Si aujourd’hui La Villette rime avec Cité des Sciences, c’est pourtant un tout autre monde, celui des marchés à bestiaux et des abattoirs, qui a fortement marqué ce quartier du nord-est de la capitale. Intégrée au Paris haussmanien dans les années 1860, La Villette est à l’origine une petite commune rurale, attestée depuis le xiie siècle sous le nom de La Villette-Saint-Ladre-lèz-Parois et ayant connu une croissance démographique rapide au début du xixe siècle avec l’industrialisation massive. Mais la fermeture des abattoirs en 1974 entraîne une véritable mutation sociologique du quartier qui devient un lieu privilégié pour la promenade.
Texte : Emmanuelle Papot. Photos : Martin Chanteranne. Carte : Jean-François Krause.
La visite débute sur l’avenue Jean-Jaurès, à la sortie de la station de métro Laumière, du nom d’un général d’artillerie mort pendant la campagne du Mexique en 1863. Dès la sortie, on peut admirer un curieux bâtiment : le gymnase Jean-Jaurès aux nos 87-89, inscrit au Monuments historique depuis 1994. Datant de 1888, il est l’œuvre de l'architecte Ernest Moreau. Pour le construire ont été utilisées des pièces métalliques provenant de l'annexe de la grande galerie des machines de l'Exposition universelle de 1878. Juste avant la guerre de 14-18, le bâtiment a été agrandi par l'architecte Charles Gautier qui y a ajouté, entre autres, un étrange campanile.
En face, la rue de Laumière conduit à la place Armand Carrel. Ouverte en 1878, celle-ci rend hommage au journaliste Nicolas Armand Carrel (1800-1836), fondateur du journal Le National. Sur cette place, la mairie du 19e arrondissement fait face au parc des Buttes Chaumont et à un petit monument érigé en mémoire de Jean-François Macé (1815-1894), pédagogue, enseignant, journaliste franc-maçon et homme politique, l’un des fondateurs de la Ligue de l'enseignement destinée à défendre la laïcité. La mairie a été érigée, comme de nombreuses autres à Paris, sous la Troisième République. Elle est l’œuvre de l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881), collaborateur d’Haussmann sous le Second Empire et à qui l’on doit de nombreux autres monuments de la capitale comme le théâtre du Châtelet ou la fontaine de la place Félix Éboué. La façade du pavillon central est ornée des sculptures de l'Approvisionnement en eau d'Aristide Croisy et de l'Approvisionnement en bétail, de Georges Clère, deux symboles forts du quartier.
Du bassin au canal
Sur la droite, la rue du Rhin (1867), anciennement « chemin des Carrières du Centre », conduit à l'avenue Jean-Jaurès qu'il faut redescendre pour rejoindre le Bassin de La Vilette en prenant, sur la droite, la Villa Rémi-Belleau (1528-1577), chemin portant le nom de l'un des sept membres de la Pléiade PHOTO 5. Ce passage ouvre sur le square Marcel-Mouloudji, du nom du célèbre interprète et compositeur, et où trône une fontaine PHOTO 6 de l’artiste Davos Hanich (1922-1987).
La sortie du square permet de s'approcher à quelques pas du Bassin de La villette que l'on peut admirer en montant sur la passerelle métallique. D’un côté, à l’extrémité du bassin , trône encore la Rotonde de La Villette, ancienne barrière d’octroi du mur des Fermiers-Généraux édifiéé par Ledoux et qui fut intégréé dès l’annexion de la petite banlieue sous Napoléon III. La Rotonde, incendiée en 1871, a été restaurée dans sa version primitive.
L’autre côté du bassin donne sur l’ouverture du Canal de l’Ourcq. Paris possède trois canaux distincts dont deux se situent dans ce quartier : le canal de l’Ourcq et le canal Saint-Denis. Créé sous le Premier Empire à partir d'une idée de Jean-Antoine Chaptal, le canal de l’Ourcq était destiné, après une période de lourde sécheresse, à approvisionner en eau la capitale, celle de la rivière Ourcq, et à rationnaliser plus efficacement les approvisonnements par bateaux. Napoléon fit construire ces canaux en portant son choix, en 1805, sur le projet de Pierre-Simon Girard, ingénieur qui avait participé à ses côtés à l’expédition d’Egypte. Si le bassin de La Villette fut inauguré le 2 décembre 1808, le canal de l’Ourcq n'est achevé que bien plus tard, en 1822.
Prendre ensuite le quai de la Loire pour rejoindre la canal. Sur ce quai aménagé aujourd’hui pour la promenade, on peut admirer le joli Pavillon des canaux : ancienne maison de l’Intendant des canaux, c'est aujourd’hui un restaurant et espace de vie.
De part et d’autre du bassin, au niveau du pont de Crimée, deux gros entrepôts, à l’architecture revisitée, gardaient précieusement et jusqu’aux années 1970, sucre, alcool et grains. En traversant le pont de Crimée, on rejoint le quai de l’Oise. Ouvrage d’art et véritable bijou technologique, ce pont, breveté en 1885, est le premier à soulèvement parallèle, avec ses poulies, actionnées par pression hydraulique.
Au cœur de l’ancienne commune
De l’autre côté s'élève l’église Saint-Jacques-saint-Christophe dont la construction débuta en 1841. Elle est l’œuvre de Paul-Eugène Lequeux (1806-1873), à qui l’on doit aussi Notre-Dame-de-Clignancourt.
Le quai de l’Oise débouche, sur la gauche, rue de Nantes, ce qui permet de rejoindre l’avenue de Flandres – rappel de l’ancienne route passante menant vers la Flandre au nord, et vers l’Allemagne à l’est –, laquelle se situe au cœur de l’ancienne commune de La Villette. Cette large avenue, mélange de styles architecturaux avec immeubles haussamnniens, Belle Époque et constructions des années 1970-1980, est un quartier cosmopolite et populaire. Les commerces, notamment les boucheries, y sont encore nombreuses. Avec l’industrialisation massive au xixe siècle et son rattachement à la capitale, l’ancienne commune fut rapidement urbanisée et peu à peu se transforma en entrepôt de la capitale, provoquant l’installation d’industries comme les savonneries, parfumeries, raffineries de sucre, verreries, forges, usines à gaz etc. La Villette devint aussi un immense marché au bétail…
Le Parc de La Villette
L’avenue conduit à l’avenue Corentin Carriou qui amène au niveau du canal Saint-Denis sur le « Parc de La Villette ».
Ce parc occupe l'emplacement de l’ancien abattoir et marché aux bestiaux inaugurés en 1867 sous le Second Empire. C’est face aux protestations causées par la destruction des Halles Baltard , le « Ventre de Paris », que le président Valéry Giscard d’Estaing a décidé en 1976 de reconvertir l’espace des abattoirs, fermés deux ans plus tôt. Sur les 55 ha libérés a été installé l’établissement public du parc de La Villette, voué aux Sciences et à la Musique.
En passant du côté du canal de Saint-Denis, on arrive directement à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Œuvre de l’architecte Adrien Fainsilber, elle est consacrée à l’eau, la végétation et la lumière. Haute de 47 m, longue de 270 m et large de 100 m, elle possède une façade de verre entourée d’eau. Sa mission est de diffuser auprès du grand public la culture scientifique et technique, complétant ainsi l'offre due Palais de la Découverte.
Derrière la Cité se trouve la célèbre Géode. Dessinée par Fainsilber et réalisée par l’ingénieur Gérard Chamayou, cette sphère métallique de 36,5 m de diamètre, sur laquelle se reflète le Parc, abrite un écran géant de cinéma hémisphérique de 26 m de diamètre et d’une surface de 1 000 m2.
Le parc, de 35 ha, a quant à lui été conçu par Bernard Tschumi et s’organise en dix thématiques (jardin des miroirs…), et comprend aussi un Zénith et différents pavillons. On peut les découvrir en arpentant les différentes allées et notamment en suivant la principale artère qu'est la Galerie de La Villette. Celle-ci permet de retrouver le canal de l’Ourcq, qui traverse le parc et que l’on peut enjamber par une haute passerelle, non loin de la Grande Halle.
À cet endroit s’élevaient sous le Second Empire trois halles, bâties en 1867 par Louis-Adolphe Janvier et Jules de Mérindol, « parallèles en fer, tôle et verre, ayant plus de surface et de grandeur que les Halles centrales de Paris ». Elles étaient affectées à la vente des bestiaux : une pour les porcs, une pour les moutons et une troisème, plus imposante, pour les bœufs, actuelle Grande Halle qui a été conservée. C'est de nos jours une salle d’expositions qui peut accueillir de nombreux événements.
Devant son entrée principale se trouve la Fontaine aux Lions de Nubie de Pierre-Simon Girard. Datant de 1811, ronde et au style égyptien, son eau jaillit par les gueules de six lions, rangés par paires. Initialement située place du Château d’eau (actuelle place de la République), où elle servait d’abreuvoir, elle a été déplacée ici en 1869.
Juste à côté se dresse la Cité de la Musique conçue par Christian de Portzamparc et inaugurée par François Mitterrand le 12 janvier 1995. Cette Cité de la Musique comprend un musée et un amphithéâtre pour les concerts, au pied de la station de métro Porte de Pantin.
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