Créé au début du XVIIIe siècle au nord-ouest de Paris et à proximité de ses faubourgs, le chemin des princes, aujourd’hui disparu, permettait de contourner la ville. Mais, c’est un événement survenu en 1750 qui lui a conféré son surnom de « route de la Révolte ». Une émeute d’une ampleur inattendue, en plein cœur de Paris, conduit le roi Louis XV à prendre la décision d’aménager ce chemin et de le rendre carrossable afin de ne plus avoir à traverser la ville lors de ses trajets entre Versailles et Saint-Denis.
Mathieu Geagea
En ce milieu du xviiie siècle, jamais, en France, le nombre d’enfants abandonnés n’a alors été aussi élevé. À Paris, l’hôpital des Enfants-Trouvés, fondé en 1638, accueille à lui tout seul, chaque année, plusieurs milliers d’enfants abandonnés. Dans les premiers jours du mois de mai 1750, une rumeur commence à se répandre dans Paris selon laquelle des filles ou garçons, dès l’âge de cinq ou six ans, seraient enlevés par des bourgeois.
L'événement déclencheur
Le 16 mai 1750, un événement met le feu aux poudres. Dans la rue des Nonnains-d’Hyères, située dans l’actuel 4e arrondissement, un officier de police conduit au poste un enfant ayant commis un larcin. Non sans se débattre et crier, le garçonnet est jeté dans un fiacre qui part aussitôt. La mère de l’enfant, éplorée, ameute tout le quartier et, bientôt, un attroupement important se forme dans la rue, majoritairement composé d’artisans et de commerçants en colère. « Cette sorte d’enlèvement, qui blesse la nature et le droit des gens, a révolté le peuple avec raison » écrit le mémoraliste Edmond Jean François Barbier dans son ouvrage Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV : « Comme on ne sait jamais au juste les choses qui se passent, les uns disent qu’on voulait enlever l’enfant d’un artisan des bras de sa mère qui le conduisait ; d’autres qu’on en avait déjà mis plusieurs dans le fiacre, et que le peuple voulant les tirer du fiacre avec violence, il y en aurait eu deux d’étouffés. » L’émeute qui en découle se répand alors dans tout le quartier Saint-Antoine et prend pour cible les archers (agents de police sous l’Ancien régime). Poursuivis jusque dans les maisons, certains d’entre eux seront maltraités et estropiés.
En fin de journée, le calme revient. Il ne sera que temporaire car, dans les jours suivants, et tandis que d’autres enfants auraient disparu à leur tour, les rumeurs les plus folles circulent aux quatre coins de Paris, mettant en cause les vampires et la sorcellerie. Le bruit se répand également que le roi Louis XV en personne ferait enlever des enfants pour les sacrifier, de telle façon à ce que leur sang soit utilisé pour composer des bains dans lesquels le monarque et ses courtisans retrouveraient leurs forces épuisées par la débauche. Plus rarement, il est fait état d’un prince lépreux car, selon une opinion bien établie dans la population, les malades attaqués de la lèpre ne peuvent guérir qu’en prenant un « bain de sang d’innocents ». « L’abominable fable des bains de sang est inventée, se répand, devient la croyance de la multitude, exalte sa colère » explique Alexis de Tocqueville dans son Histoire philosophique du règne de Louis XV. En réalité, ces rapts sont le fait de policiers aidés de « rabatteurs » habillés de noir, appelés « mouches ». La raison en est que l’armée a besoin de jeunes recrues et les terres de la Nouvelle-France de bras pour les exploiter. « Indépendamment de ce qu’on peut prendre d’enfants dans les hôpitaux, on a donné des ordres secrets d’enlever tous les petits vagabonds libertins qui jouent dans les carrefours et sur les ports. Comme il y a effectivement nombre d’enfants de cette espèce, on a promis une certaine récompense aux archers et mouches qui savent rôder dans Paris, pour chaque enfant des deux sexes. […] Tous ces archers et agents […], pour gagner la rétribution promise que l’on dit être de quinze livres et même plus pour chaque enfant, ont cherché à attraper par finesse, caresse et autrement, toutes sortes d’enfants, garçons et filles, dans la ville, indistinctement, même en présence de leur père ou mère, dans les rues ou au sortir des églises » précise Edmond-Jean-François Barbier. Il arrivait également que des agents de police abusent de leur pouvoir pour rançonner des familles démunies en échange du retour de leurs enfants.
Une brutale insurrection populaire
Le 22 mai, une émeute éclate dans différents quartiers de Paris, notamment à la porte Saint-Denis, dans la rue de Cléry ou encore au carrefour de la Croix-Rouge (actuelle place Michel Debré située dans le 6e arrondissement). En ces divers endroits, les archers sont pris pour cible, violentés par des Parisiens fous de rage. Leurs domiciles sont souvent saccagés. Lorsque certains se réfugient dans des boutiques, ils sont impitoyablement pourchassés jusqu’à l’intérieur de celles-ci. Des commerces sont pillés, des carrosses contraints de s’arrêter pour que les émeutiers s’assurent que ne se trouvent pas à l’intérieur des enfants enlevés. Dans le faubourg Saint-Germain, à la porte Saint-Denis et dans les rues adjacentes, les boutiques sont fermées par précaution. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que la situation s’apaise. Au terme de cette journée de troubles, plusieurs archers auraient été tués. Deux corps ont été portés à la morgue du Châtelet.
Dès le lendemain, le 23 mai, l’agitation reprend depuis la butte Saint-Roch (aujourd’hui disparue et non loin de l’actuelle église Saint-Roch) où, là encore, un enlèvement d’enfant aurait été déjoué de justesse. La population parisienne s’y rend en grand nombre et commence à pourchasser « la mouche » responsable de cette tentative d’enlèvement. L’individu se réfugie alors dans la rue Saint-Honoré. Face à cette nouvelle et violente émeute, les boutiques et les maisons, jusqu’à la rue de la Ferronnerie, se ferment par prudence. Appréhendé, « la mouche » se retrouve livrée à la vindicte populaire. Assommé, molesté, l’homme est ensuite traîné non loin devant l’hôtel de Nicolas-René Berryer, le lieutenant général de police, pour y être lynché. À la suite de projectiles lancés contre les vitres du domicile du lieutenant général de police, plusieurs brigades de policiers à cheval et à pied prennent position pour sécuriser les lieux et éviter que la demeure ne fasse l’objet d’un pillage. Face à l’ampleur inattendue de cette révolte, les gardes françaises et suisses se rassemblent sur la place Vendôme, prêtes à intervenir en cas de besoin.
En début de soirée, les forces de police dispersent les émeutiers et ramènent l’ordre. 2 000 Parisiens se seraient alors portés sur la route de Versailles pour attendre le retour de Nicolas-René Berryer, lequel s’était rendu auprès du roi pour aller prendre ses ordres. Informé du « comité d’accueil » qui l’attendait, le lieutenant-général de police préféra ajourner son retour à Paris.
Le bilan de ces deux journées d’insurrection fait état de quinze à vingt morts aussi bien chez les archers que du côté des insurgés. « Depuis quarante ans, on n’a point vue de pareille sédition. Même dans les années du pain cher, les émotions qu’il y a eu ont été dissipées en peu de temps et plus aisément », constate Barbier.
Contourner Paris pour éviter ses habitants
Instruit de l’émeute qui a ébranlé Paris, de son ampleur et de son bilan humain, Louis XV altère entre consternation et colère. Les rumeurs qui le visent personnellement dans le cadre de ces enlèvements d’enfants lui permettent de mesurer l’étendue de son discrédit. Six années seulement auparavant, la France entière priait pour le rétablissement du roi, tombé gravement malade alors qu’il se trouvait à Metz pendant la guerre de succession d’Autriche. Celui qui, jusqu’alors, était surnommé « le bien-aimé » ne suscite désormais plus que la défiance de ses sujets. D’un autre côté, Louis XV ne peut tolérer un soulèvement populaire qui vise directement les forces de police.
Le 8 juin suivant, le roi et sa suite quittent Versailles pour séjourner au château de Compiègne plusieurs semaines durant. Après avoir passé une nuit au château de la Muette, en bordure du bois de Boulogne, le monarque prend deux décisions surprenantes. C’est, dès l’aube, aux environs de quatre heures du matin, qu’il entend partir pour Compiègne et, de surcroît, en empruntant un trajet inhabituel : le chemin des princes. « Ordinairement, il vient par les remparts de Paris pour gagner la porte Saint-Denis, et messieurs de Ville [les échevins] l’attendent sur son passage. Cette fois-ci, il est sorti du bois de Boulogne par la porte Maillot, pour traverser la plaine et gagner Saint-Denis à travers les terres. Cela a fait tenir des discours : les uns ont dit qu’il n’avait pas passé par Paris par crainte, à cause des dernières émotions populaires ; les autres qu’il avait voulu marquer du mépris au peuple à cause de la sédition », ne manque pas de souligner Barbier. Pendant le trajet, le souverain aurait fait observer à l’un de ses conseillers : « Qu’ai-je besoin de voir un peuple qui m’appelle Hérode ? », en référence au roi de Judée, habitué à prendre ses bains dans le sang de ses jeunes victimes. En raison du motif qui a déterminé ce changement par rapport à l’itinéraire ordinaire, la route suivie par Louis XV, à sa sortie de la porte Maillot, sera bientôt surnommée par les Parisiens « route de la Révolte ». Cette attitude du roi amplifie davantage sa mésentente avec le peuple, tout en contribuant à la désacralisation de la personne royale. Cette route de la Révolte marque le commencement pour Louis XV d’une impopularité qui ne cessera de croître jusqu’à la fin de son règne.
Des condamnations à mort
Le 1er août suivant, le Parlement de Paris instruit le procès se rapportant à l’émeute populaire du mois de mai. Vingt accusés, parmi lesquels plusieurs « mouches », sont présentés devant les magistrats. Pour parer à une affluence du public dans la grand-chambre du Parlement, des archers se sont placés à toutes les issues. Autour du bâtiment, des escouades de policiers à cheval ont pris position, tandis que les gardes françaises et suisses ont également été mobilisées. Le soir même, le jugement rendu par les magistrats condamne trois des accusés à la pendaison. Il s’agit de trois émeutiers issus de milieu modeste, qu’ils soient charbonnier ou brocanteur, condamnés pour avoir usé de violence sur les archers ou pour avoir tenté d’incendier la demeure du lieutenant général de police. Sollicité, le roi n’accordera pas sa grâce. Le 3 août, c’est un dispositif de sécurité imposant qui encadre la place de Grève (actuelle place de l’Hôtel de Ville). Le quartier est en état de siège afin de tenir à distance la foule nombreuse venue assister à l’exécution des trois condamnés. « Le régiment des gardes était commandé, ou du moins par détachements qui étaient postés dans les marchés, […] et qui, en cas de besoin, auraient barré toutes les rues pour empêcher la communication du peuple », est-il mentionné dans le Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV. Contenus par les soldats, les Parisiens implorent la grâce des trois malheureux désignés au gibet, mais ces cris n’empêcheront pas le bourreau d’appliquer son terrible office aux alentours de cinq heures de l’après-midi. Pour éviter d’être débordées, les forces de police vont jusqu’à faire reculer la foule. Renversées les unes sur les autres, certaines personnes seront blessées.
À la tombée de la nuit, l’ordre règne dans Paris, mais l’émotion reste vive, comme le résume bien Barbier : « Telle est la fin de cette malheureuse affaire qui a causé la mort et des blessures à plusieurs personnes, des maisons pillées et ravagées. […] Mais il est vrai de dire que cet événement, qui a fait l’histoire du jour et la conversation de tout Paris, y avait mis une certaine consternation. […] Il est très naturel au peuple de s’opposer à l’enlèvement de ses enfants ou de ceux de ses voisins. Il est certain que ces exécutions ne déshonoreront point la famille de ceux qui ont été pendus. »
Colère et ressentiment
Si le calme est revenu dans Paris, cet épisode du printemps 1750 a laissé des traces profondes. Comme pour mieux en éterniser le souvenir, la route de la Révolte devient le symbole fort et le catalyseur du ressentiment populaire à l’égard de Louis XV. Sur ordre du roi, des travaux sont rapidement entrepris afin de rendre carrossable ce chemin situé entre la Porte Maillot et la localité de Saint-Denis. Pour les Parisiens, cette route de la Révolte leur apparaît comme une démarcation entre leur ville et Versailles. Certains la perçoivent même comme une insulte de la part du roi et le témoignage de son dégoût profond à l’égard du peuple de Paris. Il est vrai qu’à partir de 1750, les visites officielles de Louis XV dans Paris seront parcimonieuses, la plupart pour tenir des lits de justice devant le Parlement. La seule exception survient le 19 septembre 1751 lorsque le roi se rend à la cathédrale Notre-Dame pour assister à un Te deum à l'occasion de la naissance, survenue six jours auparavant, de son petit-fils, le duc de Bourgogne et héritier du trône.
Parce que la méfiance est toujours de rigueur, le roi a cependant jugé opportun de ne pas trop s’exposer à la vue de son peuple, comme le rapporte Barbier : « Le roi est venu par les Champs-Élysées, le quai des Tuileries et du Louvre, le Pont-Neuf, le quai des Orfèvres et le Marché-Neuf. On a trouvé extraordinaire qu’il ne soit point entré par la rue Saint-Honoré, pour se montrer mieux à la ville de Paris. » La plupart des chroniqueurs relèvent l’absence d’acclamations à l’endroit du souverain : « Le roi avait un air triste et sérieux tout le monde s’en est aperçu. […] Peut-être n’était-il pas content de son peuple, quoique l’affluence fut très grande partout. »
Après n’être resté que trois heures à peine dans Paris, le souverain réemprunte le même itinéraire et rejoint le château de la Muette où il passera la nuit. À la suite de quoi, Louis XV demandera l’annulation des grandes festivités organisées dans Paris à l’occasion de la naissance de l’héritier du trône, soit pour ne pas avoir à y assister, soit pour en priver les Parisiens qui, à peine une année auparavant, s’étaient soulevés contre l’ordre établi. Dès lors, la rupture est consommée entre le roi et ses sujets parisiens et, plus largement, entre Paris et Versailles. D’autant qu’à Versailles, les festivités ont bien été maintenues.
Une méfiance persistante
Pour Louis XV, la route des princes est devenue la voie de contournement de Paris qu’il choisit d’emprunter régulièrement pour ses déplacements à Saint-Denis ou ses séjours au château de Compiègne. Il en apporte une nouvelle fois la preuve en mai 1770, au risque de mécontenter encore davantage les Parisiens. Alors qu’il revient de Compiègne où il a accueilli l’archiduchesse d’Autriche Marie-Antoinette, laquelle s’apprête à épouser son petit-fils, le dauphin et futur Louis XVI, le roi décide que les carrosses ne traverseront pas Paris. Ainsi, après une halte à Saint-Denis et une étape au château de la Muette, le cortège gagnera directement Versailles. Les Parisiens se retrouvent ainsi privés du plaisir d’apercevoir et de contempler le visage de la future reine de France. Il leur faudra attendre pas moins de trois longues années pour assister à l’entrée solennelle dans leur ville du couple princier, le 8 juin 1773.
Moins d’un an plus tard, le 10 mai 1774, Louis XV s’éteint à Versailles. L’annonce de sa mort est accueillie dans Paris avec une certaine indifférence, teintée, ci et là, de quelques réjouissances populaires. C’est pourquoi, à l’instar de ce qui s'est produit cinquante-huit ans plus tôt lors de la mort du roi Louis XIV, le cercueil de son arrière-petit-fils quitte nuitamment Versailles. Escorté d’une quarantaine de gardes et de pages, le convoi funèbre de Louis XV emprunte tout naturellement la route de la Révolte pour être inhumé discrètement et en toute hâte à la basilique Saint-Denis, évitant ainsi les manifestations de joie ou les cris hostiles des Parisiens. Malgré cette précaution, des habitants de la bourgade de Clichy-la-Garenne se massent le long des arbres plantés de part et d’autre de cette route qui traverse leur commune pour huer leur ancien monarque. Au passage de la voiture funèbre, quelques voix se font entendre en ces termes : « Taïaut ! Taïaut ! Voyez passer le plaisir des dames ! »
Un an plus tard, en juin 1775, la route de la Révolte est également privilégiée par le roi Louis XVI lorsqu’il se rend à Reims pour son sacre. L’éventualité que le sacre du nouveau souverain soit célébré en la cathédrale Notre-Dame a été très sérieusement envisagée les mois précédents. Une perspective dont se réjouissaient les Parisiens qui auraient, à n’en pas douter, perçu dans cette décision une volonté d’apaisement et de rapprochement de la part du pouvoir royal. Cependant, Louis XVI préfère rester fidèle à la tradition et opte pour la cathédrale de Reims. Après avoir quitté Versailles, le cortège royal rejoint Compiègne en passant par Saint-Denis, sans traverser Paris. Il en sera de même sur le trajet du retour, ce qui tend à laisser penser que, malgré la popularité dont il jouit alors, Louis XVI redoute peut-être le mécontentement des Parisiens.
La mort d’un prince
La route de la Révolte fait parler d’elle une dernière fois, durant le siècle suivant. Le 13 juillet 1842, le prince Ferdinand-Philippe d’Orléans, fils aîné du roi Louis-Philippe, quitte le palais des Tuileries pour visiter ses parents qui passent leur été au château de Neuilly. Accompagné d’un homme de suite et d’un cochet, c’est à bord d’une voiture basse et légère, à quatre roues, une sorte de cabriolet surnommé « demi-Daumont » et dont il a l’habitude de se servir dans ses petits voyages, qu’il prend place. À la sortie de Paris, tandis que l’attelage s’engage sur la route de la Révolte et se rapproche du parc de Neuilly, le prince s’aperçoit que les chevaux se cabrent, puis s’emballent et que le cochet n’en est plus maître. On ne sait ensuite si Ferdinand-Philippe, voyant que le danger devient bien réel, aurait décidé de sauter ou si un choc l’aurait projetté hors de sa voiture.
En tombant, le jeune homme se fracasse le crâne sur les pavés de la chaussée. Inconscient, il est aussitôt transporté dans la maison la plus proche, l’épicerie Cordier, au numéro quatre de la route de la Révolte. Prévenus en hâte, le roi, la reine et leurs enfants se rendent précipitamment au chevet du blessé, lequel, saignant abondamment de la tempe droite, se trouve dans un été désespéré. C’est sur un lit de fortune, dans l’arrière-boutique de l’épicerie, que ce prince âgé de trente-deux ans succombe, trois heures plus tard, des suites d’une congestion cérébrale, sans n’avoir jamais repris conscience ni parlé aux siens.
À la demande de la reine Marie-Amélie, une petite chapelle est élevée dans l’année qui suit à l’emplacement de la maison de l’épicier Cordier. Le roi Louis-Philippe a chargé son ancien ministre et intendant de la liste civile, Camille de Montalivet, d’acquérir les terrains. La demeure dans laquelle s’est éteint le prince est ainsi achetée 110 000 francs avant d’être ensuite détruite. Selon les plans de l’architecte Pierre Fontaine, une chapelle en forme de croix grecque et dans un style néo-byzantin est ainsi élevée sur la route de la Révolte. Le tabernacle de l’autel est situé à l’endroit précis où reposait la tête de Ferdinand-Philippe lorsqu’il expira. Pratiquement un an jour pour jour après le drame, l’archevêque de Paris, Mgr Denys Affre, consacre l’édifice baptisée « Chapelle Saint-Ferdinand », le 11 juillet 1843, en présence de la famille royale.
La disparition de la route de la Révolte
Convaincu que la construction d’une enceinte de fortifications autour de la capitale empêchera Paris de tomber aux mains d’armées étrangères, le roi Louis-Philippe a chargé son président du Conseil, Adolphe Thiers, de lancer ce gigantesque chantier. Englobant la totalité de la capitale, soit près de 80 km2, ponctuée de quatre-vingt-quatorze bastions et percée de cinquante-deux entrées, « l’enceinte de Thiers », telle qu’elle sera surnommée, est érigée rapidement entre 1841 et 1844. La construction de ces fortifications interrompt le tracé direct de la route de la Révolte entre les bastions n°48 et n°51, c’est-à-dire entre la porte Maillot et la porte de la Révolte, nouvellement créée. La route départementale n°11 assure alors sa continuité en contournant l’enceinte fortifiée par l’extérieur.
À partir de 1848, la route de la Révolte disparaît pour laisser place à l’avenue de la porte de Maillot. La porte de la Révolte, quant à elle, ne connaîtra qu’une existence éphémère puisqu’elle sera démolie vers 1864 et remplacée par la porte de Champerret. Un siècle plus tard, au milieu des années 1960, en prévision de la construction du palais des congrès, à la porte Maillot, la chapelle Saint-Ferdinand sera ensuite déplacée d’une centaine de mètres et reconstruite pierre par pierre au n°25 du boulevard Pershing, sur la place du Général-Kœnig, à la porte des Ternes. Érigée en paroisse par l’archevêque de Paris en 1993, elle se nomme désormais église Notre-Dame de Compassion de Paris.
Le chemin des princes
Après la décision de Louis XIV d’ériger Versailles en capitale du royaume en 1682, un chemin est réalisé dans les années suivantes pour faciliter les trajets entre le château du Roi-Soleil et la basilique de Saint-Denis, tombeau des rois de France. Ainsi, depuis Versailles, les convois s’engageent sur la route menant à Paris jusqu’au pont de Sèvres. Une fois celui-ci franchi, il convient de longer Paris en direction du nord en traversant notamment le bois de Boulogne par l’allée royale jusqu’à la porte Maillot qui est, non pas une porte de Paris, mais une porte de l’enceinte du bois de Boulogne. Après quoi, le chemin des princes, nouvellement créé, se prolonge en ligne droite jusqu’à Saint-Denis. Non carrossé, ce chemin se révèle en tellement mauvais état que, le 9 septembre 1715, le cortège funèbre de Louis XIV s’y embourbe dans un virage, à Saint-Ouen. Dans les décennies suivantes, le chemin ne fait cependant pas l’objet de transformation. Néanmoins, il figure, pour la première fois, sur le plan historique de Paris et de ses alentours réalisé par le cartographe Roussel et publié en 1730.
Le tracé exact de la route de la Révolte
Si la route de la Révolte n’existe plus en tant que telle, son tracé demeure encore parfaitement reconnaissable aujourd’hui. Les territoires de quatre communes sont aujourd'hui traversés par l'ancienne voie. Du sud vers le nord, se trouve d’abord Paris avec l’allée Royale et l’allée de Longchamp dans le Bois de Boulogne, la porte Maillot, puis, dans le 17e arrondissement, le boulevard Pershing, la place du Général-Kœnig, le boulevard Gouvion-Saint-Cyr, l’avenue Stéphane-Mallarmé, le boulevard de Reims, le boulevard du Fort-de-Vaux, le boulevard de Douaumont et la porte de Clichy. Son tracé se poursuit dans la ville de Clichy avec le boulevard Victor Hugo qui se prolonge dans la ville de Saint-Ouen-sur-Seine via la place de la République et le boulevard Jean-Jaurès. Enfin, dans la ville de Saint-Denis, l’ancienne route de la Révolte emprunte l’actuel boulevard Anatole-France, en traversant notamment la place Pleyel, jusqu’à la place de la porte de Paris. Le nom de « révolte » n’est plus utilisé, sauf pour le pont de la Révolte qui, sur le boulevard Anatole-France, enjambe les voies de chemin de fer provenant de la gare du Nord.
Comments