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De Saint-Éloi à Saint-Paul

En l’an 632, Saint-Éloi fonde au cœur de l’île de la Cité un monastère des filles de Saint-Martial, puis Sainte-Aur auxquelles il donne des terres situées sur la rive droite, entre la Seine et la route de Vincennes, future rue Saint-Antoine. Selon la règle, elles enterrent leurs morts à l’extérieur de la ville et ouvrent à cet endroit un emplacement pour leurs sépultures. Une barque transporte les corps et de, ce qui n’est encore le port Saint-Paul, les défunts empruntent le chemin de terre qui deviendra la rue Saint-Paul. Une voie plus régulière naît avec une chapelle démolie par les Normands et remplacée par une première église qui devient paroisse en 1102.

Pascal Payen-Appenzeller



À partir de 1356, la nouvelle enceinte construite à l’initiative du roi Charles V étend Paris vers l’est et la Bastille royale garde l’entrée de la capitale, alors que l’église Saint-Paul est la paroisse des rois de 1381 à 1559. L’ancien mur de Paris, toujours connu comme mur de Philippe-Auguste, est alors bordé par les jardins de l’hôtel du roi Charles V. L’ensemble du territoire allant de la Seine à la rue de l’Ave-Maria est progressivement loti, la plupart des bâtiments que nous avons conservés étant construits au xviiie siècle.


Au cœur du Marais de la loi Malraux

Cet habitat, dont l’état insalubre dans les années 1960 a connu une première sauvegarde/restructuration dans la décennie 1975-1985, est en lien avec le plan de sauvegarde du Marais. « Les travaux engagés par la RIVP et l’architecte Félix Gatier, reprenant un acquis du mouvement moderne sur la séparation des circulations, s’accompagnent d’un curetage des cours, de l’effacement du parcellaire, de la recomposition et de la reconstruction partielle des immeubles autour d’une enfilade de cours et passages ouverts aux parcours piétons, créant un "paysage" parisien emblématique, voué à l’usage résidentiel d’habitat social et à l’activité commerciale. »


La question de l’urbanisme n’était pas prioritaire. Il s’agissait d’une première visant d’une part à maintenir dans leur habitat ancien les habitants et ainsi garder un quartier vivant, alors que le classement menaçait de le muséifier, et créer de l’espace public mixte. Le nom de « Village » préjuge une atmosphère familière, la tradition de la déambulation au milieu des ateliers d’artisans, boutiques d’antiquaires et lieux culturels. Une plaque est alors apposée pour célébrer l’architecte maître d’œuvre, Félix Gatier. La Régie Immobilière de la Ville de Paris a été choisie pour assumer le rôle de maître d’ouvrage.


Le deuxième chantier de réhabilitation : un nouveau regard par l’architecte François Daune

Cette fois, l’îlot entre le quai des Célestins et la rue de l’Ave-Maria s’ajoute au Village à proprement parler, composé, du sud au nord, des cours dénommées de l’Ave-Maria, Rabelais (en souvenir de sa présence ici), des Jardins-Saint-Paul, Charlemagne et Saint-Paul. Lieu public, au régime mixte, la voirie vient d’y être retraitée dans une double perspective, le confort de la marche et la poétique d’une nature évoquée par le ruisseau alimenté par une fontaine de cour qui s’écoule dans la roselière. Le lit du ruisseau, en basalte, dialogue avec des pavés de granit et des dalles de comblanchien qui approchent les immeubles – les pavés de bois utilisés dans les passages, entre rues et cours, ont une fonction acoustique et participent de cette idée de naturaliser l’espace urbain. Les mangeoires (ou HLM à oiseaux) accompagnent les installations lumineuses – alignements de tubes distribuant une lumière apaisée, et multicolores en cas de fêtes au Village…

Pour prendre la mesure du site, il suffit de mentionner quelques chiffres : trente-trois immeubles différents en tout – nature des murs, ouvertures, des toits et de sous-sols – que l’architecte François Daune a individualisés en respectant systématiquement les éléments de décor ; deux cent quarante-trois logements dont les équipements en plomberie, chauffage et ventilation, y compris la sécurité électrique et les portes palières ; quatre-vingt un commerces dont cinq restaurants, deux crèches, le musée (souterrain) de la Magie, et la résidence pour séniors, une ville que Félix Gatier a recousue de manière qu’au regard du traitement du chantier actuel, on pourrait qualifier de brutale.

Le soin apporté aux éléments caractérisant chaque construction est tantôt marqué par l’homogénéisation – par exemple pour les garde-corps dont les anciens encore sur place ont inspiré des copies –, tantôt vers le respect de la construction d’origine – les nouvelles fenêtres sont à frappes, mais des modèles à gueule de loup avec fermeture par crémone ont été rétablis lorsque l’historicité était prouvée. Les façades sont aussi bien en maçonnerie ayant jusqu’à un mètre d’épaisseur, avec pierres appareillées, moellons hourdés à la chaux, ou au plâtre et de briques pour les constructions du xixe siècle.La colorimétrie forme un véritable rideau qui n’oublie pas la protection thermique (qui passe aussi par les toitures). Rien ici de systématique : de simples ravalements, des isolations par l’extérieur support d’enduits minéraux, ou par chanvre et paille. Les menuiseries avec gradation du blanc au gris, plus le beige et l’olive, et les garde-corps en gris sombre coloré, utilisent la palette traditionnelle de Paris. Ici, pas de pittoresque. Des refends aux pignons, rien n’a été oublié. Et si vous passez à hauteur de toit, vous en découvrirez la pluralité discrète – tuiles, ardoises, zinguerie – et la disposition aléatoire des souches, cheminées, évents qui s’établissent en jeu d’échec en mouvement…

La délicatesse des intentions aboutit, au bout d’une réalisation en site occupé, à ouvrir aux résidents comme aux visiteurs un livre d’histoire naturelle du bâtiment, amendée ici lors d’un nouveau printemps.


De quelques maisons du Village

N°1. Alors que la surélévation est d’actualité dans le cadre de la ville dense, bel exemple d’immeuble du xviie siècle augmenté de deux étages au milieu du siècle suivant.

N°9. Au xviiie siècle, de nombreux artistes et artisans succèdent à la noblesse qui commence à quitter le Marais. Appelé hôtel Bazin, et logis pour les cinq années 1766-1771 du peintre Hubert Robert, l’immeuble devient alors la propriété de l’architecte Lemoine de Couzon.

N°11. Cette même année 1771, le maître joaillier Georges Ledoux commande la construction d’un immeuble aussi étroit que la parcelle d’origine mais gagnant en hauteur comme tout le Paris de l’époque. Le dessin dans le style Louis XVI (en avance sur le règne) est d’une élégance que soulignent les refends – jetez un coup d’œil sur l’escalier.

N°21. La façade est un rhabillage en trompe-l’œil dans le même style Louis XVI. La construction arrière, entre cour et jardin, date de 1638 et résulte d’une commande du maître des comptes, Thomas Gobelin. Lors de la création du Village Saint-Paul, un plafond à la française, portant le monogramme « TG », a été mis à jour. L’ensemble porte le nom de la famille de Perthuis qui l’acquiert en 1795.

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