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Combats 1915-18


Les combats de l’armée bulgare, 1915-1918


Pour l’armée bulgare, la Première Guerre mondiale n’est une guerre de mouvement que pendant les premiers mois. Les Bulgares occuperont la Serbie, la Kosovo, la Macédoine en 1915-1916 et avanceront en Grèce jusqu’à Fort Roupel. Ces victoires établissent ainsi une communication directe entre les parties austro-allemande et bulgare-ottomane de la Quadruplice. En septembre 1916, profitant de l’échec d’une contre-offensive grecque, les Bulgares prendront Drama, Serrès et Kavalla ; la même année, Bitola sera perdu après une bataille féroce sur le mont Kaimaktsalan. À la fin de l’été 1918, les difficultés de l’armée deviendront si importantes qu’elles saperont le moral des soldats comme des civils, à l’arrière ; facteur majeur de l’effondrement militaire, en septembre 1918.


En septembre 1915, l’armée bulgare, dont le commandant en chef n’est plus Ferdinand mais le général Jékov, est centrale pour la Quadruplice. En effet, son littoral protégé par des sous-marins allemands, la 105e division allemande occupant Varna sur la mer Noire (la 101e division est sur le Vardar), la Bulgarie peut agir contre la Serbie, éventuellement contre la Roumanie et menacer les Alliés établis à Salonique.

Les Centraux, et surtout les Austro-Hongrois, ne peuvent tolérer que les Alliés installés à Salonique fassent peser une menace sur le front sud-est européen. Malgré des moyens contraints, ils décident d’intervenir. Onze divisions allemandes rejoignent les forces austro-hongroises, sous le commandement du général allemand von Mackensen, qui prend la tête du 2e groupe d’armées, formé de la 11e armée allemande (7 divisions allemandes) du général von Gallwitz et de la 3e armée austro-hongroise (4 divisions austro-hongroises et 3 allemandes), sous les ordres du général Kövess von Kövessháza. La tâche de von Mackensen est de « combattre l’armée serbe où qu’elle se trouve et d’ouvrir et d’assurer dans les plus brefs délais une liaison terrestre entre la Hongrie et la Bulgarie ». Il faut en finir avec les Serbes pour que les Alliés se retirent des Balkans.Le 6 octobre, von Mackensen lance son offensive, précédée d’un puissant barrage d’artillerie le long de la Sava-Danube ; le lendemain, il traverse les deux cours d’eau. Selon la convention militaire signée avec l’Allemagne et l’Autriche, la Bulgarie doit attaquer à son tour la Serbie dans les cinq jours. Toutefois, en raison du retard dans la mobilisation, l’état-major bulgare n’est pas en mesure de passer à l’offensive. Les Serbes pensaient que les Bulgares seraient les premiers à attaquer ; il n’en est rien et, passé la surprise, Putnik doit déplacer ses troupes de la frontière bulgare vers le nord, pour affronter les Allemands et les Austro-Hongrois. En agissant de la sorte Putnik montre qu’il croit que l’armée russe débouchera sur les arrières des Bulgares ; il laisse aussi le temps aux Bulgares de terminer leurs préparatifs.


Le général Jékov déploie deux armées. Sous les ordres du général Boyadjiev, la 1re armée (1re division Sofia, 6e Bdin, 8e Tzundha, 9e Pleven, 1re division de cavalerie, au total 195 000 hommes), est attachée au groupe d’armées Mackensen ; sous les ordres de l’état-major bulgare, la 2e armée du général Todorov se compose de la 3e division d’infanterie Balkans, de la 7e division Rila, d’un détachement de cavalerie et de 182 canons. Ces deux armées opéreront contre la Serbie et la Macédoine du Vardar, le long d’un front de 300 kilomètres. La 3e armée du général Toshev est en réserve. Le 21 septembre, Toshev reçoit l’ordre de se déployer pour défendre la frontière avec la Roumanie et le littoral de la mer Noire.


Objectif : prendre Nis


Le 14 octobre, les préparatifs du commandant en chef, le général Jékov, et de son chef d’état-major, le général Jostow, étant terminés, la Bulgarie déclare la guerre à la Serbie qu’elle envahit. Cette campagne va durer du 14 octobre au 15 novembre 1915. Son but est de s’emparer de la vallée du Vardar et de couper le chemin de fer vital de Skopje à Salonique pour empêcher l’armée serbe d’être ravitaillée et renforcée par les Franco-Britanniques. Au nord, les Allemands et les Austro-Hongrois ont pénétré en territoire serbe sur un front de 140 km. Pour fermer l’écart d’une centaine de kilomètres entre le flanc sud-est de la 11e armée allemande et la 1re armée bulgare, von Mackensen ordonne à Boyadjiev d’attaquer vers la vallée de la Morava et de prendre Nis et Aleksinac.Le lendemain, la 1re armée bulgare se dirige vers Nis, où le gouvernement serbe a trouvé refuge, tandis que la 2e armée prend la direction de Vranje, sur la Grande Morava, carrefour entre la Serbie, le Kosovo et la Macédoine. La progression bulgare est limitée en raison de la météo, qui transforme les routes en mer de boue et un épais brouillard qui réduit la visibilité, l’observation et le renseignement. Pourtant, dès le 16 octobre, Todorov prend la cité stratégique de Vranje, coupant ainsi les voies de communication ferroviaires entre la Serbie et la Macédoine Vardar. Les Bulgares, qui atteignent le Vardar, menacent de couper toute retraite aux Serbes. Toutefois, sur le front nord, le durcissement de la résistance serbe et les montagnes obligent la 1re armée à s’arrêter devant les forteresses de Pirot et Zajecar, à 15 kilomètres de la frontière.

Les Alliés se décident à porter secours à leur allié serbe, à « intimider » la Bulgarie (selon le mot de Joffre) et à ramener la Grèce dans le cadre de l’alliance serbo-grecque de 1913 en retirant du corps d’armée alliée de Gallipoli, les 156e division du général Bailloud et 10th Irish division du général Mahon, qui débarquent à Salonique sous les ordres du général Sarrail. Dès le 20 octobre, face au danger d’effondrement serbe, Sarrail prend l’offensive. Les Français atteignent Krivolak sur le Vardar, tandis que les Britanniques occupent le secteur entre le col de Kosturino, le Vardar et le lac Dojran. Cette progression favorise la retraite de l’armée serbe, car les Bulgares doivent se concentrer sur leur flanc sud pour faire face à une éventuelle invasion alliée de leur territoire, le long du massif montagneux des Rhodopes : face à cette menace au sud, Jékov transfère deux divisions d’infanterie en Macédoine et doit diviser la 2e armée en deux détachements : l’un, au nord contre les Serbes, et un au sud contre les Alliés.De Paris, le général Joffre suggère (sans succès) aux Russes de jeter 200 000 hommes par la Bessarabie et le Danube et aux Italiens de ramener 100 000 soldats à l’armée en cours de formation à Salonique : avec cette tenaille, il entend briser l’armée bulgare qui lui semble moins redoutable par sa puissance militaire que par sa position stratégique.En réalité, sur le front, Sarrail doit parer au plus pressé, car les Bulgares de la 1re armée et du détachement nord de la 2e armée s’engagent maintenant au Kosovo. Le 21 octobre, a lieu la première bataille entre les Français et les Bulgares. L’objectif de Sarrail est de menacer les flancs et les arrières de l’armée bulgare. Le 22 octobre, après un combat bref entre des Serbes et les Bulgares, ces derniers entrent à Kumanovo, puis dans Skopje, capitale de la Macédoine serbe. Les Bulgares sont sur les arrières des Serbes attaqués de front par von Mackensen. La percée des Bulgares, qui sont passés sur la rive gauche du Vardar, au centre du front, oblige les Serbes à battre en retraite dès le 26 octobre. Ne perdant pas une minute, Jékov envoie un détachement occuper le col de Kacanik, au Kosovo, afin de bloquer la retraite serbe vers l’Albanie. Le 30 octobre, tout en marchant au nord en direction d’Uskub, les Bulgares menacent les gorges de la Babouna qui permettrait aux Serbes de poursuivre vers le sud et Prilep.En tout état de cause, la progression des Bulgares crée les conditions favorables à l’encerclement de toute l’armée serbe encore présente en Serbie. Mais la 2e armée bulgare ne compte que deux divisions d’infanterie et une de cavalerie, absorbée en partie par les combats autour de Vranje et la résistance de Vélès, et Putnik espère que l’intervention massive des Alliés pourra la refouler.Le 1er novembre, Kragujevac, au cœur de la Serbie, tombe aux mains des Allemands de la 11e armée. Mackensen donne l’ordre de « pousser le corps principal de l’armée serbe » pour le battre définitivement. Le 5 novembre, la 1re armée bulgare, qui a repris sa progression, capture la capitale militaire serbe, Nis, et fait 5 000 prisonniers. Le même jour, la jonction est réalisée entre les 11e armée allemande et 1re armée bulgare. Les principaux objectifs bulgares, la Morava et Nis, sont atteints. En outre, les communications entre l’Autriche-Hongrie et la Bulgarie sont assurées.


La retraite de l'armée serbe


Mackensen veut « poursuivre sans relâche les Serbes en retraite », leur couper la retraite et avancer vers Pristina, capitale du Kosovo. La Quadruplice renouvelle son offensive. La 1re armée bulgare attaquera de l’est ; le détachement nord de la 2e armée bulgare du sud ; des éléments de la 11e armée allemande du nord ; le gros de la 3e armée austro-hongroise du nord-ouest. Mais les pluies de l’automne gonflent les eaux de la Grande Morava qui coule du sud au nord. Profitant de cette météo, de la lenteur de la progression autrichienne au nord, des Allemands, au nord et à l’est, et des Bulgares, du nord et de l’est, en raison des mauvaises routes et de l’extension de leurs lignes de ravitaillement, l’armée serbe lance une tentative désespérée en vue de percer autour de Kacanik et rejoindre les Alliés. Ils concentrent leurs troupes face à deux divisions d’infanterie de la 2e armée bulgare, principal obstacle entre eux et les Alliés. Néanmoins, les Serbes sont épuisés et ne parviennent pas à percer les lignes du détachement nord de la 2e armée. Ils doivent entamer leur retraite.Dans le secteur de Stroumitsa-Krivolak, en Macédoine serbe, le général Sarrail avec ses trois divisions françaises (122e, 156e et 57e) et la 10th division britannique est retranché le long d’un front de 80 km, devant la Cerna et jusqu’au lac Dojran, face à la 2e armée bulgare. Les Alliés doivent fixer les Bulgares au profit des Serbes. Le 12 novembre, le général Bogdanov ordonne une nouvelle offensive sur la ligne Gradsko-Mrzen, à l’est du lac Dojran. À l’ouest, les Français de la 122e D.I. atteignent la périphérie d’Ormanli et de Kosturino, s’arrêtant après avoir reçu des nouvelles de renforts bulgares venus au-delà du mont Belasica. Les combats sont violents, les Bulgares déplorent plus de 4 000 pertes, mais les Français s’épuisent.

Sur le front nord, le 23 novembre, le 4e corps allemand et la 9e division bulgare (1re armée), après avoir repoussé une contre-attaque serbe vers Vranje et Kumanovo, atteignent le Champ des Merles, le Kosovo Polje où en 1389 la noblesse serbe s’était sacrifiée face aux armées ottomanes. Les Bulgares occupent Kumanovo, Stip puis Skopje pour empêcher le retrait de l’armée serbe en direction de la frontière grecque et de Salonique. Parallèlement, les Bulgares vainquent deux divisions françaises à la bataille de Krivolak (21 octobre-25 novembre), dans la boucle du Vardar. Grâce à ce succès, Jékov, qui ne déplore qu’environ 500 pertes, empêche la liaison des Serbes et des Franco-Anglais.Le 24 novembre, des unités de la 1re armée bulgare prennent Pristina, capitale du Kosovo. En apprenant cette chute, le général Sarrail comprend qu’il n’est plus en mesure d’aider les Serbes. La 122e D.I. doit repasser la Cerna. En outre, Sarrail reçoit l’ordre de se replier sur Bitola, en raison de l’hostilité de certaines unités grecques, qui exposent les arrières français à une éventuelle attaque des Hellènes royalistes proches des Centraux. Allemands et Bulgares font leur jonction dans le Kosovo ; acculé, totalement coupé de ses alliés, Putnik ordonne la retraite générale de toute l’armée, pour éviter sa destruction complète, à travers l’Albanie (restée neutre) du nord pour atteindre Shkodër (Scutari) et gagner l’Adriatique.


Repli des Alliés à Salonique


Les 6e et 9e divisions de la 1re armée bulgare sont à Pristina, pendant que la 11e armée allemande et la 3e armée austro-hongroise venues du nord descendent vers la capitale du Kosovo et que la 2e armée bulgare avance au sud vers Prilep, Monastir puis Ohrid, à la frontière de l’Albanie. Le 4 décembre, Debar, à la frontière albanaise, est capturé par la 3e division bulgare « Balkans ». Le même jour, les Bulgares entrent dans Monastir (Bitola), capitale de la Macédoine serbe, marquant la fin des opérations contre l’armée serbe, qui poursuit sa retraite à travers les montagnes albanaises.À Kosturino, à l’est de la Macédoine, près de la frontière grecque, les Britanniques de la 10th division font face à la 2e armée bulgare. À partir du 3 décembre, les Bulgares, ayant reçu des renforts, attaquent. Mahon essaie de coordonner ses opérations avec le repli des Français sur son flanc gauche. Mais les Irlandais sont submergés par le nombre et les Bulgares gagnent du terrain. Les Français ne sont pas en mesure de soutenir Mahon, excentré sur la ligne de front. Le Britannique décide de retraiter après avoir perdu plus 1 500 hommes. Les Français sont donc suivis par les Britanniques vaincus à Ormanli et le 11 décembre, les Bulgares atteignent la frontière grecque.

Les revers de Krivolak et d’Ormanli conduisent au retrait complet des forces alliées de Macédoine et permettent aux Puissances centrales de rouvrir la ligne de chemin de fer Berlin-Constantinople. Au 12 décembre 1915, les Alliés se sont repliés en Grèce, pays neutre dont le roi Constantin et certains officiers sont germanophiles. Les Français sont parvenus à sauver une partie de l’armée serbe qui échappe à la destruction complète en trouvant refuge sur l’île grecque de Corfou. Malgré l’hostilité des troupes helléniques, les Franco-Britanniques établissent une ligne de défense en Macédoine grecque et s’installent à Salonique, au camp retranché de Zeitenlik, avec une suite de collines offrant d’excellentes observations vers le nord. Cette base alliée sera, en 1918, la clé du succès des Alliés sur le front des Balkans.La campagne de Serbie terminée, le front macédonien se stabilise. En deux mois de combats, la Bulgarie a atteint son principal but de guerre, la conquête de la Macédoine Vardar. Sofia l’annexe et l’armée bulgare y lève une unité, la 11e division macédonienne. L’Allemagne gagne un accès aux ressources de l’Asie ottomane ; les Turcs peuvent recevoir le matériel et l’équipement allemands ; quant à l’Autriche-Hongrie, elle sécurise son flanc sud et peut dorénavant se concentrer sur les fronts russe et italien.


Le refus allemand envers le plan bulgare


Comprenant qu’il lui faut conserver l’initiative pour rejoindre la mer Égée, Jékov entend poursuivre son offensive contre les troupes alliées qui se replient en désordre vers Salonique. Un ultime effort bulgare semble alors à même de réduire le camp fortifié de Zeitenlik. Numériquement supérieurs, les Bulgares espèrent qu’un dernier effort sera capable de rejeter à la mer les Alliés franco-britanniques. En éliminant le camp de Salonique, Jékov, soutenu par l’Autrichien von Hötzendorf, veut éliminer toute menace alliée contre la Macédoine, la Bulgarie, mais aussi l’ensemble du front des Balkans, voire la frontière méridionale de l’Autriche.

Confiant dans son armée qui a prouvé ses qualités combatives et manœuvrières, Jékov explique aux Allemands qu’une attaque contre Salonique serait décisive pour le front des Balkans : « Nous avons consacré toute notre existence à cette guerre, nous nous sommes engagés dans des combats sanglants et avons subi des pertes énormes pour parvenir à éliminer tout danger sur notre frontière méridionale ».Pourtant, les Allemands refusent d’approuver le projet bulgare contre Salonique. Le chef d’état-major général von Falkenhayn estime que le but de sa campagne est rempli : il a détruit l’armée serbe et ouvert les communications directes entre les Empires centraux et la Turquie. De plus, les combats entre les Bulgares et les Alliés en Grèce, sur le territoire grec, pourraient placer le roi Constantin, beau-frère du Kaiser Guillaume II, dans une situation intenable, alors que la situation politique en Grèce a changé puisqu’au francophile Venizélos a succédé le germanophile Zaïmis. De plus, stratégiquement, le camp de Salonique et le front macédonien permettent aux Allemands de fixer dans les Balkans 300 000 soldats de l’Entente loin du front occidental.Enfin, les Allemands n’ont qu’une confiance limitée dans les Bulgares. Outre qu’ils jugent que seules les unités allemandes sont aptes à l’offensive (alors que les armées bulgares ont montré leur potentiel pendant la campagne de Serbie), ils gardent à l’esprit la volte-face de 1913, quand la Bulgarie a attaqué la Serbie et la Grèce. Von Falkenhayn redoute des heurts entre les troupes de Ferdinand et celles de Constantin si celui-ci devait rejoindre les Centraux. En réalité, von Falkenhayn commet l’erreur de ne pas en terminer avec ce front et de ne pas faire de Salonique, non plus une épine dans le pied de la Quadruplice, mais une formidable place, une position défensive et un port stratégiques sur la mer Égée.

Bien que les chefs de guerre bulgares ont démontré leurs capacités à diriger avec succès leurs unités lors des deux guerres balkaniques, puis pendant les campagnes de Serbie et du Kosovo, les généraux allemands ne feront jamais confiance à leurs homologues. Dès lors, la structure de commandement établie par les Allemands sur le front de Macédoine n’offre que peu de latitude aux généraux bulgares pour prendre des décisions, des initiatives et exploiter les opportunités qui se présentent à eux. Or, les Allemands imposent leur concept défensif des opérations sur le front de Macédoine. Le Generalfeldmarschall von Falkenhayn écrira dans ses mémoires : « Si le retrait définitif de l’Entente du front des Balkans aurait eu pour les Bulgares le résultat très souhaitable qu’ils auraient été à l’abri de tout menace directe, cela n’aurait constitué qu’un avantage très douteux pour la conduite générale de la guerre que nous menions. »Quoi qu’il en soit, les Allemands ordonnent aux Bulgares de ne pas poursuivre les Alliés sur le territoire grec. Or, si les Allemands n’envisagent pas la défaite définitive des forces de l’Entente dans les Balkans, c’est l’objectif bulgare… Le général Noikov, chef des opérations de l’armée bulgare pendant la guerre, écrira : « Établir des positions défensives (sur le front macédonien) ne valait la peine qu’à la condition qu’elles soient dictées par une nécessité urgente […] il est évident qu’il aurait fallu chercher à vaincre le plus rapidement possible ». Mais le but des Allemands est différent : pour eux, les troupes bulgares doivent être employées sur le front des Balkans pour fixer des unités alliées empêchant leur utilisation sur le front occidental ; l’Allemagne se contentant de former « le plus grand camp de concentration de l’Entente à Salonique » avec un minimum de troupes et un effort limité. Mais Jékov comprend qu’en agissant de la sorte, il perd l’initiative et laisse les


Alliés se renforcer.

C’est donc aussi par égoïsme militaire que les Allemands refusent aux Bulgares l’occasion d’en finir avec la présence alliée dans les Balkans. Mais von Falkenhayn, von Mackensen et leurs supérieurs ont aussi compris que si les buts de guerre bulgares étaient atteints, Ferdinand pourrait décider de retirer ses troupes du front… Pour leur part, Ferdinand et Jékov en déduisent que le soutien allemand leur est compté. Toutefois, Ferdinand ne va pas jusqu’à s’avouer que la poursuite de la guerre ne coïncide plus avec les objectifs bulgares : il n’ignore pas les divergences avec ses alliés, mais n’est pas en mesure de s’y opposer. En effet, par manque d’infrastructure industrielle, les Bulgares dépendent des Allemands et des Autrichiens pour les produits manufacturés et surtout les fournitures militaires.Les Bulgares doivent donc arrêter leur offensive à la frontière grecque. Cette décision va déterminer le reste du cours de la guerre que mène la Bulgarie. En effet, en prolongeant le conflit, en ne sachant pas la finir, en ne rejoignant pas la mer Égée dès la fin 1915, les Bulgares se lancent dans une guerre longue, une guerre d’attrition qu’elle n’a pas les moyens de mener à cause de ressources humaines limitées et d’une économie fragile.


1916, le projet d'offensive de Sarrail


En mai 1916, les Alliés proclament l’état de siège à Salonique à la suite de la prise de Fort Roupel, le 25 mai, sur l’ancienne frontière grecque, par les troupes germano-bulgares ; plutôt, ce sont les officiers grecs germanophiles qui ont laissé les Bulgares capturer ce fort. Les enjeux ne sont pas uniquement militaires ; ils sont aussi diplomatiques. Les Alliés tentent de convaincre la Roumanie et la Grèce d’entrer en guerre pour encercler la Bulgarie. Le 4 juillet, le premier ministre roumain, Ion Bratianu, les informe que son pays interviendra si, de Salonique, Sarrail déclenche une offensive contre les Bulgares.L’arrêt des troupes bulgares sur la frontière grecque permet aux armées alliées de Salonique d’y renforcer leurs positions. Les armées alliées en Orient (C.A.A.), commandées par le général Sarrail et dont fait partie l’armée française d’Orient (A.F.O.), établissent autour de Salonique une ligne de défense qui suit une ligne entre les lacs Ohrid, à l’ouest, et celui de Dojran à l’est, en passant au centre par le lac de Prespa. Les Alliés concentrent dans le camp de Zeitenlik leurs troupes, complétées par des contingents italiens et russes, puis serbes, grecs, mais aussi albanais et portugais.Au printemps 1916, les armées bulgares sont résolues à conserver une attitude défensive sur le front de Macédoine : Jékov craint de réveiller l’esprit patriotique des Grecs en envahissant le pays et il est conscient des limites de son armée.À l’été 1916, le succès apparent de l’offensive russe du général Broussilov en Galicie modifie la situation sur les fronts de l’Est et d’Orient. Les Allemands dépêchent des renforts pour soutenir leurs alliés autrichiens défaillants. La Roumanie, qui hésitait entre les deux camps depuis le début de la guerre, semble prête à profiter de l’état de l’armée austro-hongroise pour rejoindre les Alliés. Pour leur part, renforcés d’un corps d’armée italien et de l’armée serbe, les Alliés franco-britanniques prennent l’offensive en août 1916, dans le but de soulager le front Ouest sur lequel se déroulent les batailles de la Somme et de Verdun.

Confiant dans l’entrée en guerre de la Roumanie, Joffre approuve le plan d’opérations de Sarrail qui prévoit que les armées serbes et françaises attaqueront dans la vallée du Vardar et de lac Dojran pendant qu’au nord « les forces russo-roumaines du Danube auront pour objectif de détruire les forces ennemies et de réaliser leur jonction dans le délai le plus bref possible ». Le 4 août, est déclenchée une opération préliminaire. Les Serbes lancent une attaque dans la région du lac Prespa en Macédoine, autour de Florina. À partir du 9, trois divisions françaises et une division britannique, soit 45 000 hommes, engagent une attaque contre les positions bulgares au lac Dojran. Le secteur est défendu par 4 régiments bulgares des 2e et 3e divisions sur un front de 22 kilomètres : les effectifs bulgares sont déjà réduits par les pertes et les difficultés de recruter et ces 4 régiments ne comptent qu’à peine 5 000 hommes, quand l’effectif complet est de 10 000. En outre, il n’y a que 4 bataillons en réserve ; pour l’artillerie, le secteur bulgare ne dispose que de 55 pièces.À droite, les Alliés franchissent le Strouma, au nord-ouest de Serès, tandis qu’au centre des lignes, l’artillerie fixe le front sur le Vardar. À l’ouest, sur la Cerna et la Moglena (2 000 m d’altitude), les Serbes prennent les positions des 2e et 3e divisions bulgares, pourtant bien organisées, mais à l’extrême gauche, ils doivent refluer face à la résistance bulgare. Les Alliés avancent aussi face aux Bulgares à l’ouest du lac de Vegoritida.Pour leur part, les Empires centraux ne restent pas immobiles. La menace que représente la Roumanie persuade les Allemands de lever leur interdiction d’une avance bulgare en Grèce, d’autant que Jékov entend toujours rejeter Sarrail à la mer, améliorer ses positions et secourir le roi Constantin. Jékov veut aussi profiter de l’offensive des Alliés du début août 1916 qui a désorganisé leurs positions défensives pour lancer sa contre-attaque et les prendre de court à l’est et au centre.

Les Grecs au secours des Alliés

Le chef d’état-major général allemand, von Falkenhayn, autorise Jékov à progresser avec ses ailes marchantes en Thrace et en Macédoine en deux offensives enveloppantes. L’effort bulgare se fait sur les deux ailes alliées, vers le Strouma et Florina. La 1re armée (180 000 Bulgares) mène l’offensive de Lerin (Florina), du 17 au 27 août 1916. C’est une surprise pour les Alliés. Sur un front de 150 km, les Bulgares s’engagent dans les lignes alliées sur une profondeur de 25 km, avec un rythme quotidien de 2,3 km. À droite, les Bulgares manœuvrent, débordant la gauche des Serbes en pivotant autour du Kaïmatchalan : la division serbe Danube est culbutée et les Bulgarie enlèvent Petorak puis Florina, au prix de 1 079 tués et 4 399 blessés.Dans le même temps, au centre du front, la 2e armée du général Loukoff conduit ses troupes dans une opération contre Stroumitsa, du 17 au 23 août, sur un front de 230 km et 90 km de profondeur ; elle gagne 15 km par jour pour des pertes minimes, 28 tués et 65 blessés. Les troupes bulgares progressent ainsi en Macédoine orientale sans que l’armée hellène ne s’y oppose. Elles prennent Drama, Serrès (2e armée) et le port égéen de Kavala (4e armée). Dès le 20 août, les Bulgares sont en capacité de poursuivre vers le sud et d’entrer en relation avec les unités grecques royalistes et vers l’est pour menacer les liaisons entre le front français et Salonique.Le 23 août, grâce à des renforts serbes et à l’artillerie française, l’avance des Bulgares est enrayée mais leur attaque brusquée a fait avorter le projet d’offensive de Sarrail destinée à favoriser l’entrée en guerre de la Roumanie. Pourtant, arrivés en Grèce, les Bulgares, ayant satisfait leurs objectifs locaux, en oublient leur mission stratégique et ne franchissent pas le Strouma : ils ne prennent pas la direction de Zeitenlik, à moins de 80 km. À l’est, les Bulgares ont tenté de rejoindre Édesse mais la 2e armée serbe, là aussi, les arrête.Ces offensives bulgares sont montées minutieusement par un état-major compétent et menées par un encadrement efficace, rapidement avec un esprit de manœuvre malgré un terrain montagneux et peu de routes praticables. Les soldats bulgares y font preuve de discipline et d’allant. Si sur le Strouma, les attaques bulgares sont brisées, Jékov a pris la Macédoine orientale, livrée par les Grecs, sans oser aller plus loin. Il estime que son armée n’est pas capable de se mesurer aux Alliés et réclame aux Allemands des renforts.Néanmoins, la présence des Bulgares en Macédoine orientale constitue un danger pour le camp de Salonique. Sarrail intervient dans la politique intérieure grecque pour imposer Venizélos à la tête du pays. En décembre, après moult péripéties, Venizélos déclarera la guerre à la Bulgarie et à l’Allemagne. Les troupes alliées sont libérées de toute inquiétude quant à leurs arrières : le camp de Zeitenlik peut véritablement jouer son rôle de base de départ pour leurs futures opérations et l’armée hellénique va progressivement se mettre en ordre de bataille pour rejoindre le front.


Les Alliés réduit à la défensive


Dans le même temps, le 27 août, la Roumanie entre en guerre aux côtés des Alliés, qui lui ont promis la Bucovine, la Transylvanie et le Banat. Désormais, les positions que tiennent les Bulgares deviennent stratégiques pour la stabilité du front macédonien et l’endiguement de la Roumanie car, l’armée bulgare combat sur deux fronts. Mais plutôt que de prendre en tenaille la Bulgarie, les Roumains envahissent la Transylvanie hongroise. À la fin du mois d’août, les Bulgares passent à l’offensive contre les Roumains et ouvrent ainsi un second front dans le secteur de Brujani, où la 3e armée du général Tochev mène l’offensive contre la forteresse de Tutrakan, en septembre 1916, qui lui coûte 2 499 morts et 7 792 blessés.Au sud du front, Sarrail doit rétablir la situation. Du 12 septembre au 19 novembre, la bataille de Monastir doit permettre aux troupes françaises et serbes de percer les lignes bulgares et d’atteindre la vallée de la Cerna. Le 14 septembre, les troupes de l’armée d’Orient et les Serbes des divisions Danube, Vardar et Morava percent les lignes bulgares à Gornicevo et atteignent la Cerna. Par une manœuvre enveloppante, la 156e division du général Cordonnier prend Florina, le 17 septembre, malgré une farouche défense bulgare.

Mais, devant Monastir, les Bulgares, comme à leur habitude, ont préparé de formidables positions retranchées et les Allemands du général von Below tiennent la seconde ligne, dans la boucle de la Cerna, pour empêcher le front de s’écrouler. Le 6 octobre, Sarrail relance son offensive. Les lignes allemandes et bulgares sont impossibles à enlever et l’offensive est renouvelée le 14 octobre. Seuls, sur le flanc droit, les Serbes progressent. Sarrail limoge Cordonnier et décide de passer par la boucle du Cerna, moins protégée, pour déborder la première ligne de défense de Kenali, solidement tenue par les Bulgares. À l’est, sur le Strouma, les Britanniques prennent enfin toute leur part à l’offensive. Les Bulgares contre-attaquent mais sans succès. La ligne Kenali débordée par l’est, les Bulgares abandonnent leurs positions pour s’installer sur les crêtes au nord de Monastir. La ville est prise le 19 novembre.Sarrail veut poursuivre vers le nord pour protéger la cité d’une contre-offensive germano-bulgare. Toutefois, à partir de la crête au nord-ouest, autour de la cote 1248 (village de Snegovo), l’artillerie germano-bulgare bombarde sans cesse la cité. Il faudra attendre mars 1917 pour que les Poilus d’Orient la dégagent, sans pouvoir s’y installer. Les Alliés sont épuisés : ils ont perdu 14 000 Français, 3 000 Italiens et 28 000 Serbes, sans compter les très nombreux malades (choléra, dysenterie, typhus...).Au nord, le 14 septembre, les troupes bulgaro-allemandes de von Mackensen lancent leur offensive à l’est de Silistra contre les Roumains et les obligent à évacuer la Transylvanie. En octobre, ils empêchent les Roumains de franchir le Danube et d’envahir la Bulgarie. En novembre, la 3e armée bulgare entre en Dobroudja, jusqu’à l’embouchure du Danube. Le 6 décembre, la 9e armée impériale de von Falkenhayn traverse la Valachie, fait la jonction avec les Germano-Bulgares du groupe d’armées von Mackensen venus de Dobroudja, et entre à Bucarest. Le roi et le gouvernement roumains trouvent refuge en Moldavie.Avec l’armistice imposé à la Roumanie, c’est toute la stratégie alliée sur le front d’Orient qui est remise en cause. La campagne de 1916 devait mettre hors-jeu la Bulgarie, grâce à l’entrée en guerre de la Roumanie. Or la débâcle roumaine, après la ruine des Serbes l’année précédente, ébranle l’Entente. Si devant Monastir, les Poilus résistent aux Bulgares, les Alliés sont de nouveau réduits à la défensive. Salonique devient, plus que jamais, un front secondaire où les soldats alliés doivent autant combattre les Bulgares que les nombreuses maladies qui, dans cette Europe extrême, prolifèrent : le scorbut, la dysenterie et surtout le paludisme. En 1917, une épidémie de malaria est difficilement endiguée à Zeitenlick.

Avec la réoccupation de la Dobroudja du sud, la Bulgarie remplit ses objectifs de guerre. Malgré les victoires en Macédoine et en Roumanie, Radoslavov et Ferdinand comprennent que le pays ne pourra poursuivre l’effort militaire exigé. Ferdinand est tenté de rester sur la défensive pour préserver ses acquis même si, sur le front, les armées bulgares conservent leur cohésion, jouant un rôle central dans la fixation des Alliés dans leur camp de Zeitenlik et bousculant aisément les Roumains au nord.


La grogne des soldats bulgares


D’autant qu’au niveau diplomatique, les Bulgares se retrouvent confrontés à leur ennemi ancestral, les Ottomans. Profitant de ce qu’ils sont dans le même camp des Puissances centrales, les Turcs décident de faire payer au prix fort leur soutien aux Allemands. Ils soulèvent la question de la restitution de la vallée de la Maritsa par la Bulgarie. À la fin 1916, les Turcs réclament à la Bulgarie toute la Thrace. En juillet 1918, une demande officielle ottomane pour le retour de la Thrace occidentale parvient à Sofia. De plus, le traité de Bucarest déçoit les Bulgares, notamment concernant la Dobroudja : les Austro-Autrichiens arguent perfidement que puisque la Roumanie a signé un armistice, son intégrité territoriale doit être respectée.

Pour les deux Empires centraux, la Bulgarie est le maillon faible de leur dispositif politique, mais pour l’instant, François-Joseph et Guillaume II entendent conserver de bonnes relations avec Ferdinand, parce que les armées bulgares tiennent leur position. Toutefois, Jékov sait que s’il venait que ses troupes faiblissent face aux Alliés, qui à Salonique se renforcent sans cesse, alors, sans hésitation, les Centraux lâcheraient la Bulgarie. En tout état de cause, en cette fin d’année 1917, il apparaît que les Allemands se désintéressent du front des Balkans : ils préparent leur grande offensive sur le front occidental et vont retirer le gros de leurs troupes et une grande partie de leur équipement de Macédoine.En mars 1917, comme Jékov le craignait, les Alliés relancent leur offensive sur le lac Prespa, comme dans la boucle de la Cerna et sur le Vardar pour dégager Monastir, cernée par les troupes germano-bulgares et soumise à un bombardement systématique de l’artillerie allemande. Sarrail débute ses opérations le 11 mars, frappant vers le nord entre Monastir et le lac Prespa, contre les 6e et 8e divisions bulgares ; l’attaque de diversion du général Milne, commandant l’armée britannique de Salonique, au lac Dorjan, commence le lendemain. Le 23 avril, les troupes anglaises autour du secteur fortifié de Dojran, puis le 5 mai, les Français attaquent encore une fois. Le manque d’artillerie, le terrain montagneux, la neige, l’épuisement de ses troupes et surtout la résistance et les contre-attaques acharnées des Bulgares font échouer Sarrail qui suspend son offensive le 23 mai. Les pertes sont de 11 000 Français, 6 000 Britanniques et 900 Serbes.

Si la fin d’année 1917 est difficile pour l’Entente qui perd deux alliés, la Russie et la Roumanie, les Bulgares continuent de tenir le front macédonien malgré des ressources humaines en constante réduction, qui ne lui permettent qu’une action purement défensive. Toutefois, après 5 ans de guerre sans discontinuité, la lassitude gagne la population ; la faim et l’inflation apparaissent. Alors qu’en Russie, la révolution met un terme à la participation russe à la guerre, en Bulgarie, les tensions se développent entre le gouvernement Radoslavov et des officiers qui soulignent les problèmes d’approvisionnement en produits de première nécessité pour la population civile, d’armes, de munitions, d’uniformes pour l’armée.Dorénavant, les soldats et les officiers bulgares, commandés sans égards par les généraux allemands et renforcés seulement de quelques bataillons allemands, sont persuadés d’être sacrifiés aux intérêts du IIe Reich. Pendant ce temps, les difficultés subies par la population civile affectent le moral des soldats sur le front. Les premières mutineries ont lieu en mai 1917, lorsque les hommes d’une compagnie du 1er régiment d’infanterie (Sofia) refusent de remonter au front tant qu’on ne leur a pas assuré que leurs familles seront nourries correctement. Pendant l’été 1917, on compte plus de 500 soldats détenus à la prison centrale de Sofia pour « agitation ».


Le mécontentement parmi les troupes est aggravé par le fait que les alliés allemands et autrichiens sont mieux nourris, habillés et chaussés, mieux armés parce que leurs approvisionnements sont assurés par une meilleure logistique, mais aussi parce que désormais les Allemands réquisitionnent sans vergogne une grande part de la production agricole bulgare : disposant de 18 000 soldats sur le front des Balkans, ils exigent des rations pour 100 000 hommes. À la suite d’une tournée auprès de ses unités sur le front, le général Jékov rapporte à Ferdinand que « le manque de nourriture, pain et viande, provoque un malaise parmi les hommes qui fait chuter leur moral ». Au début de 1918, les Allemands prennent le contrôle sur les chemins de fer bulgares et le réseau téléphonique. Les Bulgares ont le sentiment que désormais est occupée par les Allemands, qu’ils doivent en plus nourrir.En décembre 1917, 10 000 manifestants à Sofia viennent écouter le chef socialiste Dimitrev Blagoev exiger la paix et la révolution ; le mois suivant, des émeutes à Gabrovo, au centre du pays, durent trois jours. L’agitation des femmes bulgares devient endémique dans tout le pays. Si l’armée bulgare a combattu des Russes (en Dobroudja et en Macédoine), le sentiment russophile est toujours présent parmi les officiers comme la petite paysannerie qui paie le plus lourd tribut à la guerre et l’exemple des deux révolutions russes, de février comme d’octobre 1917, chez les Slaves que sont les Bulgares, gagne du terrain. Il semble alors que seuls les bolcheviks soutenus par Blagoev offrent une alternative, c’est-à-dire la paix immédiate, à la continuation de la guerre au profit de l’Allemagne.

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