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Jean-François Legaret :« immortelle Commission du Vieux Paris ! »

Depuis 1897, la Commission du Vieux Paris est le dernier rempart, face aux appétits des promoteurs, et aux délires architecturaux de certains élus… Sous l’ère Delanoë, elle s’est très souvent opposée au projet de démolition de la mairie, reprochant à la ville le délabrement de ses églises, et le peu de soin accordé à l’architecture ancienne… L’adjointe à l’urbanisme devenue maire, avait décidée – si l’on en croit Le Canard Enchainé – de tordre le cou à la Commission. Le Conseil de Paris, heureusement, ne suivit pas… Il y a un an, Anne Hidalgo rendait les armes et nommait un membre de l’opposition, Jean-François Legaret, à la présidence de la Commission du Vieux Paris…

Propos recueillis par Jean-François Coulomb des Arts



« Jean-François Legaret, la Commission du Vieux Paris et vous, c’est une vieille histoire…

J’étais – jusqu’aux dernières élections – l’élu le plus ancien à siéger… Il faut savoir qu’il y a plusieurs collèges qui la composent, des historiens, des architectes, des universitaires, et puis un collège d’élus, désignés à la représentation proportionnelle par les groupes politiques. J’y siège depuis une vingtaine d’années, et j’ai toujours été assidu, j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à suivre tous ses travaux. C’est une commission qui, par son ancienneté, est identifiée, reconnue et respectée. Je dirais même qu’elle est, dans une large mesure, redoutée par les architectes, les promoteurs… Presque un paradoxe, puisque son rôle n’est que consultatif ; mais la qualité des avis rendus, la qualité des cinquante-cinq membres qui la composent, l’expertise et les fiches qui sont présentées à la Commission du Vieux Paris sont toujours extrêmement bien documentées, bref c’est un travail passionnant !


Un travail, qui parfois « dérange » les politiques ?

Cette commission, elle a eu parfois des problèmes d’identité, vis-à-vis de l’exécutif parisien… Chirac, lui, avait pour habitude de respecter les avis de la Commission, d’abord parce qu’il avait beaucoup d’admiration pour Michel Fleury, qui était le secrétaire général puis président, qui faisait à la fois les questions et les réponses, avec un talent tout à fait exceptionnel, et une très grande connaissance du patrimoine parisien. Tiberi, ensuite a respecté – lui aussi – les avis de la Commission. Avec Delanoë, les choses ont été un peu plus compliquées… D’abord il avait changé le statut des membres de la Commission. Avant 2001, les membres – en dehors du collège des élus – étaient nommés à vie, comme les académiciens. Un gage d’indépendance ! Delanoë a décidé que ces pratiques étaient d’un autre temps alors, en 2001, il a renouvelé tous les membres de la Commission, nommés pour la durée d’une mandature. Sous le premier mandat d’Hidalgo, c’est Bernard Gaudillère, ancien adjoint aux Finances, qui l’a présidée. Il l’a fait avec beaucoup de qualité, il a su faire respecter la Commission, et a rétabli des pratiques qui avait été un peu oubliées du temps de Delanoë, par exemple faire chaque année un bilan de ses travaux, présenté au Conseil de Paris. Dans ce bilan, la pièce maîtresse c’est un tableau des vœux émis par la Commission. C’est-à-dire les vœux suivis des faits, pas respectés, etc. Nos avis sont consultatifs ; cela ne nous a pas empêché de faire évoluer les termes. Les vœux sont désormais des résolutions, cela a un caractère plus volontaire ! Et j’ai bien l’intention de continuer à produire un bilan annuel de la Commission du Vieux Paris pour que l’exécutif parisien puisse débattre.


Jean-François Legaret, vous souhaitez être quel président ?

Ce qui compte, c’est la Commission, sa qualité, son âme, les gens qui la composent. Je veux être un président qui lui permette de s’exprimer, d’élargir son périmètre d’investigations et de recommandations. J’ai reçu une feuille de route du maire de Paris, qui renforce le rôle de la Commission de manière indiscutable ! La Commission peut désormais se saisir de tout sujet qui lui paraît digne d’intérêt ; de plus, madame Hidalgo souhaite que la Commission ne s’intéresse pas uniquement au patrimoine bâti, mais qu’elle puisse donner ses recommandations sur la végétalisation, sur l’isolation thermique, sur l’espace public, autant de nouveaux sujets passionnants pour les gens qui composent la Commission. C’est novateur, et je compte vraiment m’inscrire dans ce nouveau champ d’action proposé par le maire. Paris a beaucoup changé, s’est transformé. Regardez l’ouverture à de nouveaux modes de déplacement : cela ne se fait pas sans transformation du paysage urbain… Personnellement les plots en plastique jaune dans la perspective, de l’avenue de l’Opéra, ou de la rue de Rivoli je trouve que cela détériore la qualité du paysage urbain parisien… Il faut faire preuve d’imagination, et si la Commission peut donner son avis dans ce domaine, on aura effectué un travail utile.


Commission : mode d’emploi ?

D’abord, il y a le service de la Direction des affaires culturelles de la Ville (DAC) qui est mis à la disposition de la Commission, et qui effectue un travail de présélection des dossiers. Nous examinons les permis de démolir, qui ont été déposés à la direction des permis de construire, et à la direction de l’urbanisme. Il y en a 1 700 par an ! Il est évident que nous ne faisons pas débat sur les 1 700 sujets… Le premier travail consiste à sélectionner les dossiers sur lesquels on a identifié des menaces réelles et lourdes pour des éléments du patrimoine. Lorsqu’un dossier est inscrit à l’ordre du jour, le service de la DAC a fait un travail de recherche, grâce à sa documentation d’une richesse incroyable. Elle a ce que l’on appelle le casier photographique de la Commission du Vieux Paris, dans lequel on peut naturellement puiser, et que l’on peut compléter avec les documents de la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Quand on a une fiche sur un immeuble, les cartographies anciennes, les plans du parcellaire anciens, les photographies ou les gravures, c’est passionnant ! C’est un travail de recherche d’une qualité exceptionnelle. C’est ce qui fait l’intérêt de cette Commission : on est sur une base scientifique de recherche historique, urbanistique, et architecturale a nulle autre pareille !


Quels dossiers trouve-t-on sur votre bureau ?

Cela peut être des sujets très emblématiques, telle la gare du Nord. Le projet de la SNCF est très loin d’être validé par la Commission. Il y a quand même des actes de destructions, et des ajouts qui sont très lourds sur une gare qui est quand même reconnue unanimement comme étant la plus belle gare de Paris. On va examiner les abords de la tour Eiffel et du Champ de Mars, pour rétablir les bassins, les jardins qui faisaient partie de la conception de Gustave Eiffel. Cela peut être aussi des aspects du patrimoine pas suffisamment suivis. Je pense aux décors intérieurs : il y a une époque où, malheureusement, on cassait systématiquement, les cheminées, les lambris, etc. Eh bien, quand ces éléments signés par des architectes importants, font partie de la conception d’ensemble d’un bâti, ils méritent d’être sauvés. Cela peut être par exemple des escaliers qui, par leur qualité, leur élégance, doivent être sauvegardés. On a même eu des membres de la Commission qui se sont intéressés aux caves. Sous beaucoup d’immeubles haussmanniens, on tombe sur des caves dont l’origine remonte au Moyen Âge. Aujourd’hui, rue de Rivoli, près de la Samaritaine, ou boulevard de Sébastopol, quand des grandes enseignes commerciales veulent aménager des zones de stockage en sous-sol, cela menace des éléments sur lesquels la Commission a émis des recommandations assez directives : ne touchez pas ! Cela fait partie des strates historiques de l’origine de Paris. C’est un travail d’experts, d’architectes, d’historiens, d’urbanistes qui ont un œil très aigu.


La mairie de Paris respecte vos avis ?

Oui ! On a une reprise de nos recommandations… Quand j’étais maire du 1er arrondissement, je rencontrais des promoteurs, des architectes qui tremblaient en attendant l’avis de la Commission du Vieux Paris sur leur projet… Cette institution, c’est un petit trésor, c’est-à-dire la connaissance, l’amour de Paris, et cette extraordinaire rigueur scientifique et historique dans les résolutions qu’elle donne, et qui… sont toujours redoutés ! »

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