieux et de sa collection. Le musée a été inauguré un an plus tard.
Au n°150, le discret square Beaujon, voie privée arborée, s’ouvre sur le boulevard avec son nom gravé dans la pierre en toute lettre. Ouvert en semaine, le site recèle une adorable fontaine offrant quelques instants de sérénité.
Sur la gauche, la rue de Téhéran a été ouverte en 1810 sous le nom de Bienfaisance, lors de la construction de l’abattoir du Roule qu’elle longeait. Elle a reçu du nom de la capitale iranienne par décision ministérielle de 1844 tandis que l’abattoir n’a été démoli qu’en 1867.
La rue de Téhéran croise une petite place datant du Second Empire. Celle-ci porte le nom de Narvik en souvenir de la victoire du corps expéditionnaire franco-polono-britannique à l’issue des combats d’avril-mai 1940 en Norvège, au début de la Seconde Guerre mondiale. Une plaque, apposée sur le mur devant un hôtel particulier de style néo-Renaissance, en conserve la mémoire. On parvient à la rue de Monceau au niveau du musée Nissim de Camondo, au n°63. Ce musée des arts décoratifs a été installé dans l’ancien hôtel particulier construit en 1912 pour Moïse de Camondo. Grand collectionneur, celui-ci avait émis le souhait que sa demeure, qui renfermait ses collections, soit conservée en l’état et devienne un musée, finalement inauguré en 1936, juste un an après sa mort.
La rue de Monceau, nommée ainsi pour sa proximité avec le parc éponyme, débouche à droite sur la rue de Vézelay, ouverte par Haussmann en 1863, et qui porte le nom d’un grand propriétaire foncier, ancien trésorier général de l'Artillerie et du Génie à la fin de l’Ancien régime. Au n°15 a vécu le dramaturge Tristan Bernard. Cette rue débouche rue de Lisbonne, que l’on prend sur la gauche pour rejoindre la rue de Miromesnil.
Ouverte par lettre de patente en date du 18 juillet 1776, la voie que l’on emprunte ensuite porte le nom du magistrat et garde des Sceaux Armand-Thomas Hue de Miromesnil qui, en 1774, a aboli la « question préparatoire », c’est-à-dire les tortures infligées à un inculpé avant son procès pour lui extorquer ses aveux. Cette rue aux immeubles Second Empire est notamment embellie au n°77 par le célèbre hôtel Caillebotte, construit en 1866 par le père du peintre qui l’immortalisa dans l’une de ses plus célèbres toiles. Insolite, au n° 61, se trouve la discrète ambassade du Vietnam.
Il n’est donc pas surprenant qu’au croisement de la rue Miromesnil et du boulevard Haussmann, du côté de la rue Laborde, se trouve installée l’effigie du fondateur du Paris moderne, l’ancien préfet de la Seine, le baron Haussmann, statue réalisée par François Cogné (1876-1952).
La rue de Miromesnil se poursuit et croise la rue de La Boétie, du nom du poète du xvie siècle. Au n°23, Picasso avait installé son atelier à partir de 1918 et, au n°20, a pris place le Centre culturel coréen, avec ses espaces d’exposition où sont présentés les arts décoratifs de la Corée du sud. Au n°3 avait élu domicile sous le Second Empire le grand couturier Charles-Frédéric Worth.
La rue de La Boétie débouche place Saint-Augustin. Pour clore cette promenade, au n° 8 de la place, on peut admirer la monumentale façade du Cercle national des Armées, logé dans un très beau bâtiment néo-classique datant de 1927. Et au centre de la place se dresse l’un des plus beaux édifices religieux de la capitale, l’église Saint-Augustin, œuvre Baltard, dont la structure métallique a été habillée de pierre. Construite de 1861 à 1871, elle avait été voulue par Napoléon III qui espérait en faire sa nécropole. L’histoire en décida autrement.
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