À cheval sur les 11e et 12e arrondissements que sépare la rue du même nom, le faubourg Saint-Antoine renferme huit cents ans d’histoire, depuis les prémices de sa création en 1198 jusqu’à aujourd’hui. Par sa topographie bien sûr, par la diversité de ses habitants et son activité foisonnante, ainsi que par les révoltes et les rafles, jusqu’aux attentats dont il a été le théâtre, le faubourg cultive sa mémoire et se révèle un monde unique, un microcosme que le reste de Paris, de tout temps, jalouse autant qu’il chérit…
Astrid Delarue
Jean Cottion, comme tout futur artisan digne de ce nom, vient d’achever son tour de France. Du nord au sud, d’est en ouest et année après année, il a sillonné les routes, se faisant engager chez un maître puis un autre, pour apprendre le noble métier du bois. Tandis que le xve siècle s’achève, le premier héros de la trilogie de Jean Diwo est, quant à lui, à l’aube de sa vie. Celle-ci aura pour décor le faubourg Saint-Antoine où il choisit de s’installer, décor que l’écrivain dépeint avec poésie dès la première page des Dames du Faubourg. « Sa canne de compagnon à la main, sa "malle aux quatre nœuds " sur l’épaule, Jean Cottion attendit avant de traverser la chaussée de l’est […]. De l’autre côté de la route, entre deux maisons basses nouvellement bâties […] s’ouvrait un couloir qui débouchait sur une cour pavée où séchaient, soigneusement empilées, des planches de chêne et de hêtre. […] Au bruit et à l’odeur, le jeune homme se dirigea sans hésiter vers la première des trois portes qui s’ouvraient sur la cour. » L’homme qui accueille Jean Cottion chez lui est Pierre Thirion, maître menuisier-huchier qui travaille, comme ses pairs, pour l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs.
Bien que fictifs, ces deux personnages n’en côtoient pas moins d’autres bien réels, comme Jeanne IV Thibousé, abbesse qui a “régné“ sur le petit monde du faubourg de 1489 à 1497. Elle est la vingt-septième d’une lignée de quarante-deux abbesses ayant dirigé Saint-Antoine-des-Champs entre 1212 et 1790. C’est d’ailleurs grâce à ce lieu et autour de lui qu’éclot et s’étend lentement au fil des siècles, le faubourg en question.
Autour de l’abbaye
L’abbaye Saint-Antoine-des-Champs est créée en 1198 par Foulques de Neuilly, curé de Saint-Baudile (Neuilly-sur-Marne), à l’initiative de Philippe II Auguste. Elle a pour première vocation l’accueil de filles dévoyées. C’est alors davantage un petit couvent, planté au milieu de fourrés et de marais. Il devient abbaye en 1204 avec son rattachement à l’ordre de Cîteaux, par l’évêque de Paris Eudes de Sully.
Sous la protection de Louis IX, cette même abbaye devient royale en 1227. Ses abbesses, quant à elles, souvent des princesses de sang, prennent le titre de Dames du Faubourg. Une église abbatiale, qui avait été commencée en 1220, est consacrée en présence du roi et de sa femme, Blanche de Castille, en 1233. Dès lors, Saint-Antoine-des-Champs s’émancipe. À présent fortifiée, l’abbaye devient en quelques décennies un vaste domaine autonome, qui s’approvisionne par la Seine à proximité, de même que par ses nombreuses terres cultivées alentour.
« Hors les murs » de Paris, ce domaine de Saint-Antoine échappe à de nombreuses contraintes inhérentes à la capitale, tout en bénéficiant de sa proximité avec elle. Par sa position géographique, le Faubourg constitue un axe stratégique puisqu’il est un passage obligé entre Paris et le château royal de Vincennes, et plus loin, l’est du pays. Des nobles, des commerçants, des artisans et, plus largement, des voyageurs de toutes sortes contribuent ainsi naturellement à le faire vivre.
Mais c’est à Louis XI que le désormais « faubourg Saint-Antoine » doit sa véritable expansion. En 1471, l’abbesse Marie V de Gouy obtient en effet du roi de France l’exemption de la maîtrise, en faveur des artisans exerçant sous son autorité. Ce décret déterminera la vie de l’Est parisien naissant. Car c’est par ce privilège, que confirment Henri III en 1581, Henri IV en 1594 puis Louis XIV en 1657, que ce quartier aux portes de Paris voit affluer les cultures (auvergnates, italiennes, juives, néerlandaises, allemandes…) et les spécialités les plus variées (ébénisterie, porcelaine, céramique, miroiterie, papier peint…), donnant au faubourg un véritable essor artisanal et industriel. C’est aussi par lui qu’il se construit littéralement, selon les besoins des différents métiers.
Réputé dès la Renaissance pour l’innovation dont son activité artisanale fait preuve, le faubourg Saint-Antoine connaît son apogée au xviie et au xviiie siècles avec un développement jamais atteint jusqu’alors, d’ateliers de menuisiers, d’ébénistes, de ciseleurs, de tapissiers ou encore de décorateurs. Ces professions sont toutes installées, à cette époque, entre la prison de la Bastille et la place du Trône (aujourd’hui place de la Nation), et ont ainsi engendré un mode de construction particulier : des immeubles d’habitation, longeant la rue, dissimulent des cours et des passages étroits et mal aérés, bordés d’ateliers souvent en bois. Autant de caractéristiques propres au faubourg, qui constituent aujourd’hui un patrimoine protégé. Plus loin, vers le mur des Fermiers Généraux, des espaces très largement consacrés à l’agriculture subsistent encore à la fin du xviiie siècle.
Entre ces deux facettes d’un faubourg Saint-Antoine semi-rural, se sont développés des hôtels de campagne, comme les hôtels de Gournay, de Mortagne, de Montalembert ou encore la célèbre folie Titon, construite en 1673 par Maximilien Titon et rachetée en 1765 par Jean-Baptiste Réveillon, qui la convertit en manufacture de papiers peints. La rue des Immeubles Industriels, un peu plus loin, est, elle-même et comme son nom l’indique, un formidable exemple d’aménagement spécifique aux besoins de l’activité industrielle du quartier.
De la rue de Charonne à la rue de Charenton, de la Bastille à la Nation, le faubourg Saint-Antoine ne cesse de se densifier et de se diversifier au long des siècles, confirmant toujours plus son caractère de quartier d’accueil, où règne la mixité sociale et culturelle. Son intégration à la ville de Paris, après la destruction du rempart royal en 1670, ne dénature en rien l’esprit originel du faubourg, artisanal, ouvrier et provincial dont les privilèges, encore et toujours en vigueur, attisent les dissensions jusqu’après la Révolution.
Une certaine liberté
Il est vrai que les faveurs, accordées au xve siècle et sans cesse renouvelées aux habitants du faubourg Saint-Antoine, n’ont jamais été acceptées par le reste de la capitale. Et pour cause : ces derniers sont des travailleurs libres car exemptés de maîtrise donc du paiement des taxes, des règlements et du contrôle des corporations par la visite de jurés. Au départ accordé par le roi à de « pauvres ouvriers », cet avantage a perduré au fil du temps sans qu’il ne soit plus aussi justifié.
À Paris, de nombreux autres lieux dits privilégiés échappent théoriquement à la juridiction des jurandes. Il s’agit d’anciens fiefs ecclésiastiques comme l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, l’enclos Saint-Jean-de-Latran ou le prieuré Saint-Denis de la Chartre ; également, des établissements royaux ou hospitaliers… Mais le faubourg Saint-Antoine est de loin le plus puissant des lieux privilégiés, du fait de l’étendue de son territoire et de l’étanchéité relative de l’enceinte qui l’abrite. Ainsi, fort de cet avantage sans cesse réaffirmé par la couronne, le faubourg exerce, siècle après siècle, son pouvoir d’attraction et se développe, au rythme de tentatives régulières des corporations de mettre à mal la réputation de ses artisans. Qu’ils soient merciers, bonnetiers, ébénistes, menuisiers, horlogers, bouchers, bronziers ou encore doreurs, il n’est pas un métier qui échappe aux visites surprises de jurés qui tentent de déceler une faute dans l’exercice de leur profession et ainsi attester d’un manque de professionnalisme et d’organisation du faubourg. En vain.
Mieux, c’est aux xviie et xviiie siècles, au faubourg Saint-Antoine, que l’industrie du meuble, celle qui contribue largement à son rayonnement, connaît son âge d’or. Des ébénistes comme Jean-François Oeben, Jean-Henri Riesener, Martin Carlin, Charles Cressent ou encore André-Charles Boulle (une école créée en 1886 à son nom rue Pierre-Bourdan, forme toujours les ouvriers en ameublement) en sont les dignes représentants. Mais le bois n’est pas la seule matière travaillée au faubourg Saint-Antoine : le tissu, le papier, le verre, le cuir ou encore la pierre y trouvent aussi leurs maîtres.
Au xixe siècle fleurissent des industries textiles comme la filature de coton Richard et Lenoir, rue de Charonne. L’ouverture du canal Saint-Martin en 1825 engendre également la construction d’entrepôts et l’implantation d’usines (métallurgie, mécanique, chimie…). Le faubourg compte ainsi près de 50 000 ouvriers en 1848. Le quartier est plus vivant que jamais mais toute médaille a son revers : l’industrie prend peu à peu le pas sur l’artisanat, et le chef-d’œuvre s’efface au profit de la production en série… À la fin du xxe siècle, la France ne compte plus que douze ébénistes d’art. Dix d’entre eux habitent au faubourg Saint-Antoine.
Animations et populations
Dense et remuant par son activité ouvrière, le faubourg l’est autant par la richesse et le succès de ses marchés, celui d’Aligre en particulier, et de ses foires. Il l’est aussi par ses bals musette, un savoureux mélange des cultures italienne et auvergnate, et par ses troquets. Ses vignes, trait d’union entre la Bourgogne et Paris, ses églises comme Sainte-Marguerite, ses prisons de la Petite et de la Grande Roquette, ou encore ses hôpitaux – celui des Quinze-Vingts créé par Saint Louis pour accueillir 300 (= 15x20) chevaliers dont les Sarrasins avaient crevé les yeux, ou encore l’hôpital Saint-Antoine en lieu et place de l’abbaye dès 1796 –, complètent le tableau d’un monde éclectique et autonome.
S’ils sont tous ou presque immigrés, de province ou de l’étranger, les habitants du faubourg Saint-Antoine ont aussi en commun de mener un train de vie modeste, qui les rend solidaires dans l’adversité. Populaire et turbulent, le faubourg a plutôt la révolte facile. En témoigne l’affaire Réveillon qui, sur une rumeur figurant l’intention de ce dernier de baisser les salaires de ses ouvriers, déclenche le 27 avril 1789 un soulèvement du quartier Saint-Antoine et, par ricochet, moins de trois mois plus tard, la prise de la Bastille à laquelle il participe en première ligne. Le 10 août 1792, ce sont aussi les sans-culottes des faubourgs qui se rendent aux Tuileries pour y déloger la famille royale.
Cet esprit révolutionnaire ressurgit ensuite lors des Trois Glorieuses, les 27, 28 et 29 juillet 1830, qui renversent Charles X et portent Louis-Philippe d’Orléans sur le trône. En juin 1848, ce sont ces mêmes ouvriers du faubourg Saint-Antoine qui protestent à coup de barricades contre la fermeture des ateliers nationaux, et voient tomber sous les balles l’archevêque de Paris, Mgr Affre. En mai 1871, ils prennent une part déterminante dans le déroulement de la Commune. Enfin, en août 1944, le quartier retrouve ses barricades, lors de l’insurrection qui prélude à la Libération de Paris.
Mais le faubourg est aussi le théâtre involontaire d’événements autrement plus sombres, comme les rafles d’hommes, femmes et enfants juifs en 1941 et en 1942 ; ou la manifestation contre les attentats de l’OAS, durement réprimée le 8 février 1962 au métro Charonne ; de même, au soir du 13 novembre 2015, sur ses terrasses, des Parisiens, si prompts d’ordinaire à donner vie au quartier, tombent sous les balles de terroristes islamistes…
Lieu de manifestations
Le faubourg Saint-Antoine est somme toute plus paisible aujourd’hui qu’il y a trois siècles – quoiqu’il reste un passage obligé pour les grandes manifestations parisiennes. Il constitue par ailleurs un véritable mémorial : en le traversant, c’est toute son histoire qui revit sous les yeux des passants. Ici, la colonne de la Bastille rappelle, par ses inscriptions, les journées de Juillet 1830 ; là, le cimetière de l’église Sainte-Marguerite où fut inhumé Louis XVII en 1795 évoque quant à lui la sanglante page de la Révolution. D’un côté, la halle Beauvau du vieux marché d’Aligre rend hommage aux Dames du Faubourg en portant le nom de la dernière d’entre elles, Gabrielle-Charlotte de Beauvau (1760-1790) ; de l’autre, au 31 bis rue de Montreuil, des plaques commémoratives rappellent l’existence de la Folie Titon d’où partit la première montgolfière en 1783, avant d’être incendiée en 1789…
Et que dire de ces immeubles industriels encore debout, de ces boutiques comme Roméo où l’ébéniste et architecte Claude Dalle rend hommage à ses prédécesseurs ? Et, enfin, de ces cours et passages classés où « le chuintement de la scie » et « l’odeur des copeaux fraîchement ciselés » de Pierre Thirion, sont si faciles à imaginer ? D’hier à aujourd’hui, l’histoire du faubourg Saint-Antoine n’a décidément pas fini de se raconter.
Jean Diwo, l’homme du faubourg
L’écrivain est un enfant du Faubourg Saint-Antoine, avant d’en être le spécialiste incontesté et le conteur hors-pair. Jean Diwo naît le 24 décembre 1914 au n°249 de la rue. Une adresse dont il a fait le titre de l’un de ses romans, 249, faubourg Saint-Antoine, paru en 2006. « [C’]est le livre d’une maison et d’une famille au temps où ce faubourg avait une âme, celle des gens du bois, des descendants de Boulle, de Riesener, de Jacob. Ces pages arrachées à un passé bien estompé – le récit débute en 1914 – ne sont pas des mémoires, précise alors l’auteur. Le "je " est certes un peu moi mais aussi un autre, plutôt des autres. Et si Jean-Baptiste Benoist, la plus "fine lame" des sculpteurs sur bois, collectionneur fantasque, chef de famille et mari exemplaire, ressemble à Jean-Baptiste Diwo, mon père, il reste un personnage largement imaginaire, comme les autres acteurs de cette comédie parisienne. Car à travers eux, j’ai souhaité retrouver l’atmosphère si particulière de mon enfance, les copeaux, le bruit de la varlope et l’odeur de la colle d’un quartier aujourd’hui disparu. »Journaliste pour Paris Match, créateur de Télé 7 Jours, Jean Diwo a consacré les trente dernières années de sa vie à la littérature. Décédé en 2011, il a laissé près de vingt romans historiques exceptionnels, dont quatre dédiés au faubourg Saint-Antoine. Le 249… bien sûr, mais avant cela et surtout, la trilogie des Dames du Faubourg. Publiés en 1987, 1989 et 1991, les trois tomes retracent avec force détails historiques et poésie l’évolution du quartier si cher à l’écrivain, de la fin du xve siècle au début du xxe, de Louis XI à la Troisième République. Est-ce la nostalgie d’une époque révolue, comme il le décrit pour son roman 249, faubourg Saint-Antoine, qui a animé Jean Diwo dans l’écriture de ses chefs-d’œuvre, ou un devoir de mémoire ? Sans doute les deux. L’écrivain a été passionnément attaché au quartier qui l’a vu naître et grandir. En racontant plus de quatre siècles d’histoire du faubourg Saint-Antoine, il a rendu un vibrant hommage à ce lieu et a contribué à hauteur de plus d’un million d’exemplaires, à le faire connaître…
Le faubourg Saint-Antoine et Paris
Jusqu’en 1670, date à laquelle Louis XIV ordonne la destruction du rempart royal à l’est de Paris – portion de l’enceinte de Charles V construite dans la deuxième moitié du xive siècle –, Saint-Antoine est « fors le bourg », soit en-dehors des murs de la ville. Dès cette date, le quartier est intégré à la capitale mais conserve son appellation de « faubourg », au même titre que le faubourg Saint-Germain, le faubourg du Temple ou encore le faubourg Montmartre. La porte Saint-Antoine – donc celle qui fut intégrée à l’enceinte édifiée sur ordre de Charles V en 1356 – tient de fait une place très importante dans la vie du faubourg. Jusqu’à sa démolition en 1778 et malgré l’intégration du faubourg à Paris en 1670, elle contribue à le distinguer du reste de la ville. La porte Saint-Antoine marque en effet une délimitation géographique à haute valeur symbolique : elle est une porte d’entrée dans un microcosme, ce faubourg artisanal et industrieux ; elle s’inscrit dans l’axe qui relie Paris au château de Vincennes en passant par la Barrière du Trône (future place de la Nation) ; elle rappelle que, par le faubourg, est passé Louis XIII après son sacre ou encore Louis XIV après son mariage… Hors ou dans Paris, le faubourg Saint-Antoine est une ville à lui seul avec ses quartiers bien distincts. Les métiers s’y regroupant en effet par rue – a contrario, il n’y a pas dans Paris de réel quartier de concentration, jusqu’à la Révolution française –, on distingue le coin de la rue de Lappe, très artisanal, avec ses cours et ses impasses, le quartier Sainte-Marguerite, plus résidentiel s’il en est, et celui, davantage industriel et administratif, des Quinze-Vingts, proche de la Seine. Cette subdivision du faubourg, si elle n’a pas valeur de tout temps, reste somme toute assez fidèle jusqu’à la fin du xviiie siècle. En 1860, le baron Haussmann procède à un redécoupage de Paris, en vingt arrondissements. Le faubourg est dès lors partagé entre les 11e et 12e arrondissements, la rue qui porte son nom faisant la jonction.
L’Affaire Réveillon
À la tête d’une grande manufacture de papiers peints, en lieu et place de la Folie Titon rue de Montreuil, Jean-Baptiste Réveillon emploie trois cents ouvriers. Vers la fin des années 1780, la concurrence anglaise l’a obligé à se séparer de quelques effectifs, à qui il a d’ailleurs octroyé une allocation chômage… Cette action en témoigne, l’homme est un progressiste. En 1789, Réveillon va plus loin : le 23 avril, il suggère au gouvernement de Louis XVI de supprimer les octrois, ces taxes prélevées sur les marchandises arrivant dans la ville. Ainsi, les prix des biens de consommation courante pourront baisser. De fait, il pourra, par la même occasion, baisser les salaires de ses ouvriers. La proposition est maligne mais trop avant-gardiste pour les quelque 40 000 ouvriers du faubourg, rapidement informés, qui n’ont retenu que la baisse de salaire. Car si elle est entérinée, cette suggestion ne concernera pas que les employés de Réveillon. Henriot, fabricant de salpêtre, compte déjà aussi l’appliquer à son affaire. Il n’en faut guère plus au peuple du faubourg, déjà touché par le manque de pain et écarté des élections des États Généraux en mai... Des manifestations se forment çà et là et, dans la nuit du 26 au 27 avril 1789, les effigies de Réveillon et Henriot sont brûlées aux cris de « Mort aux accapareurs ! Le pain à deux sous ! » Le lendemain, la manufacture de papiers peints est pillée. Il n’en reste rien. Un affrontement survient alors entre les troupes et les émeutiers. Hormis la période de la Grande Terreur, c’est la journée la plus sanglante – et la toute première – de la Révolution. À peine trois mois plus tard, et avec la même violence, le Paris ouvrier s’en prendra à la Bastille.
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