Dominique Besnehard, l’ex-agent qui a découvert Béatrice Dalle, Sandrine Bonnaire, Juliette Binoche et tant d’autres, est un amoureux de Paris. Devenu producteur, le Normand d’origine a pris la capitale comme décor de la série Dix pour cent inspirée de sa vie auprès des stars. Sur France 2, le succès ne se dément pas depuis maintenant quatre saisons. L’acteur, si reconnaissable à son petit cheveu sur la langue, nous en dit plus sur la suite que souhaite la chaîne et sa passion pour le 17e arrondissement.
Propos recueillis par François Viot
« Comment l’adolescent qui a grandi en Normandie a-t-il découvert Paris ?
Je suis né à Bois-Colombes. J’ai passé un an à Versailles où mes parents avaient pris une affaire. Ils avaient une crémerie alimentation, cela ne marchait pas du tout, les supermarchés commençaient tout juste. Ils sont donc partis à Houlgate en 1960, où j’y suis resté jusqu’en 1973, date à laquelle je suis monté à Paris.
Vous souvenez-vous de votre montée dans la capitale ?
Je suis rentré à Paris à l’école de la rue Blanche en classe de mise en scène. J’avais une chambre de bonne dans le 17e arrondissement, au 21 rue de l’Arc de Triomphe, à l’angle de la rue des Acacias. Juste en face du cinéma des Acacias. On allait voir trois films par jour au studio des Acacias ou à un autre cinéma avenue Niel. Le 17e, c’est mon quartier, un beau quartier, même si à l’époque j’avais cinq étages à monter pour accéder à ma chambre de bonne.
Avez-vous habité d’autres quartiers ?
Je suis parti dans le 13e mais quand je suis rentré chez Artmédia, je suis revenu au 21 rue de l’Arc de Triomphe. L’immeuble appartenait à des amis de mes parents qui s’occupaient des fromages Lepetit. Ils avaient rassemblé ma chambre de bonne à d’autres chambres pour en faire un appartement. J’y suis donc revenu. J’étais heureux, j’avais un 50 m2 avec une vue formidable. Quand j’ai voulu acheter ailleurs, il s’est trouvé qu’il y avait un appartement à vendre. Je l’ai acheté. Dans les trois parties de mon existence, j’ai donc eu une chambre de bonne, puis dix ans après un logement sous les toits et maintenant un appartement qui m’appartient au premier étage. J’ai passé trente ans à cette même adresse. C’est rigolo…
Vous n’évoquez pas les Champs-Élysées, proches du 10 avenue George V, le siège d’Artmédia, où vous avez travaillé pendant vingt et un ans…
Je préfère l’avenue des Ternes aux Champs-Élysées. Le cinéma Mac-Mahon est à côté. Il est magnifique et il appartient à Vincent Bolloré (le patron de Canal +). Quand je serai vieux, dans cinq ans, s’il veut que je m’en occupe, je le ferai volontiers. Je blague ! J’ai déjà un cinéma à Angoulême, L’Éperon, absolument extraordinaire. On a rouvert cette salle fermée depuis vingt-cinq ans avec mon partenaire CGR pour le Festival du film francophone. Sinon, je me souviens de mon premier jour à Artmédia, le 1er septembre 1985. Mon premier coup de téléphone, c’était Juliette Binoche, pour me souhaiter bonne chance.
Hormis le 17e, quels arrondissements de Paris aimez-vous ?
J’aime bien Saint-Germain, du côté de l’Odéon, et le quartier de la Comédie-Française. Quand je passe devant, je m’attarde à l’entrée des artistes. J’y faisais de la figuration rue Blanche pour gagner ma vie. C’est là que j’ai rencontré Isabelle Adjani où elle jouait la jeune sœur dans la pièce Port-Royal. Nous, les figurants, avec notre hallebarde, elle nous entraînait dans un voyage…
Port-Royal, c’est une bonne transition. La dernière saison de votre série Dix pour cent a été tournée dans ce quartier. Est-ce vous qui l’avez choisi comme décors naturels ?
Ce n’est pas moi qui l’ait choisi. Mais nous avons tourné juste derrière la Comédie-Française, rue Saint-Honoré. C’est un endroit qu’on voit moins souvent. Sinon, j’aime bien la rue Trévise où nous avons eu nos bureaux et les rues à côté des Folies-Bergères. J’aime bien les quartiers où il y a des théâtres, les Variétés, le Gymnase ou encore l’Atelier à Montmartre…
Que pensez-vous de la fermeture des théâtres parisiens en raison du Covid-19 ?
C’est plus grave pour le spectacle vivant que pour le cinéma. À un moment, on rouvrira les salles de cinéma et on ressortira les films. Mais pour les théâtres, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai beaucoup d’amis à New York ou à Londres, tout y est fermé aussi…
Louis XIV est un personnage historique qui vous fascine. Et pour Paris, quel est celui qui selon vous a le plus marqué la ville ?
Je sais que c’était un tyran mais j’adore Haussmann. Quand on attaque Anne Hidalgo [la maire de Paris], pour la rassurer, je lui dis qu’elle ne se rend pas compte combien Haussmann a été attaqué à son époque. Et pourtant, il a apporté de la modernité à Paris. C’était le Moyen-Âge avant lui.
La saison 4 de Dix pour cent qui a été diffusée sur France 2 fin 2020 est-elle bien la dernière ?
L’époque est mélancolique et, dans cette saison, il y a énormément de mélancolie. On me pose à longueur de temps cette question dans la rue : « Vous ne pouvez pas arrêter… » Dans le dernier épisode, on se laisse la possibilité de continuer mais dans un autre décor. En tout cas, l’agence ASK, c’est terminé.
Vous avez laissé entendre qu’il pourrait y avoir une cinquième saison. Qu’en est-il ?
Cette série est longue à écrire. Pour maintenir la qualité, c’est assez cher. Ce ne sont pas les acteurs qui coûtent le plus cher ni les guests qui sont toutes payées pareil. Dans cette saison, Sigourney Weaver a accepté de jouer le jeu au tarif français. Un épisode coûte cher. C’est le programme glamour du service public. On réfléchit avec la chaîne. Elle en a très envie…
Un argument qui devrait vous inciter à continuer : les jeunes téléspectateurs sont au rendez-vous. Cela doit vous faire plaisir ?
Oui, c’est une série qui est beaucoup regardée en replay par les jeunes : 1 million pour le premier épisode. Quand j’étais adolescent, je regardais Les Saintes Chéries. Une série avec Micheline Presle qui a bousculé la vision de la femme dans la société des années 60. Mes parents fermaient leur boutique plus tôt pour voir les épisodes. Si on les ratait, on ne pouvait pas les rattraper. Cette tradition de la télé à l’heure donnée est dépassée.
La série a été vendue dans cent cinquante pays, il y a des adaptations au Québec et en Turquie. On évoque un remake aux États-Unis. Où en êtes-vous des pourparlers ?
Les Anglais ont levé l’option et les Américains feront un remake. La société Headline Pictures a acheté les droits et Call my agent devrait être tourné au printemps par Bron Studios qui a produit le film Joker. Le Liban nous a fait une demande. On a eu des appels de la Chine. Les Chinois m’ont même demandé les droits pour mon autobiographie Casino d’hiver parue il y a cinq ans. Mais j’ai une grande distance par rapport à tout ça. Quand j’étais agent, le nombre de fois où je me suis emballé pour des projets américains qui n’ont jamais vu le jour. Pour le remake de Pédale douce, on a même rencontré Cher. À l’époque, elle devait jouer le rôle de Fanny Ardant. Et puis, on n’a plus eu de nouvelles.
Avez-vous d’autres séries en préparation ? À Paris, par exemple ?
On a un projet avec Marc Fitoussi et le groupe Federation de Pascal Breton. La série s’appellera Cabarets de Paris. Quand j’étais à Artmédia avenue George V, il y avait à côté le Crazy Horse. Du temps de Bernardin, c’était très familial et j’ai beaucoup sympathisé avec les danseuses. J’ai décidé de montrer les coulisses d’un cabaret de Paris. Cela se fera au Paradis latin. Car le Crazy Horse, ce sont aujourd’hui des fonds de pension, ils ne veulent que de l’argent…
Vous avez produit quinze films et des téléfilms. D’autres projets ?
La suite de Mince alors !, Mince alors, la rechute ! Pour la télé, j’aimerais faire un autre grand projet avec les Belges et mon associé Michel Feller sur un épisode de la vie du roi Baudouin. Pendant quelques jours, il a abdiqué parce qu’il ne sentait pas en mesure de signer un décret pour autoriser l’avortement. Ce sera réalisé par Philippe Van Leeuw (Une famille syrienne). Là, j’ai un très gros projet avec Josée Dayan. J’étais son agent pour Les Misérables et Le Comte de Monte-Cristo. On va tourner Diane de Poitiers avec Isabelle Adjani.
Et comme réalisateur de documentaires ?
Ce que j’aime c’est continuer à faire des documentaires. J’en ai déjà réalisé plusieurs sur Anouk Aimé, Micheline Presle, Françoise Fabian… Là, j’ai un projet pour Canal (Ciné Classic) avec Marlène Jobert. Elle va témoigner sur des images qu’elle a oubliées. Et je produirai un autre documentaire sur Stéphane Audran que va réaliser son fils Thomas Chabrol.
Allez-vous continuer à travailler à soixante-six ans, l’âge de la retraite ?
Dans quatre à cinq ans, j’arrêterai. Je ferai autre chose. Peut-être un autre festival en plus de celui d’Angoulême. Une ville me l’a proposé… »
Dix pour cent, la série glamour de France 2
Le point de départ de cette série française qui s’exporte à travers le monde est les mille et une anecdotes vécues par Dominique Besnehard quand il était agent de stars chez Artmédia. C’est lui qui en a eu l’idée, ainsi que de faire appel à des stars pour jouer leurs propres rôles sur des histoires empruntées parfois à d’autres. La vie de cette famille d’agents de stars passionnés et touchants a révélé un grand nombre de talents : Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Laure Calamy et Nicolas Maury, qui font de belles carrières au cinéma. La saison 4 s’est achevée sur la fin de l’agence ASK dirigée par Andréa (Camille Cottin). Mais les audiences excellentes (une moyenne de 3,8 millions de téléspectateurs pour la saison 4) ont convaincu France 2 de continuer et d’en redemander davantage. Dominique Besnehard n’a pas dit non, mais il souhaite augmenter la contribution financière de France Télévisions. Les négociations tournent autour d’une saison 5 et d’un épisode final. « Un unitaire, précise Dominique Besnehard, un film de 90 mn ou comme disent les Américains une Christmas Story mais qui ne serait pas diffusé à Noël. » Des guest stars comme Catherine Deneuve ou Sophie Marceau, qui n’ont jamais joué dans la série, pourraient peut-être participer à ce bouquet final.
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