« Dieu le fit » ou les secrets du passé d’un avocat parisien face à l’Histoire
- anaiscvx
- May 16, 2024
- 3 min read
Dans son précédent roman Le silence des matriochkas, Anne Bassi nous dévoilait le bouleversant secret de famille qui unissait cinq générations de femmes au terme d’un voyage allant de Kiev à Berlin et se ponctuant à Paris, de 1885 à nos jours.

Avec une plume toujours aussi vive et alerte, et des flashbacks habilement utilisés, l’auteure nous invite à suivre dans son nouveau roman, entre 1942 et les années 70/80, l’itinéraire du « fils » de paysans d’un petit village de la Drôme provençale, dans son ascension sociale au sein de la capitale et sa quête d’identité qui le ramènera dans son village d’origine. Car Dieu le fit (titre décomposé du nom de ce village) est avant tout le récit du cheminement intimiste de son héros, devenu ténor du Barreau parisien, vers deux secrets qui iront bien au-delà du bouleversement de sa vie personnelle et nous plongent au cœur d’un évènement unique de la grande Histoire au cours duquel se sont illustrés des Héros, anonymes, qu’on appelle les « Justes parmi les Nations ».
Né en octobre 1943, Christophe a grandi, heureux auprès de parents aimants au milieu d’une nature sauvage. Si Christophe décide de venir s’installer à partir de 1960 à Paris, c’est par choix, celui d’enfiler la robe de l’avocature, par vocation et par refus de toute forme et de changer de condition sociale « Je sais au fond de moi que je ne me limiterai pas à être avocat de région, certain désormais d’être appelé bien plus loin que mes forêts et que mes collines ».
C’est alors que Anne Bassi, avocate de formation, nous convie, avec justesse à un voyage inédit dans un Paris, présenté comme « Babylone la Grande » et peu connu du grand public, en tout cas loin de celui ordinairement décrit par les médias. Le lecteur accompagne ainsi Christophe dans l’univers parisien du droit, un monde qui a ses propres codes, ses ambitions, ses trahisons, ses mondanités, ses luttes d’influence, ses jeux de pouvoir (des politiques bien entendu, des chefs d’entreprise mais aussi des clients) et de séduction « Les mois passent. Les femmes aussi », « les liaisons tournent court » mais Christophe ne « connait pas le plaisir d’aimer ». Grâce à un style rythmé et incisif et par une peinture maitrisée et minutieuse des protagonistes de ce monde, l’écrivaine nous livre une histoire, dans l’Histoire, de l’évolution de cette profession au cours des 30 dernières années. Sur cette toile de fond, elle dresse le portrait attachant et empathique d’un provincial ambitieux qui souhaite réussir à tout prix dans la capitale, sans oublier néanmoins d’être toujours reconnaissant à l’égard de ceux qui lui ont octroyé sa première chance professionnelle à Paris ou offert sa première collaboration en qualité d’avocat avant de le promouvoir comme associé.
Dans l’ultime partie de son roman, où se mêlent suspense et surprises, Anne Bassi nous plonge dans la révélation des secrets que son héros a portés en lui, sans le savoir, pendant plus de 40 ans. C’est au détour d’une rencontre inattendue avec un ami d’enfance et d’un procès impliquant les huissiers de son passé, que Christophe va être ainsi amené à quitter provisoirement Paris et à se tourner vers son enfance, à la recherche de ses origines. Dans cette pérégrination identitaire, le héros apprendra également la véritable Histoire de Dieulefit, haut lieu de la Résistance d’à peine 1.200 habitants au début de la Seconde guerre mondiale et dont plusieurs ont été reconnus « Justes parmi les Nations » : le village composé de catholiques et de protestants n’a dénoncé aucun juif pendant la guerre. Au cours de cette épopée intime, Christophe va saisir que son destin personnel est étroitement lié au sauvetage extraordinaire des 108 enfants juifs de Vénissieux en août 1942, rendu possible grâce au courage et à la solidarité de femmes et d’hommes anonymes et à l’ingéniosité de fins juristes pour épargner à ces enfants innocents un funeste sort. Cette découverte va faire prendre conscience à Christophe que son avenir se décline au passé et que ce passé va bouleverser à tout jamais sa vie future.

Comments