« Sa figure longue et maigre, son cou démesuré lui permettaient d’exprimer à merveille tous les sentiments de comique et d’effroi. C’est lui qui inaugura le costume du Pierrot actuel, avec le serre-tête noir qui fait si bien ressortir son masque enfariné… » aux traits imperturbables et toujours placides, à l’origine de l’expression « être tranquille comme Baptiste ! » Ce personnage fait de blanc et noir va se révéler haut en couleurs, par son jeu à la « finesse admirable, à la distinction exquise » selon George Sand et devenir le mime le plus exceptionnel de la première moitié du xixe siècle.
Dominique Ghesquière
Il enthousiasme et séduit tous les publics, depuis les titis et les gens du Boulevard en passant par les artistes comme Mlle George ou La Malibran, jusqu’aux écrivains comme Jules Janin, Gérard de Nerval, ou Théophile Gautier… Le Boulevard du Temple (ou du Crime) constitue son univers, celui du Paris des années 1830… Et, cent treize ans plus tard, distribuant les personnages de leurs Enfants du paradis, Marcel Carné et Jacques Prévert savent de quelle sensibilité Jean-Louis Barrault maquillera son héros Baptiste. Toutefois, en 1918 déjà, un autre grand talent de plume et de théâtre a remis sur le devant de la scène l’artiste silencieux dont le nom titre la pièce. Mais, si en incarnant lui-même « son » Deburau, Sacha Guitry rend, on le devine, le mime bavard, il n’en trahit nullement, bien au contraire, l’incroyable talent !
De Bohême à Paris
Ce talent est d’ailleurs né bien loin de Paris, le 31 juillet 1796, à Kolin, en Bohême-centrale, dans l’actuelle Tchéquie. Son père, Philippe Deburau, a vu le jour en 1761, à Amiens. L’armée l’amène en Bohême où il épouse, en 1794, Katerina Kràlovà (francisée en Catherine Graff), une servante qui lui donnera cinq enfants : trois garçons, deux filles. Après avoir été militaire, il se met à la tête d’une troupe de pauvres saltimbanques, constituée pour l’essentiel des membres de la famille et, se désignant « artistes d’agilité », ce petit monde va sillonner les chemins européens durant des mois. Selon Jules Janin, un testament en la faveur du père, orientera ces malheureux dans un périple vers la France avec l’espoir d’y recueillir cet héritage annoncé qui, le moment venu, se révèlera dérisoire.
Pour l’heure, au fil d’une route interminable, la troupe avance, de ville en ville, présentant des numéros de jonglage et d’acrobatie. Père, mère, toute la troupe familiale se démène, sauf le troisième garçon – notre petit Deburau – moins apte, moins disposé « à faire son chemin sur les deux mains… ». Son père le désigne alors pour jouer les Paillasse, les niais, dont les bêtises servent de faire-valoir aux habiles cabrioles de ses frères et sœurs… Et c’est à ce rythme que toute la famille Deburau arrive à Paris, entre 1811 et 1814, et s’installe dans une cour de la rue Saint-Maur. Durant des mois, la troupe y poursuit ses numéros d’adresse et de danse sur corde dont la dextérité révèle et étend peu à peu leur juste renommée.
Le Théâtre des Funambules
Nicolas-Michel Bertrand et Jacques-Jean dit Fabien dirigent, depuis Noël 1813, le Théâtre des Funambules : « Une petite salle mal éclairée, mal aérée » d’environ sept cents places, construite 54 Boulevard du Temple. Ils y affichent des numéros de « force et d’agilité », modifiant souvent leur programme afin de ne pas contrarier le théâtre voisin de la jalouse et susceptible Madame Saqui. En 1816, ils obtiennent le droit de présenter « des pantomimes et arlequinades » et engagent un jeune Arlequin Havrais, Prosper, sous le talent duquel se révèlera vite Frédérick Lemaître, attiré quinze mois plus tard par le cachet plus généreux du Théâtre du Cirque Olympique. Entretemps, Bertrand est allé Cour Saint-Maur, s’attachant, par un contrat, la famille Deburau dont les acrobaties et les tours de force précèdent désormais les pantomimes du programme.Toujours en retrait, le troisième fils remplit à la fois les fonctions de machiniste et les petits rôles de brigands… sous le nom de Baptiste.
À la suite d’une altercation avec la direction, le si populaire mime Blanchard – dit La Corniche, en raison du bord de son chapeau – claque la porte des Funambules, amenant sur le champ Baptiste à endosser le rôle de Pierrot pour le remplacer dans Arlequin médecin.
C’est une révélation immédiate. Par une sorte de magie, il subjugue un public stupéfait de découvrir le banal Baptiste, dont le visage blanchi souligne soudain chacune de ses expressions de colère ou d’effroi, donc de ses traits d’esprit. Il donne à son personnage une dimension jusqu’alors inconnue en élevant Pierrot à un rôle essentiel de la pantomime autour duquel gravitent désormais Arlequin, Cassandre et Colombine. Il façonne sa tenue de scène, abandonnant la collerette pour gagner de l’aisance, le chapeau blanc pour éviter à son rebord d’ombrager le visage, et enfin, il met au point la blouse de calicot blanc aux manches larges et longues. Son Pierrot alors futuriste est déjà presque celui que nous connaissons aujourd’hui.
Bertrand exploite aussitôt ce talent tout neuf, dans des arlequinades comme Arlequin dogue, Arlequin statue, conçues spécialement pour Baptiste. Son cachet, revu à la hausse, génère avec la famille Charigni, acrobates rivaux des Deburau, des chamailleries telles, que la direction se sépare des deux troupes… à l’exception du jeune Deburau, évidemment. Les Funambules affichent complet aux six à huit représentations quotidiennes et font peau-neuve. En 1826, désormais séparé de son adjoint, Bertrand pour être certain de s’attacher Baptiste, lui renouvelle son contrat, mais avec effet à Pâques 1828, et ce, jusqu’aux Rameaux 1831, lui garantissant 35 francs par semaine : cachet jusqu’alors inégalé aux Funambules ! Le mime, lié à son public admiratif, heureux dans son théâtre, en devient l’indissociable symbole. Et lorsqu’un soir de 1832, il apparaît dans Le Lutin femelle, avec sa troupe sur la scène du Théâtre du Palais-Royal, son personnage de Pierrot ne suscite que l’indifférence des spectateurs sinon leurs sifflets. « Pourquoi obtient-il tant de succès dans un autre coin de Paris ? Il faut le cadre pour une réussite, tout est là ! »
Ses Funambules, il les retrouve bien vite et ne les quittera plus. Durant vingt-cinq ans, les pantomimes vont s’y enchaîner. Le Bœuf enragé, joué plus de cent fois, Ma Mère l’Oie, La Mauvaise tête, Pierrot Mitron, Le Cheveu du Diable ou encoreLa Baleine, en 1833, dont Deburau signe l’intrigue, ne sont que quelques titres pris sur la longue liste des succès acclamés par le public fidèle et bruyant de son Pierrot bien aimé.
De la scène au prétoire
Le 22 mai 1836, dans une Cour d’Assises bondée, ce même public découvre pâle et sans maquillage cette fois, son idole Baptiste, accusé de meurtre. Un mois plus tôt, tandis qu’il se promène en famille dans la campagne de Belleville, les quolibets répétés que lui lance un jeune homme mettent en rage le calme Pierrot qui, soudain excédé, assène à l’individu, un coup de canne qui se révèle mortel.
Le désarroi immense dont est aussitôt saisi Deburau n’empêche pas son incarcération à Sainte-Pélagie. Il y attend son procès auquel, finalement, un acquittement met un terme, amenant l’émotion et les pleurs de l’artiste lors de ses retrouvailles avec la salle des Funambules en délire.
Vie privée, vie publique
Au privé non plus, sa vie n’a pas toujours été sans larmes ! Le 24 octobre 1819, trois mois après être devenue madame Deburau, Jeanne Adélaïde Dubray décède à vingt-six ans. Veuf, il partage bientôt les jours de Jeanne Louise Eudoxie Boucher. Cette charmante fleuriste demeurera réfractaire au mariage proposé maintes fois par Baptiste malgré les six enfants qu’il a reconnus et qu’elle abandonne, en 1834. L’année suivante, Madeleine voit le jour. Elle est issue de la récente union de notre artiste avec Marie Trioullier qui mourra, le 8 février 1903, à quatre-vingt neuf ans, sans s’être remariée, afin de conserver l’illustre patronyme. Il est vrai que le nom du mime Deburau parle de lui-même !
En 1841, celui de Paul Legrand apparaît à l’affiche des Funambules dans l’espoir de concurrencer l’illustre Pierrot de Baptiste. Celui-ci, très habile, évince temporairement ce rival dont la seconde tentative, avec la pantomime Monsieur de Boissec, se fait porteuse d’un succès. Un peu taquiné, Deburau retrouve quelques mois plus tard, grâce au Marchand d’habits, les compliments apaisants du fidèle Théophile Gautier, certain d’avoir vu là, « en vérité, le plus grand mime de la terre… » Son rôle de Pierrot cuisinier dans L’Ile des Marmitons le confirme, lui permettant de conjuguer savamment la farce… et la pantomime !
Un peu las par toutes ses années de travail, Bertrand partage d’abord, puis confie, en décembre 1846, la direction des Funambules à son neveu Charles-Louis Billion, dont la pingrerie de gestion et le goût de la discorde se révèlent très vite. Paul Legrand, fort respectueux de son Pierrot Deburau, s’efface pour lui laisser toutes les occasions de faire rire la salle. Il s’en confie à Billion qui lui aurait alors rétorqué : « Je vous ordonne de faire rire, tant pis pour l’autre, il a fait son temps… ! »
L’ultime révérence au public
Mais « l’autre » tient encore parfaitement son rôle, même s’il vieillit. Au cours d’une représentation de la pantomime Les Épreuves, le 7 février 1846, Deburau glisse dans une trappe de scène et, bien que blessé, poursuit le spectacle sous une salve d’applaudissements. George Sand, présente ce soir là, s’inquiète le lendemain, par écrit, de la santé de Pierrot dont la réponse rassurante ajoute : « Pardonnez-moi de ne pas savoir mieux vous remercier. Ma plume est comme la voix du personnage muet que je représente, mais mon cœur est comme mon visage et je vous prie d’en accepter l’expression sincère. »
Il y a pourtant plus grave que cette chute : l’asthme dont souffre le mime accentue la cruauté de ses crises et multiplie ses essoufflements, le contraignant à éviter les pas de danse dans Jolis soldats. Le public se fait bienveillant en observant le déclin physique du pauvre Pierrot…
L’annonce de sa mort, le 16 juin 1846, précipite aussitôt le Boulevard et ses habitués dans un deuil profond. Billion refuse de perdre un soir de recette et fait jouer sa troupe, comme à l’habitude, oubliant la prospérité et le renom que Deburau, durant toute sa carrière, a apportés aux Funambules. Les machinistes du théâtre, en hommage à leur ami, portent depuis sa petite maison, 28 Faubourg du Temple, au bas de Belleville, jusqu’à l’église, puis jusqu’au Père-Lachaise, le cercueil de Pierrot, sous les regards pensifs des passants, figés sur les trottoirs, ignorant l’épitaphe que lui aurait dédiée Champfleury, l’auteur de pantomimes : « Ci-gît qui a tout dit et qui n’a jamais parlé. »
Charles Deburau, dans l’ombre blanche de son père
La disparition de Deburau met en lumière les qualités artistiques de Paul Legrand dont la juste exigence financière déplait à Billion. Ce pingre songe bien vite à l’éloigner à la faveur de l’un des fils de Deburau : Jean-Charles…. Né à Paris, 209, rue du Faubourg du Temple, le 15 février 1829, et baptisé huit ans plus tard, il devient apprenti horloger, peintre sur porcelaine puis sculpteur. En 1846, malgré la dissuasion paternelle, il se risque au Conservatoire où son manque de voix le contraint bientôt à renoncer au métier de comédien. Mais il connait la scène et l’art du mime… Billion, son tuteur qui l’héberge, l’engage à dix-huit ans aux Funambules en le faisant succéder à son père dont il a les traits. Aussi, lorsque devenu Charles Deburau pour le théâtre, il apparaît, en novembre 1847, sous le même costume de Pierrot, dans Les Trois planètes ou La Vie d’une rose, pantomime-féerie écrite pour lui, le public électrisé l’ovationne, permettant ainsi à l’artiste d’arracher à Billion 25 francs par semaine.
Le départ de Paul Legrand, qu’un contrat attache à l’Adelphie Theater de Londres pour plusieurs mois, permet à Charles de justifier son nom et son talent et à Billion de se réjouir des recettes. À l’automne 1849, le retour de Paul Legrand fait naître à l’affiche la pantomime Les Deux Pierrots : le Pierrot n°1 lui est réservé, et le n°2, destiné à Charles. Mais en février 1850, celui-ci, devenu majeur, réclame à son tuteur, les 10 000 francs d’héritage provenant de son père et négocie habilement une augmentation. Billion finit par accepter mais décompte les mois de pension de Charles qui abandonne alors le gîte. En réprimande, ce bon directeur ne lui distribue plus que de petits rôles, réservant les Pierrot à Paul Legrand. Outré par le procédé à l’égard du fils de son ex-partenaire et maître, ce mime, exemplaire de loyauté, parvient à amener le directeur vers de meilleurs sentiments. Les deux Pierrots rivaux équilibrent de ce fait les distributions, et Charles, en dépit de sa concurrence avec Paul, maintient l’enthousiasme du public, sensible à son blanc visage qui sait souligner le rire ou la colère et « à la fois le persifflage ou la bonhomie ». On applaudit autant sa finesse de jeu dans les personnages repris au répertoire paternel, comme Fra-Diavolo, à la Noël 1850, créé six ans plus tôt par feu-Baptiste, que dans ses nombreux nouveaux rôles : Les Pêcheurs Napolitains, en 1851, Le Mirliton enchanté, en 1853, ou encore Pierrot en Orient, deux ans plus tard.
Du Boulevard du Temple au Carré-Marigny
Au cours de cette même année 1855, toute discrète au fond d’une loge des Funambules, la cantatrice Rosine Stoltz peine à dissimuler sa fidélité passionnée pour la pantomime… Certes, Charles est, selon Maurice Sand, « le plus joli et le plus élégant Pierrot qui eût existé… » et regorge de talent et de jeunesse : il n’a pas trente ans ! Il devient vite la cible des conversations : Rosine Stoltz dépasse la quarantaine ! Si sa compagne n’est pas sans charme, elle possède, issue de ses vocalises à l’Opéra, une fortune qui renforce l’audace de son protégé. Charles, après versement d’un dédit, coupe- ourt avec Billion ainsi qu’avec les Funambules. Il devient directeur de scène et acteur au Théâtre voisin des Délassements comiques, « repomponné » pour la circonstance, grâce aux sentiments généreux de Madame Stoltz et à un arrangement avec le directeur Hiltbrunner. Après sa pantomime : Petit Pierrot vit encore, introduite au spectacle d’ouverture, le 20 février 1856, après Le Moulin du Diable, en avril, après un séjour à Bad-Ems, une centaine de jours s’écoule et le couple quitte le 6 de la rue des Moulins à Belleville et se sépare.
Charles a songé pour lui à un autre destin, il abandonne Hiltbrunner et, à la tête d’une troupe de mimes qu’il a constituée, part arpenter les scènes d’Europe. Il revient en France, se produit dans le Val de Loire et se marie, à Tours, le 1er juillet 1857, avec Marie Eugénie Goby, toute jolie dans ses dix-huit ans. Puis, Charles retrouve Paris et fonde, avec son beau-frère Émile Goby, au printemps 1858, Les Bouffes Deburau, situés Carré-Marigny, dans les premiers Bouffes-Parisiens d’Offenbach qui lui sous-loue le théâtre. Le nouveau directeur recrute chanteurs, danseurs et musiciens tous prêts pour l’ouverture le 5 juin. Un prologue, une saynète et une pantomime mise en place par Charles constitue le premier programme. Pour alterner aux pantomimes, se succèdent de petites saynètes au rire musical garanti comme La Belle Espagnole d’Hervé, l’ex-directeur des Folies-Nouvelles où, dès 1854, s’est produit Paul Legrand, lassé des Funambules. Mais au Carré Marigny, en dépit des efforts de Deburau, la salle est boudée du public, l’affaire périclite et le mime abandonne son théâtre en laissant un déficit de 50 000 Francs.
Dernier adieu aux Funambules
Pierrot reprend alors les routes de France pour payer ses dettes puis, en 1859 part en Égypte, sa troupe et lui sont choyés par Saïd Pacha durant les dix mois de tournée du Caire à Suez et de Suez au Caire. À son retour, il se produit à Bordeaux où durant deux ans, « il est accablé de couronnes » quand un appel de son ami Pierre Dechaume, nouvellement directeur des Funambules, le rappelle à Paris. Le théâtre, après un utile rafraichissement, ouvre ses portes le 1er mars 1862, annonçant la rentrée de Deburau dans Le Rameau d’or, une pantomime toujours conçue pour lui. Deux heures avant la séance la salle pleine à craquer trépigne d’impatience puis, lorsque le rideau se referme, « une pluie de bouquets salue Pierrot, bien incapable de retenir ses larmes ».
Les grands moments du Boulevard et des Funambules sont-ils de retour ? Non, leur démolition, tel un drame, est programmée mi-juillet. Dès le 17 mai, pour leur dire adieu, Deburau, dans Les mémoires de Pierrot, vaste pantomime en 20 tableaux, passe en revue les grands rôles de son père et les siens. Ce colossal triomphe où se mêlent rires et émotions, remplit la salle jusqu’à l’ultime représentation, le 15 juillet 1862, quatre jours avant que les Funambules soient abattus, et tout le Boulevard avec eux, victimes des transformations haussmanniennes.
La province a du bon
En mars 1864, Pierrot fait les beaux soirs de l’Alcazar de Marseille, où « il gagne 1 000 Francs par mois », mais Paris ne l’a pas oublié ! Il le retrouve, le 10 décembre 1865, pour créer La Pantomime de l’avocat, écrite par le dramaturge Champfleury, pour le programme d’inauguration du petit théâtre des Fantaisies Parisiennes dont il est codirecteur. Au cours de cette brillante soirée « le succès de Deburau a été tout à fait remarquable ». Pourtant, les grandes scènes de province semblent l’attirer davantage. Il retrouve celles de Bordeaux puis de Bayonne, au printemps 1867, avant de revenir plus durablement sur celle de l’Alcazar de Marseille, en 1868. Durant trois ans Pierrot y enracine son Art silencieux, façonnant le talent d’un jeune émule : Louis Rouffe qui le remplace en 1871, lorsqu’ il est nommé directeur de L’Alcazar de Bordeaux. Ses moments de pause bien mérités Deburau les passe avec son épouse dans leur petite propriété d’Eure-et-Loir, nichée au n° 11 rue de Penthièvre à Anet où Pierrot sera d’ailleurs inhumé.
Mais Pierrot est encore débordant d’une énergie indispensable à son formidable investissement sur la scène de l’Alcazar de Bordeaux qu’il a acheté voici deux ans. Il y compense le regret de ne pas avoir pu réaliser son rêve : fonder une école de pantomime à l’Opéra de Paris…
De noir et de blanc
Et soudain un jour survient la maladie, elle ne le lâche plus jusqu’au 18 décembre 1873. Il a quarante-quatre ans. Après une agonie de deux longs jours, Charles Deburau s’éteint à Bordeaux, 2 rue Montméjean, dans le quartier de la Bastide. À ses funérailles, assiste également son amie, la comédienne Virginie Déjazet, le monde théâtral bordelais au complet accompagne l’artiste.
On ne peut oublier ses traits enfarinés, sa large souquenille blanche et son serre-tête noir que Charles a ramassés de son père… Ils ont rejoint la scène des souvenirs, ceux des pantomimes de jadis que Baptiste a rajeunies en son temps… Charles, lui, a su en mémoriser les canevas et les retranscrire pour les peaufiner de son fin talent, les magnifier et les raviver sans cesse, à travers ses créations qui ont scellé sa renommée.
Avec lui s’éteint la dynastie Deburau ; mais son Art magistral de l’expression silencieuse, faite d’émotion, de gestes et de physionomies, passera avec le temps, sur d’autres visages, par d’autres sensibilités, usant alors du blanc – celui de l’écran – et du noir – celui de la salle – pour guider la pantomime sur la « voie » du cinéma muet…
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