En ce mois de novembre 1917, l’ambiance dans les couloirs de la Chambre des députés et du Palais Bourbon est plutôt morose. Il s’y échange des propos « découragés et décourageants, une véritable souffrance » face à un ministère amorphe et desservi par un président du Conseil, Painlevé, « si dépourvu d’autorité que personne ne veut même plus l’écouter » (Galli, 2022). Finalement, suite à de nombreuses erreurs de l’Exécutif, le gouvernement est renversé. Les parlementaires comme l’opinion publique attendent maintenant l’homme fort et emblématique qu’est Georges Clemenceau, surnommé le « Tigre », que le président de la République, Raymond Poincaré, rechigne pourtant à nommer.
Le sénateur du Var est alors un redoutable débatteur et un bretteur « de premier ordre », adepte des joutes verbales et dont les réparties, vives et acérées, font mouche. Comme le souligne Anatole de Monzie, « le commandement est sa vocation. Il [est] fait pour tenir le langage de chef au pouvoir » (Monzie, 1943). Capable d’improviser et ayant le don de la formule sarcastique, Clemenceau est en permanence prêt au combat, sachant si nécessaire parler contre « son propre sentiment », dès lors que l’intérêt supérieur de la Nation est en jeu. En ce 16 novembre 1917, c’est l’homme que les Français attendent !
« Tout, sauf Clemenceau… »
Sans la guerre, Clemenceau ne serait pas revenu au pouvoir. Mais voilà, à l’issue de la démission de Paul Painlevé accusé de faire preuve de faiblesse à tous les niveaux, le président de la République n’a que peu de solutions s’il veut donner au pays un véritable gouvernement conforme à ce qu’attend l’opinion publique. Face à l’évidence mais détestant être pris en faute, Poincaré cherche néanmoins à biaiser en laissant circuler, d’après André Galli, les noms de Barthou, Deschanel ou encore Viviani ! Si l’intelligence lui semble intacte, il s’interroge sur la santé de son implacable ennemi qu’il trouve vieilli – il a 76 ans – s’inquiétant de découvrir après coup une volonté altérée chez cet homme qui a tant l’apparence d’un notaire de petite ville. Il ne peut non plus, d’un trait, faire fi des attaques « amères, violentes, parfois insultantes » dont il a été la cible de la part de l’ancien « premier flic de France », lutteur énergique et madré « habitué aux pires complications politiques. » Il ne peut également omettre la réputation de l’homme « qui fait peur à tous » et dans lequel il voit « un démolisseur qui par ses critiques incessantes [fait] en réalité le jeu de l’adversaire » (Becker, 2010). Il est en outre persuadé qu’il ne peut décider, « dans ces circonstances délicates » sans consulter les anciens chefs de gouvernement ou les différents chefs de groupe, ce qu’il fait les 14 et 15 novembre 1917. La classe politique ne lui est finalement pas d’un grand secours, car les oppositions demeurent, malgré le ralliement de quelques grands leaders tel Barthou, Lebrun ou encore Georges Leygues.
La presse, quant à elle, se montre impatiente de connaître enfin le nom de celui qui sera désigné. Finalement, sans grande surprise, Poincaré, malgré ses réticences, demande officiellement à Clemenceau, dont le nom circule dans les couloirs du Parlement depuis septembre, de constituer un ministère. Dès la nouvelle connue, la résistance s’organise. Aux côtés du député socialiste de la Seine Marcel Sembat qui croit voir en ce vieillard, porteur de vices irrémédiables comme le souligne L’Humanité du 16 novembre, « le coup d’état même… » (Valance, 2017), les « tirs de barrage » se multiplient face à un homme certes habile mais dont le long exercice du pouvoir « lui a créé quelques profondes inimitiés au Parlement. » Si pour certains observateurs, ce choix apparaît comme une sorte d’expérience périlleuse et de défi politique, ne pouvant déboucher rapidement que sur « d’inextricables difficultés parlementaires » (Le Figaro), pour d’autres spécialistes de la vie politique, la force de caractère et le patriotisme de Clemenceau sont des atouts indiscutables qui justifient de lui faire confiance, surtout quand son programme se résume à un seul mot d’ordre : « Je fais la guerre ! »Dès le vendredi 16, le nouveau président du Conseil, qui se réserve le ministère de la Guerre, soumet au président de la République les noms des membres de son gouvernement « qui n’apparait pas comme un cabinet très brillant » d’après le général Buat et dans lequel ne figure aucune personnalité éminente. Il est vrai que Clemenceau cherche plus, en véritable « patron », la docilité que l’efficacité. La presse, dans sa grande majorité, salue « le retour au pouvoir du Tigre », sans pour autant omettre les nombreuses difficultés qui ne vont pas manquer de se dresser sur le chemin de la Victoire ! Mais l’opinion publique est satisfaite de la nomination d’un homme empreint d’une forte volonté, et qui a toujours reproché aux gouvernements précédents « de conserver l’esprit de Bordeaux. » Pour Clemenceau, homme d’autorité toujours prompt à rugir, l’unique solution qui vaille reste « l’organisation totale de l’arrière et de l’avant au profit de l’action militaire » (Duroselle, 2002), la seule à pouvoir décider de tout.
Sans attendre, le nouveau président du Conseil est dans l’action, peu soucieux de la répercussion sur la Chambre de ses décisions à venir. Après s’être concentré sur la politique intérieure avec la mise en accusation des pacifistes, des défaitistes (1) et la résolution des mouvements de grèves en faveur de la paix qui agitent le pays, Clemenceau renouvelle une grande partie du corps préfectoral et diplomatique ainsi que les directeurs des grandes administrations avant de s’employer à remettre en ordre de marche la complexe administration du boulevard Saint-Germain ! L’élan est donné et le résultat ne se fait pas attendre !
La reprise en main de l’administration de la Guerre
Conformément aux textes en vigueur et ce bien avant le début de la guerre, l’autorité militaire, dont le rôle est de diriger les opérations militaires, est théoriquement subordonnée au pouvoir politique, responsable de la conduite générale de la guerre. Mais depuis août 1914, cette organisation, qui s’est constituée au gré des besoins de l’institution militaire, ne se vérifie guère, le général Joffre ayant eu tendance à imposer « la dictature du haut commandement » face au retrait supposé ou bien réel d’un certain nombre d’hommes politiques (Cochet, 2007). Clemenceau, le 1er avril 1915, se plaignait déjà devant ses collègues de la commission sénatoriale de l’Armée de l’abdication des ministres de la Guerre successifs de leurs prérogatives « entre les mains d’incapables qui n’ont pas su préparer la défense et qui continuent », ne cessant jamais d’adjoindre les présidents du Conseil de remplir leur devoir. C’est donc sous sa direction que la reprise en main va s’affirmer puis franchir une étape décisive. Si Clemenceau, en tant que chef du gouvernement, « est chargé de la direction générale de la guerre », il sait qu’il doit, en tant que ministre de la guerre, « conduire la guerre » (Bourlet, 2010).Pour se faire, le nouveau président du Conseil et ministre de la Guerre s’adjoint deux hommes qu’il connaît bien depuis 1906. Le général de division Mordacq est appelé au poste de chef de cabinet militaire alors que Georges Mandel, surnommé par Clemenceau « l’asiatique » et « qui connaît tout des intrigues politiques », est nommé chef de cabinet de la présidence du Conseil.
Les trois hommes, partisans d’un État fort, sont en phase sur les buts de guerre et considèrent que la seule politique viable est celle de la « guerre totale » débouchant à la fois sur une paix victorieuse (2) mais également sur le rejet absolu de toutes menées pacifistes. En attendant, Clemenceau, tout en poursuivant de sa vindicte implacable « l’ennemi intérieur », veut rétablir l’autorité du ministre sur l’administration de la Guerre, éclatée entre les directeurs et les différents états-majors. Il fait entièrement confiance au général Mordacq avec lequel il s’entretient tous les jours, le plus souvent en fin de journée, et qui l’accompagne dans chacun de ses déplacements. Son rôle et son importance auprès du président du Conseil en déplaisent d’ailleurs à plus d’un, tel Georges Leygues qui reproche au général « d’avoir placé ses créatures à la Guerre [et] fait du favoritisme » (Carré, 2001), Clemenceau ne pouvant veiller personnellement à l’exécution des mesures prises !En cette année 1917, il est indéniable que l’Administration centrale de la Guerre reste une administration lourde et sclérosée malgré les efforts successifs des différents ministres, tels Messimy et Millerand, qui ont essayé d’en améliorer le fonctionnement, sans pour autant empêcher les errements antérieurs de perdurer. Mais il faut cependant rester mesuré ; même si les défis qui se présentent au général Mordacq sont importants et exigent des mesures radicales, cette administration fonctionne tant bien que mal depuis 1914 et répond aux exigences du moment, malgré une situation complexe et les critiques qui ne cessent de l’accabler.Une fois installé rue Saint-Dominique et après un temps d’observation, Mordacq estime que les directions et bureaux du ministère, aux méthodes de travail obsolètes, fonctionnent de manière trop autonome et sans aucune cohérence, le tout nuisant à l’unité de direction. Tranchant dans le vif, il décide de se séparer de certains directeurs tout en modifiant l’organisation et les us et coutumes des différents services. Puis il impose des réunions quotidiennes ou hebdomadaires avant de s’employer à lutter contre les lenteurs de l’administration, rompue « à une douce indifférence bureaucratique ». Car les services du ministère continuent à communiquer par bordereaux d’envoi et notes « qui mettent parfois deux jours à passer d’un étage à l’autre », alors que de nombreux militaires et fonctionnaires se refusent à utiliser le téléphone afin « de ne pas engager [leur] responsabilité » (Mordacq, 1930). Afin de pallier ces errements, Mordacq publie la circulaire des trois jours – à l’efficacité incontestable – avec pour objectifs de simplifier les circuits administratifs, de supprimer les documents sans valeur ajoutée, d’accélérer les procédures et de favoriser les échanges entre services avant toute prise de décision. Puis, face à la multiplication, au fur et à mesure des besoins, de services nouveaux « dont les attributions ne sont pas toujours clairement délimitées », il met en place dès le 31 janvier 1918, des « officiers de renseignements » – au nombre de 56 au 10 février – responsables de l’organisation et du fonctionnement de chaque SSE, direction, service et bureau. Ils sont chargés d’établir et de maintenir une liaison constante entre les nombreuses strates du ministère tout en veillant à maintenir des services de permanence, afin que les affaires les plus urgentes soient traitées en temps et en heure.De son côté, bourreau de travail particulièrement présent – Clemenceau refuse pratiquement toutes les invitations à déjeuner ou à dîner pouvant le détourner de sa tâche – le président du Conseil exige beaucoup de ses collaborateurs immédiats qu’il rencontre quotidiennement et auxquels il accorde une grande confiance. Limitant l’accès à son bureau afin de préserver au mieux le secret qui s’impose, tant des discussions politiques que des opérations militaires, il lui importe que les décisions mûrement muries, une fois prises, soient appliquées sans délai, quitte à aller quérir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, le ministre concerné ! À ses yeux, les affaires de l’État ne souffrent d’aucun retard.
Face aux résistances qui ne manquent pas de surgir en particulier au sein des sous-secrétariat d’État, peu habitués à accepter par contrainte l’autorité du ministre de la Guerre, des contrôles jusqu’aux échelons les plus modestes sont initiés, avec sanctions à la clef. À la demande du président du Conseil, Mordacq va plus loin et supprime par la suite tous les intermédiaires inutiles avant d’imposer la mutualisation des secrétariats ; le personnel est regroupé et organisé en ateliers régis par des contremaîtres qualifiés alors que toute négligence individuelle est réprimée. Les résultats sont probants et en quelques semaines, des affaires anciennes sont réglées alors que des questions importantes qui sommeillaient, parfois depuis des temps immémoriaux, trouvent un début de résolution. Clemenceau, qui se refuse à dénoncer les fautes et les erreurs passées commises par ses prédécesseurs, préfère souligner les efforts engagés pour « réparer les insuffisances ». Son autorité est alors incontestée !
Des problèmes récurrents… les alliés et les effectifs
À l’arrivée de Clemenceau, alors que le défaitisme et le pacifisme ambiants qui règnent au sein d’une partie de la classe politique touchent durement le moral de l’opinion publique, la situation extérieure n’est guère brillante et ce depuis plusieurs mois. La défection de l’allié russe et la prise du pouvoir par les bolcheviks le 7 novembre, les désastres roumain (3) et italien et les revers de l’armée d’Orient n’ont fait que renforcer la position de l’armée allemande sur le front Ouest, avec le transfert d’une quarantaine de divisions.À ces mauvaises nouvelles s’ajoute la lancinante question des effectifs qui n’est toujours pas résolue et qui inquiète aussi bien le président du Conseil que le général en chef. Les effectifs, tombés très bas, expliquent en grande partie aussi bien le « bricolage » (4) que la nouvelle stratégie mise en place par le général Pétain, commandant en chef incontesté malgré ses nombreux détracteurs. Dans ses directives successives, il ordonne l’arrêt des offensives inutiles de grande ampleur tout en privilégiant l’option défensive sur la deuxième ligne de résistance, en désaccord, et c’est à noter, avec Clemenceau. Approuvé par Haig, il refuse de mettre en place un « autre mode opératoire » (Franc, 2012) au moins jusqu’à l’entrée en ligne des contingents américains, au mieux à l’été 1918. Dans le même temps, il demande au général Buat, commandant de la Réserve Générale d’Artillerie créée en février, de construire un outil de rupture aux ordres directs du G.Q.G., capable de concentrer des feux puissants et rapprochés aussi souvent que nécessaire sur l’adversaire. Enfin, dans l’attente des troupes américaines et anticipant des combats difficiles, Pétain s’emploie à dégager à terme les réserves stratégiques nécessaires à la bataille défensive qu’il prépare activement. Il sait qu’à l’issue, il faudra conduire l’offensive ultime de grande ampleur, toutes forces alliées réunies, d’autant plus facile à mener « que le G.Q.G. en détiendra le commandement unique ». Mais la démarche qu’il a initiée en ce sens auprès de Painlevé dès le 5 octobre 1917 s’est révélée peu concluante et sans espoir, le nouvel occupant de l’hôtel de Brienne étant resté sur les mêmes errements.
Face à l’armée, Clemenceau est dans une position plus délicate car à peine 4% des soldats se disent « favorablement influencés par son arrivée au pouvoir » (Pedroncini, 1983). Pour s’affirmer rapidement, il doit faire ses preuves et surtout résoudre cette crise des effectifs qui se pose « ces derniers temps, de façon plus précise et plus angoissante. » En ce qui concerne son image, Clemenceau va sans relâche s’occuper des simples soldats et de leurs chefs, de ceux qui combattent dans des conditions difficiles. Sur les 360 jours aux responsabilités, il en consacre 90 à parcourir le front, à visiter les cagnas, à discuter des améliorations indispensables à apporter et finalement à commander. Ces visites et ces rencontres, à même de renforcer le moral de la troupe, permettent surtout au Tigre de démontrer, avec précision, son intention de gouverner l’ensemble du pays, sans aucune distinction.Au 1er novembre 1917, l’armée du Nord-Est atteint à peine 2 756 000 hommes, chiffre largement inférieur aux effectifs du 1er janvier. En à peine douze mois, les pertes définitives des armées s’élèvent à 390 000 soldats, auxquelles il faut ajouter les 544 000 hommes prélevés et rendus à l’Intérieur. Et les ressources disponibles ne sont pas suffisantes pour contrebalancer le manque ; même l’incorporation de la classe 19 ne laisserait, à terme, aucune réserve dans les dépôts. La situation est à ce point critique que le ministre de la Guerre vient s’en expliquer à plusieurs reprises devant les membres des commissions parlementaires de l’Armée, en particulier celle du Sénat qu’il a présidé ces deux dernières années. Entendu une première fois au palais du Luxembourg le 14 décembre 1917, Clemenceau revient sur la décision prise par son prédécesseur de libérer les « vieilles classes » (5) – 354 000 hommes – estimant qu’il aurait fallu les conserver au moins comme travailleurs, « avec une pelle ou une pioche à la main ». Par manque de bras, le général Pétain, de disposant que du cinquième des ouvriers nécessaires pour effectuer les travaux de terrassements (6), est effectivement obligé de diminuer les relèves entre divisions et de réduire les périodes d’instruction au strict minimum. Il peut ainsi maintenir suffisamment longtemps les unités sur les mêmes zones pour arriver à une moyenne de 100 000 hommes quotidiennement dédiés aux travaux. Clemenceau explique également regretter le maintien dans les usines de 400 000 hommes jeunes qui seraient, d’après lui, plus utiles au front et dont il minore le rôle pourtant essentiel.Puis, au fil des auditions, il précise les décisions prises, les pistes de réflexion ou les difficultés rencontrées. Dans un premier temps, un Commissariat aux effectifs succède, dès le 17 décembre, à la Commission de contrôle des effectifs, jugée inefficace. Doté de moyens plus importants et travaillant sans relâche, cet organisme reçoit pour mission « d’assurer, dans tous les départements ministériels […] la stricte observation des lois, règlements et instructions concernant l’affectation et l’emploi des mobilisés et mobilisables. » La chasse aux embusqués s’organise, en priorité au sein de du ministère de la Guerre où Mordacq « fait des coupes sombres et en arrive à comprimer fortement » (Mordacq, 1930). Alors qu’une note de service du 18 mars 1918 impose aux commandants de régions de fournir trimestriellement la liste des officiers en poste (états-majors, écoles, service des prisonniers, trésor et postes, service de place, garde-frontières, dépôts…), une directive de juin 1918 instaure des médecins spécialement nommés par le SSE à la Santé militaire, chargés de visiter les malades et blessés en traitement « dont la présence dans les hôpitaux et les infirmeries n’est plus justifiée. » Dans le même temps, afin de mieux lutter contre les fraudes au recrutement par substitution de livret matricule ou usurpation d’identité, un nouveau modèle de livret individuel est mis en place pour l’incorporation de la classe 1919, avec photographie et empreinte digitale des deux index !En complément, l’Empire, dont le sort se joue tout autant sur la Somme, constitue pour le président du Conseil et ministre de la Guerre, pourtant connu pour ses prises de positions anticoloniales, l’ultime recours. S’il se révèle partisan de récupérer des hommes prioritairement en Indo-chine, il déclare s’être heurté à des difficultés de transport et de ravitaillement (7). Des ordres sont ensuite donnés aux autorités d’AFN pour augmenter le recrutement et étendre la conscription, pourtant qualifiée en octobre 1911 par Eugène Etienne « d’arme terrible contre la France ». En Algérie, Nivelle propose 60 000 hommes alors que le Maroc s’engage à fournir 15 000 coloniaux, éventuellement par réquisition. La situation est plus délicate en A.O.F., où le recrutement a été arrêté depuis le 17 octobre dernier. Malgré les exhortations du gouverneur Joost van Vollenhoven (8), Clemenceau demande aux autorités locales d’instaurer un programme cohérent de ravitaillement en hommes, réhabilitant par là-même le concept de « force noire » du général Mangin. Dans ces colonies « où coule le pactole », il se refuse d’instituer « une chasse à l’homme » afin d’éviter toute insurrection et maintient le recrutement par voie d’appel, le complétant si nécessaire par le versement de primes pour limiter la résistance des populations indigènes (9).À la fin de l’année, malgré un total de 100 000 hommes fournis depuis 1915, en limite des possibilités de l’A.O.F. (10), Clemenceau insiste pour que les efforts soient poursuivis – Un commissariat aux troupes indigènes confié au député du Sénégal Blaise Diagne sera même créé en octobre 1918 – en s’appuyant si nécessaire sur les chefs coutumiers favorables à la France ainsi que sur les principaux chefs religieux, en particulier les Mourides (11), pour appeler les fidèles à s’engager. Il tient alors à préciser aux membres des commissions que s’il respecte « infiniment ces braves noirs », il préfère « faire tuer dix noirs qu’un seul Français », au motif que l’on a fait « tuer assez de Français et qu’il faut en sacrifier le moins possible. » En parallèle, Clemenceau indique avoir insisté auprès du G.Q.G. pour qu’une meilleure gestion les troupes coloniales soit définie, en particulier pour ce qui concerne l’avancement, les décorations et autres récompenses, les permissions et les primes.
À l’issue, à chaque discussion et en fonction des questions qui lui sont posées, Clemenceau aborde régulièrement, avec son franc-parler habituel, les démarches menées auprès des alliés, comme le prouve la lecture des procès-verbaux. Il prend d’abord exemple sur l’Italie où la situation compliquée (12) a imposé de dépêcher sur place pendant plus de trois semaines le général Foch, tout en déployant, dès la fin octobre, six divisions françaises et cinq anglaises afin de permettre aux Italiens de réorganiser leurs forces. Maintenues dans un premier temps comme réserve générale, elles ne sont entrées en action qu’en décembre 1917. Quelques semaines plus tard, Clemenceau envisage le rapatriement d’une partie non négligeable du contingent français, mais recule en raison de l’hostilité du gouvernement transalpin. Pourtant, le général Fayolle, successeur de Foch en Italie – rappelé en France le 9 février 1918 – lui soutient qu’il est possible de ramener « sans grand danger » 65 000 hommes sur 130 000, au motif que « certains éléments [pourraient] manquer au général Pétain s’il en a besoin ». Après quelques hésitations et avis du C.S.G. interallié créé le 7 novembre 1917, le ministre se range finalement aux arguments de Fayolle en décidant effectivement de rapatrier quatre des six divisions. Dans le même temps, le comité de guerre italien entérine le transfert du IIe C.A. sur le front franco-anglais, espérant que ce geste sera « apprécié à sa juste valeur » ! Clemenceau réussit également, suite à une mission d’Abel Ferry, à faire venir en France dès le mois de janvier près 60 000 soldats cisalpins écartés du service actif. Destinés à être employés essentiellement comme terrassiers, ils sont regroupés dans les Truppe ausiliaire italiane in Francia ou les Centuri operai militari italiani !Les discussions se sont ensuite révélées délicates avec les Anglais qui font face eux-aussi à des problèmes d’effectifs. Approché pour participer à l’armée de manœuvre demandé par Foch depuis le début 1918, Llyod George estime la contribution de son pays impossible, l’armée anglaise accusant un déficit de 200 000 hommes au 1er avril (13). Après avoir envoyé des troupes renforcer le front italien, il se refuse non seulement à faire appel aux Irlandais, des « traitres qui passeront à l’ennemi » (14), mais également de mobiliser en certains endroits du pays pour éviter une « révolution sociale ». Llyod George s’interroge également sur le pouvoir de nuisance de la communauté irlandaise installée au États-Unis, dont « l’opposition deviendra impossible » quand « le premier sang américain aura coulé ! »Enfin, Clemenceau, au fil des entretiens, revient sur l’apport de l’armée américaine, estimant dans les premiers mois de 1918, que le son concours n’avait pas encore donné « tout ce qu’il avait promis », sans savoir à quel moment elle sera pleinement opérationnelle[ (15). Même s’il doute de la possibilité de disposer en France, dès la fin de 1918, de 1,8 millions de soldats formés – malgré l’accord des autorités américaines de transférer en France mensuellement 300 000 soldats dès le mois de septembre (16) – il s’avère persuadé, comme de nombreux observateurs, que l’armée américaine sera à terme l’armée la plus puissante de l’Entente. Il regrette néanmoins le manque de formation des troupes US et précise avoir demandé à André Tardieu de pousser les Américains à intensifier leurs efforts pour envoyer plus d’hommes instruits. Il s’avère également dubitatif sur les capacités opérationnelles des états-majors, véritable pierre d’achoppement en raison d’un haut commandement américain tenant à conserver son autonomie et n’acceptant que difficilement d’envoyer ses troupes au combat encadrées (17) par des officiers français.
Pour autant, il demande à Pétain, pour des raisons politiques, de les engager le plus rapidement possible ! Par ailleurs, Clemenceau sollicite le 4 juin 1918, les autorités américaines, via le haut-commissaire André Tardieu, pour qu’elles fournissent 25 400 hommes du personnel du chemin de fer US, dont 13 400 mis à disposition du réseau français !En août 1918, la sous-commission des effectifs au Sénat confirme, à mots choisis, l’amélioration progressive de la situation, en particulier grâce aux armées alliées et ce même si les forces ennemies restent encore largement supérieures en nombre, avec 600 000 hommes de plus. Mais les troubles qui éclatent en Allemagne font espérer au commandement allié qu’ils seront maintenus « éloignés longtemps de nos champs de batailles », alors qu’à l’inverse, les renforts américains – 950 000 hommes en France dont 400 000 prêts à combattre ou étant déjà engagés – permettront de redresser la balance. Dès lors, le sénateur de la Corse Antoine Gavini, rapporteur, croit pouvoir affirmer sans crainte que la suprématie des effectifs allemands est sur le point de disparaître !
La motorisation de l’armée et le ravitaillement pétrolier
Au début de la Première Guerre mondiale, l’armée française, peu motorisée, s’intéresse de loin au problème pétrolier. Mais la puissance des armes et la violence inédite qu’elle génère au fil des mois « imposent la transformation […] d’armées jusque-là peu différentes de celles des guerres napoléoniennes » (Goya, 2014). Si cette révolution touche les armes de combat, comme l’infanterie et l’artillerie, elle impose également un changement de paradigme avec la mise en place d’un nouveau corpus doctrinal, dont la réussite repose en grande partie sur la concentration rapide des forces, et donc sur la modernisation de la motorisation de l’armée française.Le 21 novembre 1918, lors de la Conférence interalliée du pétrole à Londres, le représentant britannique tient à rappeler, dans son discours, combien « l’or noir fut essentiel à la victoire. » Pourtant, comme tant d’autres questions économiques débattues au cours de la Première Guerre mondiale, l’histoire du pétrole reste erratique, mélange d’impréparation et d’improvisation, conjuguant des périodes de fortes tensions à de belles réussites (Beltran, 2016).
Au fur et à mesure de la transformation des armées, en particulier de l’armée française, le pétrole se révèle essentiel dans toutes les dimensions du combat moderne. Pourtant, début 1917, l’organisation du ravitaillement pétrolier n’a pas évolué malgré l’augmentation des besoins. Or la France, dépourvue de ressources naturelles, est entièrement dépendante de l’extérieur pour son approvisionnement. Ne pouvant s’appuyer sur aucune industrie de raffinage digne de ce nom, elle se trouve dans l’obligation d’importer des États-Unis et du Mexique l’essentiel de ses besoins en pétrole brut ou en produits raffinés. Mais ces sources sont fragilisées par le déclenchement de la guerre sous-marine à outrance par l’Allemagne. En quelques mois, 14 pétroliers – soit 40% du tonnage disponible – employés au ravitaillement français sont envoyés par le fond (18). Au fil des semaines, la situation devient de plus en plus critique car les importateurs ne disposent d’aucune marge de manœuvres au point que « le déficit de nos importations [risquant d’amener] la paralysie de nos armées et de nos industries fin mars 1918 » (Sénat, 1917). Le 13 juillet 1917, sous la pression du sénateur Henry Bérenger, premier homme politique à être conscient de la nature stratégique des produits pétroliers, le président du Conseil accepte la création du Comité général du pétrole. Organe purement consultatif, ses rapports sont soumis aux ministres concernés, dont celui de l’économie qui ne peut qu’en approuver les conclusions, en particulier le déficit chronique par rapport aux prévisions de consommation. Quelques semaines plus tard, face aux conséquences dramatiques sur la conduite de la guerre du désengagement inattendu des compagnies pétrolières américaines et hollandaises, le nouveau président du Conseil Clemenceau consacre, dès sa nomination, une grande partie de son énergie à trouver des solutions pérennes alors que les stocks de l’armée française sont tombés à 26 000 tonnes (19) pour une consommation mensuelle de 30 000 tonnes. Les autres services publics, quant à eux, en utilisent près de 17 000 tonnes par mois.Grâce à sa rencontre avec le colonel House, ami intime et conseiller du président américain, une des premières décisions du président du Conseil et ministre de la Guerre est de faire appel à Wilson, auquel il envoie « un appel désespéré » le 15 décembre 1917 par la voie diplomatique.
Il lui demande d’obtenir des compagnies américaines la mise en place de bateaux-citernes d’un tonnage total et permanent de 100 000 tonnes, « nécessaires aux armées et aux populations de la France » (Sénat, 1917) (20), y compris en détournant les navires en service dans le Pacifique. Mais outre-Atlantique, rien n’est simple. L’opposition républicaine, pointant du doigt les « ratés de la mobilisation économique » (Harter, 2017), taxe l’administration Wilson d’incompétence, estimant que la mobilisation économique ne peut être que du ressort du secteur privé. Le président, au vu de l’urgence, n’en accélère pas moins la réorganisation de l’effort de guerre, tout en faisant appel au patriotisme des entreprises, les menaçant si besoin est de nationalisation, le tout avec un succès tout relatif. Dès la fin de l’année 1917, le service des missions des A.E. porte à la connaissance du gouvernement, la mise à disposition par plusieurs sociétés pétrolières américaines de plus de 20 000 tonnes, sans que la situation générale ne s’améliore vraiment, en raison d’un manque cruel de tankers. André Tardieu, alors haut-commissaire français aux États-Unis, s’efforce de combler cette lacune en discutant sans relâche avec les autorités et les armateurs US (21). Si au 1er mars, les livraisons portent les stocks à 112 000 tonnes, ce qui apparaît encore largement insuffisant, un programme de ravitaillement pétrolifère est très rapidement défini, avec pour objectif la livraison pour les années 1918 et 1919, de plus d’un million de tonnes.En France, les autorités ne restent pas les bras croisés. Les 8 et 22 décembre, Henri Bérenger, président du Comité général du pétrole, réunit les « représentants qualifiés de toutes les administrations », les sociétés importatrices, les industriels pour arrêter un ensemble de mesures d’importation et de restrictions, approuvé dans son intégralité par le Conseil des ministres du 25 décembre 1917. Clemenceau décide ainsi de réduire l’allocation attribuée aux différents services publics, la totalité des ressources ainsi économisées à l’issue de « ces compressions » étant mise à la disposition du général en chef qui « sait par ailleurs la gravité de la situation. » Le 29 mars 1918, un consortium pétrolier est créé, l’État devenant le seul acheteur et importateur face aux vendeurs américains, le rôle des entreprises privées étant réduit à la portion congrue. Enfin, quelques mois plus tard, le 21 août, un commissariat général aux Essences et Combustibles, détenant « un véritable pouvoir d’exécution » voit le jour, parachevant la pyramide (Beltran, 2016). Il est désormais indéniable que le pétrole et de ses dérivés ont acquis, en cette sortie de guerre, un caractère éminemment stratégique.
La délicate question de l’aviation
L’aviation militaire de la Grande Guerre connaît des débuts chaotiques. Au niveau du ministère de la Guerre, c’est alors une simple direction technique créée en décembre 1913 (12e Direction) dont l’action est complétée quelques mois plus tard par un Conseil supérieur chargé de coordonner les efforts militaires et civils. Face aux errements des services de l’arrière dès les premiers jours du conflit, Joffre développe au sein du G.Q.G., dès septembre 1914, la Direction du Service aéronautique, acquérant ainsi une certaine indépendance qui déplaît à l’administration centrale. Face à ces antagonismes et au renouveau de l’aviation « du champ de bataille » – en opposition à l’aviation de bombardement stratégique – les parlementaires interviennent et incitent le gouvernement à créer un Sous-Secrétariat d’État à l’aéronautique, ce qui est acté le 13 septembre 1915. Son titulaire, le sénateur René Besnard, s’emploie alors à profondément réorganiser et réformer la production industrielle et les services de fabrication. Il œuvre également à faire disparaître les difficultés qui ne manquent pas de surgir entre l’avant et l’arrière. Mais ses décisions ne remportent pas l’adhésion, en particulier celle du nouveau ministre de la Guerre, le général Gallieni. Besnard, poussé à la démission, quitte ses fonctions le 5 février 1916, entraînant de fait la disparition du SSE. Les militaires reprennent la main et confinent à nouveau l’aviation à rester « un simple outil au service du champ de bataille », dénué d’intérêt.Face à ces querelles intestines, le nouveau ministre de la Guerre nommé le 16 mars 1916, le général Roques, diligente une enquête chargée d’étudier les problèmes de l’aéronautique militaire, sans arriver à présenter des solutions pérennes. La situation devient à ce point critique que le gouvernement Ribot, pour répondre à l’importance croissante prise par « le facteur aérien dans l’esprit du commandement » (Carré, 2001), crée de nouveau un SSE à l’aéronautique militaire qui renaît ainsi de ses cendres le 20 mars 1917 avec à sa tête le député Daniel Vincent. Il s’agit à la fois de contrôler les opérations aériennes qui ne peuvent rester du seul apanage du G.Q.G., mais également de trouver une réponse aux problèmes militaires, administratifs et industriels. Car le rapport de force se durcit entre l’État et des entreprises souvent soupçonnées par l’opinion publique d’être des profiteurs de guerre. Certains magnats, soucieux de vendre leurs appareils aux meilleures conditions, cherchent effectivement à bénéficier de l’urgence de la situation pour imposer des conditions particulières que « nulle autorité de régulation [n’a] été en mesure d’apprécier » (Bonin, 2016), voire pour s’acquérir les bonnes grâces des pilotes grâce à des « gratifications, primes et sommes d’argent d’importance variable. »
À peine nommé, Clemenceau ne peut que constater devant les commissions parlementaires de l’Armée que le gouvernement hérite d’une aviation en mauvais état général, « où tout ne va pas bien ». D’après les rapports envoyés par le colonel Duval, chef du service aéronautique, il s’avère urgent, pour la sortir du marasme dans lequel elle se délite, de remédier aux multiples défectuosités dont elle souffre – et dont l’existence de nombreux clans n’est pas le moindre des maux – et ce pour éviter de mettre, au printemps 1918, le général en chef « en présence de graves défaillances. » Car aucun industriel, aux installations trop petites – ils sont plus de 20 rien qu’à Paris – n’est capable de produire en masse ne serait-ce que des moteurs, ce qui est un handicap. De fait, de trop nombreux appareils, régulièrement de mauvaise facture, sont indisponibles en raison du manque de pièces détachées, d’armements et de projectiles en qualité et quantité insuffisantes, sans matériels et accessoires indispensables. Ainsi, quand le G.Q.G. perçoit un avion, il le reçoit, aussi étonnant que cela paraisse, sans armes et souvent sans installations de bord : supports, système de synchronisation, moteur sans carburateur, sans réservoirs et sans radiateurs. Quant aux services techniques, qui ont pour mission de mener à bien toutes les études intéressant l’aviation, ils n’ont pas évolué depuis le début de la guerre et constituent certes un organisme puissant, mais à l’organisation rudimentaire et aux crédits insuffisants.Louis Loucheur, ancien directeur des services de l’importation des combustibles et ministre de l’Armement depuis le 17 septembre 1917, confirme une situation catastrophique qui ne pourra se résoudre « d’un coup de baguette magique » et qui impose de prendre en compte des problèmes les uns après les autres. L’urgence est d’abord de coordonner et d’unifier l’aéronautique, dont la responsabilité est divisée entre le ministère de l’Armement et un sous-secrétariat d’État, sans que les rôles de chacun soient clairement définis. Face à un système complexe dont le principal défaut est l’absence d’une vue l’ensemble, dont il faut rappeler que Loucheur est en grande partie responsable, Clemenceau est mis en demeure par la commission de l’Armée à la Chambre et par le général Pétain (22) de prendre rapidement des décisions pérennes.
Le 23 novembre 1917, le colonel François Dhé, déjà directeur de l’Aéronautique militaire, est nommé à la tête du Service central des fabrications de l’aviation, désormais rattaché au ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre. Malgré les doutes du général en chef, ce début d’unité de direction permet enfin au ministère de l’Armement de s’attaquer en priorité à améliorer la production des avions, en identifiant les faiblesses techniques et en rationalisant les procédures. Très rapidement, cette nouvelle politique porte ses fruits puisque dès janvier 1918, Loucheur peut affirmer aux parlementaires que près de 3 000 appareils devraient être opérationnels en avril, très proche de la cible ambitieuse fixée de 4 000 appareils en ligne, sans omettre de préciser que le nombre de candidats au recrutement de pilotes est également supérieur aux besoins (23). Pour autant, des obstacles demeurent dont le principal reste un manque de coordination entre services, conjugué à l’absence, au sein de l’aviation, d’une autorité supérieure unique « possédant des attributions étendues [et] un pouvoir absolu de décision » (Carls, 2000). En dépit de ces critiques, Loucheur continue sa politique basée plus sur la qualité des avions que sur la quantité, quitte à ne pas atteindre les objectifs. Il est conforté dans ses décisions à la fois par le soutien des proches de Clemenceau, dont le général Mordacq, mais également par les résultats obtenus. En juin 1918, un rapport de la commission sénatoriale de l’Armée sur le rôle de l’aviation pour contrer l’offensive allemande du 21 mars dernier, confirme combien « le gouvernement [a eu raison] d’intensifier […] nos efforts pour accroître toujours nos forces aériennes, dans lesquelles nous voyons de plus en plus s’affirmer des éléments de victoire » (Sénat, 1918). Il est effectivement indéniable que, quelques mois plus tard, « Pétain disposera de la plus puissante aviation du monde » (Goya, 2018).
Clemenceau et la conduite de la guerre
Clemenceau, dès sa prise de fonctions, va rapidement donner une véritable consistance politique au poste de ministre de la Guerre. Grâce à la présence à ses côtés du général Mordacq, il établit « un canal direct de décisions en matière militaire », tout en assumant publiquement la direction politique. Dès lors, les rapports entre le ministre, l’E.M.A. et le G.Q.G. s’installent sous le signe de la confiance, ou au minimum de la bonne entente. Si des désaccords apparaissent parfois, aucune crise grave, du moins au cours du conflit, ne viendra perturber les relations entre le gouvernement et les grands chefs de l’armée.Depuis la réforme opérée en 1917, l’autonomie du G.Q.G. n’est plus qu’illusoire, car la « conduite de la guerre [a appelé] la primauté nécessaire du pouvoir civil. » Dès lors, la direction des opérations militaires est intégrée dans la direction générale et politique de la guerre, relevant des chefs militaires « pour la partie exécutive » tout en appartenant au pouvoir civil dans « la construction de la décision » (Roussellier, 2015). Le général Pétain, nommé à la tête de l’armée française en mai 1917 à la suite de l’échec de l’offensive du Chemin des Dames, a d’abord su restaurer la confiance dans l’armée française. Puis, dès la fin de l’année, il s’est employé à rénover le G.Q.G., tout autant le personnel que les méthodes de travail. Pour succéder au général Debeney au poste de major-général, il a choisi le général Anthoine dont il apprécie l’intelligence et qu’il lui sait dévoué. C’est le général Foch, sorti de sa disgrâce, qui lui a succédé comme C.E.M.G. et conseiller technique du gouvernement. Outre le cabinet et les différentes directions, l’E.M.G. devient ainsi un des rouages essentiels du ministère de la Guerre, au sein duquel Foch conserve la pleine et entière responsabilité du « groupe de l’avant », sans pour autant avoir de prééminence sur Pétain. Son commandement s’exerce également sur le « groupe de l’intérieur », aux ordres du général d’Alby qui se doit alors de concilier les exigences parfois contradictoires des deux généraux qui incarnent alors des doctrines opposées, aussi si bien sûr l’opportunité de l’offensive que le choix entre deux défensives, l’une rigide, l’autre plus souple !
Une fois installé rue Saint-Dominique et après s’être attaqué à la question du rajeunissement des cadres, en particulier des généraux et des officiers supérieurs (24), Clemenceau est confronté au problème Sarrail, commandant en chef des armées alliées d’Orient depuis janvier 1916, dont le relève a été demandée par les gouvernements anglais et italien. Le 9 décembre 1917, il porte à la connaissance des autorités alliées que, « se basant sur des considérations d’ordre général », il a décidé de limoger le général Sarrail de son commandement et de le remplacer par le général Guillaumat. A cette occasion, Clemenceau s’avère très remonté contre l’ancien commandant en chef en Orient, général républicain aux nombreux appuis politiques qui, sollicité pour faire un exposé complet de la situation, n’a répondu que par « une dépêche insignifiante. » Ce qui est notable, c’est qu’au fil des mois, Clemenceau devient de plus en plus présent dans la conduite même de la guerre, – ce que n’apprécie guère Pétain, au point de faire dire au général Buat que « les leçons à la clef [qu’il adresse] au général en chef, […], c’est de la bien mauvaise politique » (Buat, 2015).Mais c’est surtout la question du commandement unique qui l’occupe. Dès son retour d’Italie, Foch a repris sa place à Paris comme conseiller technique du gouvernement. Auréolé de son succès, sa réputation à peine entamée par la bataille de la Somme dont « on a voulu lui faire payer l’insuccès relatif » est alors au zénith. Personnalité forte à l’autorité indiscutable, il travaille de manière très étroite avec le président du Conseil sans jamais être sur le même pied d’égalité, alors que ses relations avec Pétain se détériorent, le commandement en chef soupçonnant son rival de vouloir réintégrer « le haut commandement par la fenêtre cisalpine » (Notin, 2008).Par à côté, face à cette crise, conjuguée à la défection russe qui offre aux Allemands la possibilité de transférer de nombreuses divisions sur n’importe quel front, la création d’un commandement unique – dont Clemenceau est un fervent défenseur – s’impose peu à peu comme une exigence. Le 2 février 1918, à l’issue d’une réunion du C.S.G. interallié, les alliés, suivant les recommandations du président du Conseil et malgré l’avis contraire du maréchal Haig, décident de former une réserve générale interalliée placée sous les ordres d’un comité exécutif dont la présidence est confiée à Foch. C’est un premier pas vers le commandement unique dont tout le monde comprend la nécessité mais dont personne ne veut par crainte de froisser les susceptibilités nationales. Si pour l’Allemagne, l’unité politique et de commandement des opérations ont rapidement constitué un avantage au point de prendre l’initiative dans la conduite de la guerre, du côté des Alliés, chaque pays poursuit sa propre stratégie, les Britanniques et les Italiens se montrant les plus rétifs à l’unité de direction.
Dès le 21 mars, le succès des armées allemandes qui franchissent la Somme, amplifie le risque de rupture du front franco-anglais. Face à une situation particulièrement critique, Clemenceau, très habilement, amène les Britanniques à changer d’avis, ayant bien compris que Llyod George tient absolument à évincer le maréchal Haig, qui lui-même ne veut pas de Pétain. Le 26 mars à Doullens, les alliés établissent un nouveau statut, en l’occurrence la création d’une autorité unique dont la responsabilité est confiée au général Foch, chargé d’assurer une meilleure coordination des armées alliées sur le front occidental tout en gommant les rivalités. Ce n’est donc pas encore le commandement unique mais une étape vers sa réalisation dont l’importance est pourtant minimisée par Mordacq ; si elle n’est pas décisive sur le plan opérationnel, elle l’est d’un point de vue psychologique. Un nouvel élan est donné à Beauvais le 3 avril quand, pour ne pas cabrer les Britanniques, Clemenceau, toujours conseillé par Mordacq, plutôt que de réclamer pour Foch le commandement unique, propose de lui confier « la direction stratégique des opérations militaires ». Et c’est à nouveau à la faveur d’une attaque allemande éprouvant durement, dès le 14 avril, le front anglais dans les Flandres que Clemenceau peut arracher à Lloyd George le titre officiel pour son subordonné de « général en chef des armées alliées en France », permettant au général Foch de disposer désormais d’une marge de manœuvre limitée mais bien réelle. Même si toutes les difficultés sont loin d’être ainsi levées, l’opiniâtreté de Clemenceau permet ainsi à Foch de disposer de l’autorité indispensable pour mener les armées alliées à la victoire. Pour ce faire, l’E.M.A. est réorganisée et le « groupe de l’avant » est supprimé. Le personnel est réparti dans les différentes bureaux de l’administration centrale, sous les ordres du général Alby, C.E.M.G. avec trois adjoints. Quant à Foch, il dispose d’un état-major réduit de 175 personnes – avec seulement 29 officiers – dont l’organisation est en tout point semblable à celle de l’E.M.A. et du G.Q.G.. Sous la haute direction de Mordacq, un certain nombre d’officiers sont alors chargés de faciliter, autant que possible, les échanges parfois délicats entre ces deux états-majors et le ministère !
Tout n’est pas pourtant simple car les relations entre Clemenceau et Foch, qui refuse de s’imposer par la contrainte, sont parfois difficiles. Le ministre de la Guerre réprouve la mansuétude du maréchal, en particulier vis-à-vis de Pershing qui est décidé « à faire une armée américaine envers et contre tous » (Buat, 1915). Lui donnant raison à plusieurs reprises, Foch en fait, par défaut, l’alter ego des autres commandants en chef alliés. Et l’ambiance ne s’améliore pas au cours des entretiens sur les conditions de la paix à imposer à l’Allemagne, au point de mécontenter le président Wilson qui assimile l’attitude de Foch à de la désobéissance. Ces multiples différends débouchent sur une querelle Clemenceau-Poincaré, le président de la République reprochant au président du Conseil, qui s’interroge sur les capacités du commandant suprême à s’imposer, son entrisme dans les affaires militaires. Il sait qu’au mois de juillet dernier, à la demande de Foch qui ne peut atteindre directement Pétain, Clemenceau a imposé le général Buat au poste de major-général en espérant non seulement assainir les relations entre l’état-major du commandant en chef interallié et le G.Q.G., mais surtout « faire en sorte que l’armée française obéisse directement à Foch » (Buat, 2015). Il est vrai que ce dernier se plaint régulièrement de ne pas recevoir communication des projets du commandement français, plainte non fondée mais qui en dit long sur les relations conflictuelles au sein du haut commandement.Malgré tout, en octobre 1918, la victoire est à portée de main. Le 4 novembre, les gouvernements alliés, après avoir approuvé le texte final des conditions d’un armistice de 36 jours prolongeables, chargent le maréchal Foch de le présenter aux plénipotentiaires ennemis le 8 novembre, alors que l’Allemagne s’enfonce dans la crise. Le 11, l’armistice est signé malgré le désaccord de nombreux chefs militaires, au premier rang desquels Pétain qui a demandé en vain au gouvernement « de laisser se consommer plus en avant la défaite militaire allemande. » Le haut commandement reproche ainsi aux politiques d’avoir empêché une victoire complète, à même de mettre la France en position de force ! Mais pour Clemenceau, il est alors primordial d’avoir en face « un gouvernement ayant la capacité de signer » (Pedroncini, 1998) plutôt que la chienlit. En ce jour d’armistice, comme pour faire taire toute divergence, le Sénat, pratiquement à l’unanimité, adopte un texte déclarant que « le citoyen Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre, le maréchal Foch, généralissime des armées alliées, ont bien mérité de la patrie. »
Une démobilisation trop rapide
D’après l’historien Jean-Baptiste Duroselle, « on a coutume de dire : Clemenceau a gagné la guerre mais il a perdu la paix. » (Duroselle, 2002). Le problème est certainement plus complexe et concerne davantage le président du Conseil que le ministre de la Guerre.En tant que ministre de la Guerre, Clemenceau est conforté à deux défis contradictoires, maintenir une armée puissante capable de reprendre les hostilités en cas de non-respect par l’Allemagne des conditions de paix, tout en démobilisant rapidement pour faciliter tout autant la reprise économique que répondre à l’impatience des soldats. Le retour à la vie civile des contingents, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, devient la mission prioritaire. Dès le 12 novembre, alors que Foch estime que tout n’est pas terminé et que Pétain maintint une pression constante sur le gouvernement, le ministre de la Guerre demande que la démobilisation soit préparée sans attendre. Il charge le général Mordacq et le chef d’état-major de l’armée, le général Alby – un « brave mais bien pauvre homme » – de préparer cette grande manœuvre dans les moindres détails. Elle débute avec la mise en congé illimité des classes les plus anciennes tout en se révélant tout aussi rapidement comme extrêmement complexe. Cette cadence trop lente ne peut convenir ni à l’opinion publique, ni aux soldats qui manifestent parfois violemment leur mécontentement. De nombreux Français s’en plaignent également auprès des parlementaires qui pressent Clemenceau d’agir. Mais le président du Conseil et ministre de la Guerre n’a pas le temps de se préoccuper d’une telle question, ni de répondre aux parlementaires. Il crée à la fin de l’année un SSE à la démobilisation, poste confié au député d’Ille-et-Vilaine Louis Deschamps, « enclin de se mêler d’une affaire du ressort de l’E.M.A., sans aucune plus-value. » Le nouveau SSE, harcelé par la commission de l’Armée de la Chambre qui se plaint de n’avoir reçu aucun programme du gouvernement sur les modalités de cette démobilisation très attendue, s’agite inutilement ! La situation, grave pour les soldats, est encore plus dramatique pour le matériel, stockés un peu partout et gérés par d’anciens soldats démobilisés qui ne s’y retrouvent pas (Denis, 1968).
De son côté, le G.Q.G., sans attendre, lance de nombreuses études relatives à la sortie de guerre afin de ne pas être surpris par les décisions de l’administration centrale. Mais rien n’est simple face à des soldats « qui s’exaspèrent d’être ramenés à la vie de caserne avec des exercices et des exigences de chefs sans expérience psychologique » (Buat, 2015). Rapidement, il s’avère que les instructions de Paris sur la démobilisation se succèdent sans grande cohérence entre les SSE, les directions, les services et les bureaux, donnant une image déplorable de l’E.M.A. Par à côté, le G.Q.G. travaille dès décembre 1918 à préparer et à organiser l’armée du futur pour éviter qu’elle « ait un caractère doctrinal ». Seul défaut de la méthode, personne n’est en mesure de pronostiquer les décisions politiques à venir en particulier sur le nombre de grandes unités indispensables en temps de paix, point de départ à de nombreux textes de loi : loi sur les engagements et les rengagements, sur le recrutement, sur les cadres, sur les officiers de complément, sur l’instruction, la mobilisation.... Finalement, si le plan d’occupation des armées alliées est fidèlement respecté, l’organisation de la Défense nationale est bouleversée sans véritable ligne directrice, au point que le maréchal Foch demande à Clemenceau, le 20 décembre, d’abandonner le ministère de la Guerre qui part à « vau-l’eau » pour se concentrer sur la présidence du Conseil. Le refus est catégorique et Clemenceau, dès le lendemain, demande à Pétain d’accélérer la démobilisation (25). Un mois plus tard, le 19 janvier 1919, la conférence de la paix s’ouvre ; dès lors, Clemenceau se consacre uniquement aux discussions, avec deux grandes questions, outre la récupération de l’Alsace-Lorraine déjà réalisée, « celles de la sécurité et des réparations » (Becker, Berstein, 1990). Face aux désappointements qui surgissent çà et là, il ne manque pas de rappeler aux généraux victorieux que tout cela « ne les regardait pas » et qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter des conséquences politiques de la paix à venir.Alors que le président Wilson insiste sur le respect absolu de l’armistice conclu avec l’Allemagne et que la signature de la paix approche, les forces françaises sont confrontées à un double défi ; elles doivent à la fois se positionner dans leurs nouvelles zones de stationnement, y compris dans les provinces rhénanes, et à la démobilisation, suspendue momentanément en avril 1919. Pourtant, elles se révèlent vite incapables de marcher sur Berlin le cas échéant. Cette imprévoyance politique conduit George Clemenceau à reconnaître, le 25 juin 1919, qu’il ne fallait pas que « les résultats de la guerre nous échappent par notre faiblesse. »
Conclusion
À l’issue de son échec à la course à la présidence de la République au cours de laquelle les parlementaires lui préfèrent Paul Deschanel, Georges Clemenceau, amer, démissionne de ses fonctions le 20 janvier 1920 et se retire de la vie politique. C’est le député radical-socialiste des Bouches-du-Rhône André Lefevre qui lui succède au sein de gouvernement Millerand.Comme le souligne Claude Carré, « retracer le fonctionnement du ministère de la Guerre sous la direction de Georges Clemenceau durant cette période se révèle très complexe, tant les actions menées comme ministre de la Guerre sont indissociables de celles conduites par le président du Conseil. Particulièrement actif, le journaliste et opposant s’est transformé, dès sa nomination, en chef politique et militaire responsable, en homme d’action. Craint et habitué à être obéi, ce démocrate passionné et convaincu s’est emparé des problèmes à bras le corps, avec un seul objectif, la victoire. Omniprésent, il réussit, grâce à son habilité politique, à marginaliser le président Poincaré, « renvoyé à ses chères études et à ses fonctions cérémonielles » (Valance, 2017).
Le jour même de l’armistice, Clemenceau confie au général Mordacq, « nous avons gagné la guerre et non sans peine ; maintenant, il va falloir gagner la paix et ce sera le plus difficile » (Monnerville, 1968), car les Français attendent de ce conflit les dividendes qu’ils estiment alors mériter. Finalement, les parlementaires l’évincent, lui reprochant ces quinze mois consacrés davantage aux négociations de paix avec les alliés et les vaincus qu’à la conduite des affaires du pays. Malgré tout, il n’en demeure pas moins que Clemenceau mérite amplement son surnom de « Père la Victoire », même si les avertissements de Poincaré, opposé à la signature trop rapide d’un armistice et à une paix de compromis, n’ont pas manqué de se rappeler à lui quand le Congrès américain a refusé, le 20 mars 1920, de ratifier le traité de Versailles.
(1) Affaires Malvy et Caillaux, procès Bolo-Pacha et Almeyrada…
(2) C’est à la demande d’Aristide Briand qu’un Comité d’études sur tous les sujets intéressants la future conférence de la Paix est créé en février 1917 et placé sous la présidence de Ernest Lavisse. Fort de 33 membres, il va se réunir 47 fois entre le 28 février 1917 et le 2 juin 1919, avec pour mission d’examiner « les diverses solutions qui compteraient dans l’hypothèse considérée comme certaine d’une paix victorieuse. » Il ne comprendra qu’un seul militaire, le général de division Bourgeois, chef du Service géographique de l’Armée et futur président de la Commission de géographie de la Conférence de la Paix.
(3) Aux dires de Clemenceau, l’armée roumaine est dans une situation intenable, le gouvernement local n’ayant qu’une idée en tête, conclure une paix séparée et ainsi lâcher la coalition. Il considère donc l’armée roumaine comme perdue.
(4) En janvier 1918, le G.Q.G. supprime deux D.I., remplacées par deux D.C. démontées et constituées avec six régiments de cuirassiers à pied. Il constitue également quatre régiments de Tirailleurs dont il accélère l’instruction en espérant pouvoir les engager rapidement.
(5) Du 1er janvier au 20 septembre 1917, 238 000 hommes ont été « retirés de l’armée », principalement des agriculteurs et des spécialistes destinés aux usines de guerre, entrainant en quelques mois la suppression de 19 bataillons actifs et de plus de 100 bataillons territoriaux.
(6) La situation dépasse largement le seul aspect comptable puisqu’en février 1918, les conditions pour accueillir des centaines de milliers de travailleurs ne sont pas réunies : baraquements, alimentation, moyens d’action et outillage, encadrement…
(7) Si l’Indochine reste la colonie en état de fournir le plus gros contingent, les problèmes de transport et de ravitaillement s’avèrent trop complexes. Les ministères de la Marine et des Transports ont confirmé au président du Conseil que « transporter environ 5 à 6 000 tirailleurs, c’est arrêter le ravitaillement de Paris sur un mois et demi. »
(8) Mécontent de cette décision qui risque de provoquer un exode des populations, Joost van Vollenhoven démissionne le 17 janvier 1918 avant de rejoindre, avec le grade de capitaine, le R.I.C.M. Blessé mortellement le 19 juillet à la tête de sa compagnie, il décède le lendemain.(9) Le recrutement décrété en octobre 1915 et qui atteint 51 913 hommes six mois plus tard, a débouché sur des troubles graves au cours desquels l’administration coloniale, en partie responsable, s’est heurtée à la volonté des tribus de reprendre leur autonomie.
(10) Il est à noter qu’en juin 1918, l’état-major américain, « qui dispose de grosses ressources en hommes de couleur » se préoccupe de leur utilisation. Il demande un certain nombre de renseignements au haut commandement français sur l’emploi, les qualités et les défauts des soldats originaires de l’Empire, en particulier de l’A.O.F. et de l’A.E.F.
(11) Fondée par Ahmadou Bamba dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la confrérie Mouride est alors particulièrement bien implantée au Sénégal où elle lutte contre le prosélytisme des missionnaires français, tout en adoptant à l’époque une attitude relativement soumise vis-à-vis du pouvoir colonial.
(12) La défaite de Caporetto a amené la débandade de 200 000 hommes de la 2e armée italienne, dont seuls 24 bataillons, au 7 novembre, sont encore en état de combattre.
(13) S’il reste en Grande-Bretagne au 23 avril, d’après les études du ministère de la Guerre, près d’un million et demi d’hommes, dont 900 000 dans les dépôts, bien peu sont classés en catégorie A (sur les quatre que compte l’armée anglaise), c’est-à-dire « apte sans restriction au service. » Les Français proposent de modifier ce classement, le Premier ministre britannique acceptant du bout des lèvres qu’un officier désigné par le président du Conseil vienne à Londres pour « nous montrer comment nous pouvons trouver des hommes. »
(14) Le 11 août 1918, les autorités catholiques irlandaises en appellent au gouvernement Français, via le cardinal archevêque de Paris. Elles demandent que les Irlandais, qui vivent en état de siège, obtiennent l’engagement formel des Britanniques d’accorder des « laissez-passer » à tous ceux souhaitant s’engager comme volontaires pour combattre en France, sans s’opposer à leur libre circulation !
(15) Les Britanniques sont du même avis. Il est d’ailleurs très intéressant d’étudier les différents rapports des autorités militaires françaises et anglaises sur la valeur, plus que douteuse, des divisions américaines et leur capacité à être employées rapidement sur le front !
(16) Les services du ministère de la Guerre estime que les armées alliées devront faire face, en 1919, à 240 divisions allemandes. Afin de conserver une supériorité numérique, il s’avère nécessaire de disposer sur le front en juillet 1919, d’un minimum de 80 divisions américaines.(17) Pour sa première intervention, le général Pershing accepte d’intégrer la 1er D.I.U.S. au 7e C.A. et de la placer sous les ordres du général de Bazelaire. Elle sert ainsi de laboratoire au corps expéditionnaire américain mais les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des espérances. En octobre 1918, le général Buat souligne le mauvais état de l’armée US et ses nombreux dysfonctionnements qui poussent le maréchal Foch à tenter une nouvelle fois de créer en Argonne et dans la Meuse, deux armées franco-américaines.
(18) La production nationale et dans l’Empire est alors insignifiante avec un total de 221 000 tonnes d’huile de schiste et 13 300 tonnes de pétrole.
(19) Le G.Q.G. demande à pouvoir disposer d’une réserve intangible de 44 000 tonnes, destinée à parer les besoins exceptionnels des armées pendant une période continue d’opérations intensives.
(20) À cette date, les Américains ont commencé à importer en France « des essences pour leurs besoins propres », dont les stocks s’établissent fin décembre à 18 000 tonnes. Des contacts informels entre autorités militaires ont d’ores et déjà permis de confirmer, le cas échéant, la mise à disposition de ces réserves au commandant en chef, « de manière à assurer la continuité des opérations ».
(21) En 1914, la flotte française comptait 14 tankers de 3 000 à 6 000 tonnes, sous pavillon britannique pour échapper à l’inscription maritime, et donc réquisitionnés par la Grande-Bretagne au début des hostilités pour être mis à disposition de la Royale. En 1917, la guerre sous-marine à outrance déclenchée par l’Allemagne met en péril les approvisionnements, avec 14 tankers coulés ou endommagés.
(22) Le général Pétain se plaint, entre autres, de ne rien connaître de la répartition des attributions entre le SSE à l’Aéronautique et le ministère de l’Armement, chargé des fabrications.
(23) En juin 1918, les autorités américaines demandent que leurs pilotes déjà formés soient utilisés par les escadrilles françaises, au lieu « de rouiller en attendant la livraison de leur matériel. »
(24) Les circulaires de décembre 1917 rappellent les limites d’âge des généraux et colonels tout en précisant que les ceux qui ne disposent plus de la « vigueur physique et intellectuelle » nécessaires aux circonstances, sont remis à disposition du ministre pour être employé à l’Intérieur.
(25) Au 31 mars, c’est plus de 60 divisions qui auront disparu de l’ordre de bataille.
Sources et bibliographie :
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Ils sont sept ministres à s’être succédés entre 1914 et 1918 au ministère de la Guerre : quatre parlementaires et trois militaires. Adolphe Messimy, Alexandre Millerand et Paul Painlevé ont concentré, souvent avec injustice et une certaine mauvaise foi, toutes les critiques à la fois politiques, journalistiques et militaires. De leur côté, Gallieni, Roques et Lyautey ont finalement généré assez peu de remarques désobligeantes durant leur passage rue Saint-Dominique. Il reste alors à revenir sur la gouvernance de Georges Clemenceau qui a remporté tous les suffrages. Mais qu’en a-t-il été exactement de l’apport du Père la Victoire sur l’administration du ministère et la conduite de la Guerre ?
Le général Mordacq, l’Ours dans l’ombre du Tigre
Né en 1868 à Clermont-Ferrand, Jean Mordacq intègre l’École militaire de Saint-Cyr en 1887 en tant qu’élève boursier. De la promotion « de Tombouctou » – dont sont issus les généraux Mangin, Lacapelle ou encore Messimy – il rejoint deux ans plus tard le 2e Régiment de Zouaves. En 1893, il est muté au 1er Régiment Étranger d’Infanterie avec lequel il sert brillamment en Indo-chine, successivement sous les ordres du lieutenant-colonel Lyautey et du colonel Gallieni. De retour en métropole trois ans plus tard, il réussit le concours de l’ESG en 1898. En 1900, le capitaine Mordacq est muté à l’état-major du 1er C.A. à Lille avant d’être affecté au 103e R.I., rattaché à l’état-major de la 10e Division d’infanterie.Chef d’état-major de la 10e D.I. sous les ordres du général Picquart en octobre 1906, il suit ce dernier au ministère de la Guerre où il ne tarde pas à se faire connaître, en particulier grâce aux différents sujets d’ordre militaire qu’il aborde dans de nombreuses publications. Un an plus tard, le chef de bataillon Mordacq prend le commandement du 25e B.Ch;, tout en continuant à publier ses réflexions sur l’évolution de l’armée française. Chef de cours de stratégie à l’E.S.G. à compter de septembre 1909, il passe au ministère de la Guerre dès 1910 avant de prendre les fonctions de commandant en second l’École militaire de Saint-Cyr, en tant que lieutenant-colonel.Le début de la Grande Guerre le trouve comme C.E.M. du 1er Groupe de divisions de réserve, sous les ordres du général Archinard. Fin août 1914, il prend le commandement du 159e R.I. avant d’être promu au grade de colonel à titre temporaire, commandant la 88e Brigade Alpine qui relève du 33e C.A., sous les ordres d’un certain Philippe Pétain ! Blessé le 8 novembre, il se voit confier, à l’issue de sa convalescence, la mission d’inspecter les dépôts du Midi, à la recherche des embusqués. Le 17 mars 1915, il prend la tête de la 90e Brigade d’Afrique avant d’être promu, en janvier de l’année suivante, général de brigade, commandant par intérim la 24e D.I. Le 16 novembre 1916, il reçoit sa troisième étoile avant d’être placé, à sa grande surprise, au poste crucial de chef du cabinet militaire du nouveau ministre de la Guerre.Titulaire de cinq citations et de trois blessures de guerre, Mordacq est alors un officier à la réputation bien établie, connu des milieux politiques et de nombreux chefs militaires. Intelligent et travailleur, d’un tempérament particulièrement fort, il devient la pièce maîtresse de Clemenceau au ministère de la Guerre, œuvrant inlassablement à aider le Tigre dans sa lutte contre l’Allemagne.
La gestation difficile des Sous-Secrétariat d’État. À la recherche de l’organisation idoine !
À l’entrée en Guerre, le ministère de la Guerre compte un Sous-Secrétariat d’État créé en juin 1914, confié au député Jean-Octave Lauraine, qui disparaît très vite lors du remaniement du 26 août, Millerand ayant décidé d’assumer seul la direction de son département. Mais assez peu préparée à assumer l’état de guerre, comme cela a été souligné par le ministre Messimy, et sourde aux conseils de tout ce qui ne porte pas l’uniforme, l’administration du ministère laisse vite apparaître de graves lacunes. Elles débouchent sur des « fautes graves », alors que le gouvernement s’interdit la moindre autorité dans la zone des opérations. Finalement, sous la pression des parlementaires qui se refusent à mettre en cause « l’intelligence, la bonne volonté et la probité des fonctionnaires », le président du Conseil Viviani décide d’imposer un changement de méthode pour « tirer raison des incapacités et des défaillances, secouer la nonchalance des bureaux [et] mettre les compétences à leur place. »C’est ainsi que par le décret du 18 mars 1915, il nomme le député socialiste de la Seine Albert Thomas à la tête de la 3e direction du ministère de la Guerre (Artillerie et équipages militaires), avec rang et titre de Sous-Secrétaire d’État. Face à l’importance croissante de l’artillerie, Thomas reçoit pour mission d’assurer « une surveillance détaillée des ordres ministériels » au sein des différentes branches placées chacune sous « l’autorité particulière d’un technicien. » Deux mois et demi plus tard, le 1er juillet 1915, devant les résultats probants obtenus cumulés aux nouvelles exigences des parlementaires, deux nouveaux SSE apparaissent ; le député des Bouches-du-Rhône Joseph Thierry est nommé à la tête de la 5e Direction (Intendance militaire) du ministère de la Guerre, chargé du ravitaillement des armées et des places, alors que Lucien Godard, député de Lyon, prend la tête de la 7e direction (Service de santé militaire), fonction qu’il conservera jusqu’au 5 février 1918. Ils permettent alors au ministre de la Guerre de « faire face plus facilement à ses obligations », en particulier dans le cadre de ses déplacements réguliers sur le territoire national « pour visiter les manufactures et usines de l’intérieur, ainsi que pour procéder à des visites sur le front. »Il faut néanmoins attendre le 18 juillet 1915 pour que les responsabilités de ces trois SSE soient définitivement fixées, en leur attribuant « la plus large initiative et les pouvoirs les plus étendus » :
À la ligne à chaque “Le SSE”
Le SSE de l’artillerie et des munitions, par délégation permanente du ministre, dirige les services de l’artillerie et des équipages militaires. Il est en outre chargé d’assurer la constitution des approvisionnements de poudres et d’explosifs de toutes natures, ainsi que des munitions spéciales de la direction du génie et de la direction de l’aéronautique.
Le SSE au ravitaillement et à l’intendance, par délégation permanente du ministre, dirige les services du ravitaillement des armées, des, des vivres, du fourrage, du chauffage et de l’éclairage, de l’habillement, du campement et du couchage.
Le SSE du service de santé militaire, par délégation permanente du ministre, dirige le service de santé militaire.Grâce aux crédits accordés et aux personnels technique et administratif mis à disposition, chaque SSE est chargé de pourvoir à tous les besoins des armées et du territoire en matériels et approvisionnements ressortissants de ses attributions, soit par des achats, soit par des fabrications de l’État, soit en ayant recours à l’industrie privée.Enfin, le 15 septembre 1915, le député René Besnard, rapporteur du budget de la Guerre, est nommé SSE de l’aéronautique militaire (12e direction). Malgré les exigences du général Gallieni, nouveau ministre de la Guerre dans le gouvernement Briand 5 du 29 octobre 1915, les quatre SSE sont maintenus. Mais en janvier 1916, les commissions de l’Armée s’interroge sur la valeur du système mis en place et sur la plus-value apportée par ces excroissances du ministère de la Guerre. Les parlementaires se félicitent tout d’abord de la nomination à la tête de ces services défectueux, « d’hommes nouveaux, énergiques, aux vues claires, larges et pratiques », ayant la volonté « dans la méthode et le goût de l’action. » Ils n’élèvent bien évidemment aucun doute sur « l’intensité, la valeur et l’effort réalisé au ministère de la Guerre dans son ensemble », mais ne manquent pas de dénoncer un certain nombre de dérives :
À la ligne à chaque tiret
- Les coûts d’installation et de fonctionnement pour les finances publiques de ces SSE, soulignés par le ministère éponyme ;- L’alourdissement de la machine administrative du ministère de la Guerre, « déjà bien lente à se mouvoir », par la superposition d’échelons hiérarchiques supplémentaires et l’excès de rouages, y compris et surtout au sein des SSE ;- L’indépendance progressive acquise par les SS, qui nuit grandement à l’unité de direction ;- La dualité des missions ;- L’accroissement de la paperasserie ;- Un cloisonnement abusif des différents services, très soucieux de leurs prérogatives ;Les commissions de l’Armée suggèrent alors de ne plus multiplier les SSE et d’inciter le ministre de la Guerre, « pleinement et entièrement responsable », à assurer personnellement la liaison entre les quatre SSE, ainsi que leur propre coopération avec les autres services de l’administration centrale. Il s’avère donc urgent de limiter leur autonomie administrative en les tenant vigoureusement en main, tout en s’assurant que les différentes directions ne se consacrent qu’à leur domaine sans aller empiéter chez les uns et les autres. Pour les parlementaires, c’est une des priorités du gouvernement qui, exerçant la souveraineté de la Nation et responsable devant elle, a le devoir de « tout voir et tout contrôler », qu’il s’agisse des opérations militaires ou de tout ce qui doit en assurer le soutien.Dans leurs conclusions, les élus insistent pour que le Parlement mette à la disposition des SSE les crédits nécessaires, et ce malgré les réticences du ministère des Finances. Ils rappellent également au ministre de la Guerre sa responsabilité et l’engagent à redresser ou à perfectionner son administration pour ne pas « que nos ennemis [comptent], parmi leurs chances de succès, sur la défaillance de nos institutions. »Nul doute que Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre, a lu avec attention ces différents rapports avant de s’employer à les mettre en œuvre ! À peine nommé, il créé ou supprime, au fil des mois, jusqu’à 16 SSE, dont quatre directement subordonnés au ministère de la Guerre :
À la ligne à chaque “Le SSE”
Le SSE aux effectifs militaires et aux pensions, confié à Léon Abrami, député de Boulogne-sur-Mer ;
Le SSE au service de santé militaire, confié à Justin Godard jusqu’au 5 février 1918, puis à Louis Mourier, député radical du Gard ;Le SSE à l’aéronautique militaire et maritime, dont le titulaire est le député radical de Seine-et-Marne Jacques-Louis Dumesnil ;
Le SSE à la justice militaire, sous la direction du député de la Seine Edouard Ignace.À la fin de la guerre, Clemenceau nommera le 6 décembre 1918, Louis Deschamps, député de la Gauche radicale, SSE à la démobilisation.D’après le général Mordacq, le principal inconvénient de ces « organes parasitaires » réside dans « leur tendance naturelle à se soustraire l’autorité du ministère », obligeant de fait le chef de cabinet à rappeler à l’ordre les titulaires, sans que cela, d’après ses écrits, n’altère durablement la bonne qualité des relations de travail, impérative dans un contexte aussi critique.
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