Cours Florent, un rêve de comédien(ne)
- anaiscvx
- May 2, 2024
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Fondé il y a un peu moins de cinquante ans par François Florent, ce cours d’art dramatique est, au même titre que le Cours Simon, une véritable institution de la formation de comédien(ne)s en France. Tant il est vrai qu’il y a aujourd’hui peu de films qui ne comptent un(e), voire plusieurs de ses ancien(ne)s élèves au générique. Une formidable publicité pour ceux et celles qui souhaitent s’y inscrire afin d’y suivre un enseignement qui a donné d’aussi bons résultats.
François Artigas

Quel rapport existe-t-il entre Isabelle Adjani, Sandrine Kiberlain, Diane Kruger, Sophie Marceau, Audrey Tautou, Clotilde Courau et Elsa Zylbertstein ? Si le grand public associe immédiatement le nom de ces comédiennes à leurs plus grands rôles au cinéma et pour certaines au théâtre où elles ont tourné ou joué avec quelques-uns des plus prestigieux metteurs en scène, ces actrices ont toutes en commun d’avoir suivi l’enseignement du Cours Florent avant de devenir les célébrités sur grand écran ou sur papier glacé que l’on connaît. Une réputation qui va d’ailleurs bien au-delà de nos frontières.
Côté masculin, le casting des anciens « Florentins » est tout aussi prestigieux avec des talents comme Yvan Attal, Daniel Auteuil, Édouard Baer, Jean-Pierre Darroussin, José Garcia, Benjamin Lavernhe, Vincent Lindon, Denis Podalydès, Jacques Spiesser, Pierre Niney, Guillaume Galliene. Il est impossible de tous les citer. Même, et cela peut sembler plus surprenant, Éric Ruf, l’actuel administrateur de la Comédie Française y a été un élève assidu avant de rejoindre la Maison de Molière d’abord comme pensionnaire, puis comme sociétaire avant d’en occuper la plus prestigieuse des fonctions. Tout aussi étonnant, Mylène Farmer y a suivi son enseignement en rêvant à un destin d’actrice avant de bifurquer avec le succès que l’on sait vers la chanson. À noter que l’écrivaine Leïla Slimani et l’animatrice télé Mareva Galanter y ont également été élèves. Preuve que le Cours Florent peut mener à toutes sortes de carrières. À noter que le célèbre comédien Francis Huster, qui en fut l’un des tous premiers élèves y enseigna avant d’être à l’origine, en qualité de professeur proche de son fondateur, de la classe libre.
Un peu d’histoire
C’est le 7 janvier 1967 que le Cours Florent ouvre ses portes. Les débuts sont particulièrement modestes puisque seulement vingt-huit élèves y sont inscrits. Ils viennent pour la plupart de la classe d’art dramatique du Conservatoire du 17e arrondissement de Paris où François Florent y dispense son enseignement et obtient d’excellents résultats couronnés par plusieurs prix lors de concours inter-conservatoires. Les premiers cours sont donnés dans une petite salle qu’il loue au 38, rue des Saules dans le 18e arrondissement de la capitale.
S’il arrive à vivre de son enseignement, il ne roule pas sur l’or malgré le salaire qu’il touche de la Mairie de Paris pour un poste d’enseignant au Conservatoire qu’il occupe jusqu’en 1979. Il doit à la générosité de ses élèves et surtout de leurs... parents de poursuivre une aventure qui, faute de moyens financiers, aurait pu très vite s’arrêter ! Après le temps des vaches maigres, le Cours, grâce à la qualité de l’enseignement de son fondateur et au bouche-à-oreille de ses anciens élèves auprès d’apprentis comédiens, trouve enfin ses marques. Pourtant, pas simple de recruter de nouveaux élèves à une époque où le Cours Simon, qui s’honore d’avoir formé des comédiennes et des comédiens aussi célèbres que Michèle Morgan, Jacqueline Maillan, Gérard Philippe, Louis de Funès, François Perrier, Robert Hossein, Michel Piccoli ou encore plus près de nous le regretté Jean-Pierre Bacri, tient le haut du pavé.
Mais qui est donc François Florent ? Né à Mulhouse en 1937 dans une famille catholique, il ne parle qu’alsacien jusqu’à ses huit ans et découvre le théâtre en même temps qu’il apprend le français, en suivant sa scolarité chez les Frères des Écoles chrétiennes de Mulhouse. C’est là que naît sa vocation et qu’il décide d’en faire sa profession. Mais pour cela, il faut monter dans la capitale avec pour maigre bagage quelques participations comme comédien-stagiaire dans des émissions dramatiques de Radio Strasbourg et à des productions pour enfants. Lorsqu’il arrive à Paris en 1956 pour étudier au Centre de la rue Blanche (aujourd’hui École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre), où il vient d’être admis après avoir passé avec succès la première scène de Pyrrhus d’Andromaque, celui qui s’appelle encore François Eichholtzer adopte son pseudonyme de Florent – son deuxième prénom. Un nom de scène qu’il estime plus en phase avec son époque et surtout moins compliqué à prononcer pour espérer faire carrière. Car ce brillant élève, qui intègre l’année suivante le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, n’a qu’une idée en tête : celle de devenir comédien et, si cela se passe bien pour lui, d’entrer à la fin de ses études au « saint des saints » des troupes de théâtre que représente celle de la Comédie-Française. Mais pour cela, encore faut-il obtenir un prix lors du concours de sortie qui n’a pas encore été supprimé. Pourtant rien ne se passe comme prévu. Au Conservatoire, François Florent va faire une rencontre qui sera capitale et déterminante pour la suite de sa carrière, en la personne de René Simon, fondateur du célèbre Cours, qui y enseigne l’art dramatique. C’est à son contact qu’il comprend qu’il est davantage fait pour l’enseignement, en fait sa véritable vocation, que pour jouer la comédie et monter sur les planches. Sous son influence, il change d’orientation et devient alors professeur dans des conservatoires d’arrondissements.
Le discours de la méthode
Quand il débute sa carrière de professeur en 1962, François Florent ne développe pas encore la méthode qui va faire le succès de son cours. Il fait comme il a vu faire, et comme il a fait lui-même, jeune Alsacien débarqué de Mulhouse à la rue Blanche, puis au Conservatoire sans grande expérience théâtrale. « On arrivait au cours, on présentait des scènes. Mais j’ai vite compris qu’il fallait retarder ce moment de crème Chantilly, aider plutôt l’élève à se mettre à nu. En travaillant le texte d’abord – et n’importe quel texte –, en en trouvant la diction, c’est-à-dire l’élégance du dire, le style, et non l’articulation du dire. En écoutant son corps… À nous, professeurs, d’encourager les passions, l’antagonisme des pensées qui fertilisent, tout comme les rêveries solitaires. Les grands acteurs sont de grands subversifs qui remettent en cause la marche du monde » confie à l’hebdomadaire Télérama celui qui reconnaît que si un maître l’a inspiré un jour, c’est bien l’immense Louis Jouvet qu’il n’a pourtant pas connu puisque disparu en 1951. Un enseignement à des années-lumière de celui que prône l’Actor’s Studio qu’il n’hésite pas à fustiger : « Cette méthode-là prône l’identification au personnage, et je n’y crois pas. Que veut donc dire : “Il est le personnage, il s’est mis dans la peau du personnage” ? Quelle bêtise ! L’acteur aurait-il mis son âme à lui dans la poche ? Mais c’est le contraire qu’il faut faire : projeter son âme ! Incarner des signes grâce à elle. Car un personnage n’est jamais qu’un signe intellectuel, c’est le rôle qui est sa transcription physiologique » poursuit-il dans cette interview qui fera date.
Une « usine » à comédiens et comédiennes
Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de cinq campus parisiens situés dans le 19e et le 20e arrondissements de la capitale (rue Archereau, rue Mathis, avenue Jean Jaurès, rue des Haies et Quai de l’Oise) et trois décentralisés (Bruxelles, 2013 ; Montpellier, 2015 et Bordeaux-Lormont 2017) qui dispensent la pédagogie de François Florent décédé le 27 septembre 2021. Un fondateur qui a toujours su cultiver sa singularité en ambitionnant, à la différence d’autres cours d’art dramatique, que ses professeurs soient plus des « accoucheurs » de talent que des formateurs qui inculquent des connaissances.
Si la pédagogie n’a que peu varié depuis près d’un demi-siècle, l’école a, en revanche, connu un développement exponentiel avec plusieurs milliers de comédien(ne)s formé(e)s depuis la création d’un cours qui emploie aujourd’hui, hors professeurs vacataires, une cinquantaine de salariés. La formation, d’une durée de trois ans, est ouverte à tous à partir de dix-sept ans après un stage d’accès ou une audition et permet aux étudiants de se spécialiser en cinéma ou en théâtre. Le Cours Florent propose également deux formations à la comédie musicale et aux musiques actuelles d’une durée de trois ans chacune. En décembre 2011, l’école a rejoint le pôle « Arts et Création » du Groupe Studialis. Elle est désormais la propriété du groupe Galiléo Global Éducation France.
La Classe libre
En 1979, Francis Huster propose à François Florent de créer un cours destiné à des élèves doué(e)s mais sans moyens financiers afin qu’ils puissent suivre gratuitement durant deux ans l’enseignement dispensé au Cours Florent. La classe libre est née. Elle accueille, bon an, mal an, une vingtaine d’étudiant(e)s à parité entre garçons et filles. Ils sont actuellement dix-huit à en bénéficier. Un cursus très sélectif puisse que ce sont près de deux mille candidats qui posent chaque année leur candidature ! « Il y a, comme pour le Conservatoire, trois tours de sélection de dix minutes. Les heureux élus bénéficieront ensuite du même enseignement que les autres élèves » se félicite Simone Strickner, la directrice du Cours Florent.
F.A.
Simone Strickner « Il n’existe pas de profil type d’élève »
D’origine autrichienne, Simone Strickner a commencé sa formation de comédienne dans son pays, où elle a été diplômée. Passionnée par la langue française, elle a été élève du Cours Florent avant d’en devenir enseignante. Durant dix ans, elle fut l’une des plus proches collaboratrices de Jérôme Savary à l’Opéra-Comique. Elle dirige le Cours Florent depuis 2022.
Combien d’élèves fréquentent votre cours ?
Dans le cycle de formation, nous avons 1 300 élèves qui se répartissent entre nos différents sites de Paris, Bruxelles, Montpellier et Bordeaux. C’était une volonté d’aller un peu ailleurs que dans la capitale. Ceci dit, tous les élèves suivent le même cycle de formation.
Quelle est la durée des études ?
Elle est de trois ans avec une quatrième année optionnelle. La première année est un tronc commun de jeu pour les élèves des sections théâtre et cinéma car il est important d’aborder tout d’abord les fondamentaux – l’imaginaire, l’interaction, le corps, la voix. En deuxième année, ils peuvent choisir entre les orientations théâtre, cinéma et théâtre/caméra.
Comment sont sélectionné(e)s les élèves ?
Par des stages de vingt-cinq heures. Ce mode de sélection fait vraiment partie de l’ADN de l’école. Car c’est bien que nos futures élèves fassent connaissance dans le concret, afin qu’ils se rendent compte du travail en plateau. Maintenant, si le postulant à une année d’équivalence dans une autre école ou une expérience théâtrale, on peut exceptionnellement lui faire passer une audition.
Le profil-type de l’étudiant(e) ?
Il n’y en a pas un seul. C’est une diversité incroyable de profils d’élèves qui, généralement après le bac, nous font part de leur désir de devenir comédien(ne). On a même eu des élèves en échec scolaire qui ont trouvé leur voie et ont par la suite réussi de belles carrières.
Viennent-ils du milieu artistique ?
C’est loin d’être la majorité. C’est souvent à l’occasion de rencontres avec des comédiens qui ont été élèves chez nous qu’ils ou elles ont décidé de tenter leur chance.
Comment sont recrutés vos enseignant(e)s ?
Nos professeur(e)s sont tous des artistes en activité. Il n’y a pas que le CV qui est déterminant. Nous avons une grande responsabilité en sélectionnant les profils les mieux adaptés à l’enseignement. Nous avons donc un petit rituel – la ou le postulant(e) anime un bout de cours en dirigeant une scène avec des élèves. Ensuite, il y a un entretien individuel.
Un lieu de Paris qui vous a séduite ?
Je suis une grande amoureuse des toits de Paris pour lesquels j’ai une véritable fascination. La première fois que je suis venue de mes montagnes, j’ai eu ce regard émerveillé et je me suis dit, c’est là que je veux être.
Propos recueillis par François Artigas
En cours avec…
Ils sont une vingtaine d’apprentis comédien(ne)s de deuxième année à suivre ce jour-là le cours dispensé par Mats Besnardeau. Installé à une table, l’enseignant, lui-même ancien élève du Cours Florent, est entouré de deux étudiantes de troisième année qui lui servent d’assistantes. Après avoir joué leur scène, les élèves qui répétaient Barbe-Bleue, espoir des femmes sont invités à justifier leurs choix de mise en scène avant que leur professeur ne leur fasse part de ses observations. Visiblement, ils sont loin d’être aussi prêts qu’ils ne le pensaient pour l’audition de fin d’année. Vrai que la pièce choisie de la dramaturge allemande, Dea Loher, recèle de nombreux pièges dans lesquels tomberaient plus d’un comédien chevronné.
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