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Le ministère de la Guerre dans la tourmente

Le 16 juin 1914, le gouvernement Viviani est investi à la Chambre par 365 voix contre 132, sous les huées de l’extrême-gauche. La France hérite alors d’un ministère médiocre mais pacifiste (Becker, 1977), composé d’hommes incapables de faire face aux événements et de s’opposer à la guerre qui menace.

La presse est partagée, certains journaux se félicitant de l’instauration d’un gouvernement démocratique, alors que d’autres craignent qu’il enlise un peu plus « la France […] dans le cloaque parlementaire » (L’Autorité), car composé « d’hommes sans valeur, sans prestige, sans autorité » (L’Écho de Paris). Il est vrai que l’on n’y trouve aucune figure emblématique, mais plutôt des seconds couteaux, voire parfois des hommes politiques rétifs à leur ministère, comme le sénateur Armand Gauthier, ministre de la Marine « où son incurie [à la chose navale] était de notoriété publique » (Ayache, 2012).


Une nomination plutôt bien acceptée !


Adolphe Messimy, saint-cyrien breveté de l’École supérieure de guerre, a été poussé à la démission en 1899 parce que dreyfusard et révisionniste. Trois ans plus tard, il est élu député radical-socialiste de la Seine puis de l’Ain en 1912, considéré alors comme un spécialiste des questions militaires et coloniales. C’est la seconde fois qu’il séjourne à l’hôtel de Brienne où, de juin 1911 à janvier 1912, il s’est employé à réformer le haut commandement tout en essayant de réorganiser en profondeur l’institution militaire (1).Si sa nomination inquiète l’opposition qui considère sa présence au gouvernement comme « un replâtrage » (L’Écho de Paris) et le qualifie « d’honnête huluberlu, pavé de bonnes intentions [mais] dépourvu d’équilibre et de bon sens » (L’Action française), ses pairs dont Clémenceau, après avoir eu quelques doutes, s’annoncent finalement convaincu que le nouveau ministre « ne souscrira jamais à un affaiblissement de notre Défense nationale » (L’Homme Libre).  Dans les rangs de l’armée, de nombreux officiers républicains se réjouissent de la nomination d’un ministre dont le premier passage rue Saint-Dominique a été marqué par de nombreuses avancées. Messimy, qui n’est ni un chef de clan ni un tribun, est effectivement considéré comme un des meilleurs ministres de la Guerre que le pays ait eu ces dernières années (2), même si une grande partie de la Gauche lui reproche toujours d’avoir fait nommer adjoint de Joffre le général de Castelnau.


Faut-il abroger la loi des trois ans ?


À peine est-il entré en fonction que le nouveau ministre est attaqué sur la loi des trois ans – qu’il a votée – lui qui a défendu avec le socialiste Joseph Paul-Boncour le principe d’un service militaire de trente mois. Malgré les pressions de ses amis radicaux et les recommandations du président de la République qui l’abjure de ne toucher éventuellement à ce texte que d’une main légère, Messimy refuse de revenir sur les engagements pris au motif qu’on ne peut « changer de cheval au milieu du gué », confirmant ainsi qu’aucune considération électorale ne pourra l’empêcher d’assumer ses responsabilités. En réponse aux critiques acerbes de Clemenceau, il insiste sur le devoir de la France de renforcer ses troupes de couverture pour résister le cas échéant à la ruée possible des avant-gardes ennemies qui tenteront de « bousculer notre concentration et de transporter, par un coup d’audace, le théâtre d’opérations sur notre propre territoire ». À ce titre, il se considère comme le mieux placé pour mettre en œuvre cette loi face à l’éventualité proche d’une conflagration pas si éloignée que cela. Il souligne ensuite sa volonté de renforcer l’instruction des réserves tout en rappelant la part prépondérante de l’organisation de l’armée, institution au sein de laquelle « le courage individuel et la valeur militaire ne peuvent suppléer à l’indigence d’une préparation méthodique ».


Critiques du budget du ministère de la Guerre, sur fond de tensions internationales

L’attentat de Sarajevo ne provoque guère d’émoi à Paris, le Conseil des ministres évoquant à peine la situation pour s’appesantir sur les problèmes soulevés par les congrégations religieuses. À peine peut-on signaler une note secrète envoyée par Messimy aux officiers généraux, rappelant que « la France est prête à tous les sacrifices pour accroître sa puissance militaire » !

Alors que le mois de juillet se déroule dans la torpeur de l’été, la commission de l’Armée adopte enfin, seize années après le début des études, la nouvelle tenue de campagne de l’armée française même si elle n’accorde qu’une somme de 1 000 francs, dérisoire mais néanmoins suffisante pour autoriser le ministère à contracter les marchés nécessaires au renouvellement du drap d’uniforme. D’autre part, au cours d’une réunion, le CSDN aborde principalement l’organisation de l’artillerie des fronts de mer dans les grands ports de guerre, aucune des autorités politiques ou militaires présentes n’étant prête à imaginer la guerre si proche. Vers le mi-temps du mois, un débat assez vif anime les travées de l’hémicycle de la Haute Assemblée, mené par le sénateur de la Meuse Charles Humbert sous la pression de Clemenceau.

Après avoir accusé les différents gouvernements d’avoir menti aux Français en laissant croire que, « grâce à la loi des trois ans, ayant le nombre, [le pays] était en mesure de résister à la guerre », le parlementaire énumère les nombreuses faiblesses de l’armée, s’en prenant à l’EMA qu’il accuse de négligence. Tout y passe, l’infériorité de l’artillerie de campagne et de place, l’approvisionnement insuffisant dans de nombreux domaines, y compris les munitions dont les stocks sont insuffisants, sans oublier le problème des camps d’entraînement (3), des godillots (4), de la TSF, de la défense des côtes ou encore l’absence d’instruction des cadres. Les mots sont durs pour les derniers titulaires, en particulier quand Humbert affirme que la commission de l’Armée a dû se substituer aux ministres de la Guerre successifs pour demander la réorganisation de l’administration de l’armée. Invité à répondre sans attendre aux accusations portées contre son administration, Messimy, plutôt nerveux, élude le débat car soupçonné d’avoir provoqué cette interpellation (5). Peu en verve, il demande à bénéficier d’un délai de vingt-quatre heures pour apporter des éléments de réponse, à la fureur de Clemenceau qui a trouvé en sa personne le bouc émissaire idéal (6). Le soir même, Viviani et Messimy, très affectés par les attaques dont ils sont l’objet, viennent faire part au président de la République de leurs préoccupations.Le 14 juillet, les débats reprennent en présence du ministre de la Guerre. Au cours d’un long discours, ce dernier reconnaît que les défaillances qui peuvent être reprochées aux bureaux de la Guerre sont un mal chronique qui se renouvelle avec une fâcheuse périodicité. Il met en cause les ravages du pacifisme aussi bien dans l’opinion publique qu’au sein des différents gouvernements, au prétexte que depuis le début du siècle, « le pays s’est laissé prendre à la chimère d’idéalisme, à la chimère de la pacification universelle ». Il rappelle ainsi que tout n’a pas été fait dans le passé pour accroître la puissance de l’armée, situation dont il est en partie responsable, notamment en raison de son militantisme en faveur de l’arbitrage international mais également en raison de certaines de ses propositions comme rapporteur du budget de la Guerre en 1907 et 1908. L’étonnement comme la colère des sénateurs puis des députés semblent pourtant très surfaites puisqu’ils ne peuvent alors ignorer que la responsabilité de ces retards doit être imputée tout autant aux différents gouvernements qu’au Parlement et à l’État-major de l’Armée. En matière budgétaire, les crédits votés par les Chambres de 1901 à 1913 se sont révélés la plupart du temps inférieurs à ceux demandés par le ministère de la Guerre, retardant ou condamnant de fait un certain nombre de programmes. Si Clemenceau est l’orateur le plus vindicatif, c’est peut-être pour faire oublier que c’est sous son ministère que les réductions de crédits militaires ont été les plus importantes, pratiquement à parité avec celles du ministère Combes.

A l’issue, Clemenceau finit par convenir que la responsabilité du ministre de la Guerre actuel ne pouvait être retenue, même s’il lui reproche son attitude lors du débat sur la loi des trois ans. Le Sénat finit par approuver le budget de l’Armée avant d’accepter une motion déposée par le vice-président de la commission, le sénateur Louis Boudenoot, qui demande la création d’une sous-commission spéciale chargée d’étudier la situation du matériel de guerre, motion qui « n’implique pas la méfiance mais ne contient pas le mot « confiance » ». Les révélations du sénateur Humbert ont automatiquement des répercussions à la Chambre. Le général Pédoya, président de la commission de l’Armée, demande au ministre la possibilité de procéder à une enquête similaire alors qu’une sous-commission spéciale du Budget reçoit pour mission de contrôler les dépenses de la Défense nationale et de vérifier, sur pièces et sur place, les approvisionnements de la guerre et de la Marine.A l’issue, tous les députés se congratulent et songent aux vacances qui approchent. Messimy, pour sa part, préfère prendre les devants. Tout en préparant la réorganisation complète de l’administration centrale du ministère de la Guerre (Le Matin), il mandate le général Gaudin et le contrôleur général de Voysson dans l’est de la France, avec pour mission de contrôler les places fortes et les grands camps de l’Est. Leur rapport, tout en confirmant les quelques déficiences signalées lors des débats, établit de façon probante que ces places « sont pourvues des approvisionnements, de l’armement et des moyens de défense nécessaires pour leur permettre de remplir complètement le rôle qu’on attend d’elles ».


Un gouvernement sous pression


Le 29 juillet, à l’issue d’un voyage en Russie écourté en raison de la crise qui débute, le président de la République Raymond Poincaré et le président du Conseil Viviani arrivent à Paris. Ils sont accueillis par les membres du gouvernement accompagnés de nombreuses personnalités civiles et militaires, sous les applaudissements de milliers de Parisiens. Un Conseil des ministres se tient le soir-même, le premier d’une longue série voulue par Poincaré. Messimy informe ses collègues des mesures prises, tout en insistant sur la gravité des renseignements qui affluent d’Allemagne. L’attaché militaire à Berlin appelle le gouvernement à prendre avec calme et sans bruit toutes les mesures nécessaires pour mobiliser avec ordre et rapidité et ainsi répondre à une attaque soudaine.  

Les mauvaises nouvelles affluent jour après jour, le 30 juillet marquant un tournant dans la course vers l’abîme. Au ministère de la Guerre, Messimy, qui a déjà pris plusieurs décisions, comme le rappel des généraux et des chefs de corps à la grande fureur de Joffre qui refuse que l’on empiète sur ses prérogatives, réunit tous les directeurs de service. Il leur fait part de la gravité de la situation, expliquant que si la guerre n’est pas encore déclarée, « nous devons la considérer comme certaine ». Conscient que rien ne compte dorénavant que la défense du pays, il précise ensuite « que les affaires en cours […] qui demandent plus de trois mois n’existent plus ; celles qui demandent plus de quinze jours, les suivre et les hâter ; celles qui demandent moins, les régler aujourd’hui ». Dès le lendemain, dernier jour de l’ancien monde, Messimy rappelle au cours d’un énième Conseil des ministres, la dangerosité de la situation, tout en bouillant d’impatience. Il ne supporte pas la légèreté de ses collègues qui discutent du moratoire des loyers, de la suspension des protêts ou du concours qu’on doit réclamer à la Banque de France, ce que confirme le président Poincaré qui qualifie au fil du temps ces réunions « de bavardages sans conclusion » (Poincaré, 1914). Au cours de la journée, plusieurs événements contribuent à aggraver la situation. L’Allemagne, devant l’impossibilité de faire cesser la mobilisation de l’armée russe, décrète « l’état de guerre menaçant », dernière étape avant la mobilisation générale. Vers 15h30, Joffre sollicite le ministre pour que soit ordonné la mobilisation générale, ce que Viviani refuse. Il ne veut prendre aucune décision contraire aux intérêts du pays et de la paix. Pour autant, les forces de couverture reçoivent l’ordre de gagner leurs zones de déploiement à partir de 21 heures grâce à la réquisition des compagnies de chemin de fer. Enfin, Messimy fait signer au président de la République une lettre de service désignant le général Gallieni, rappelé du sud de la France, ad latus et successeur éventuel de Joffre, après accord – contraint et forcé – de ce dernier.Le 31 juillet à l’aube, Joffre fait porter au ministre de la Guerre une note dans laquelle il déclare qu’il ne pourra plus assumer la responsabilité écrasante des hautes fonctions confiées par le gouvernement si rien ne bouge, face à l’Allemagne qui vient de fixer le premier jour de la mobilisation au 2 août. Comprenant bien l’urgence de la situation, Messimy se fait accompagner par le général en chef, exceptionnellement autorisé à s’exprimer directement devant le Conseil des ministres. Calme et décidé, Joffre réitère ses avertissements, à savoir le risque que « la France, devancée par la mobilisation allemande, ne se trouve bientôt dans un état irrémédiable d’infériorité ». Face au péril, le gouvernement décide de proclamer la mobilisation générale, acte politique majeur qui modifie de fait le fonctionnement des institutions de la République. Le document est signé successivement par le président de la République, le président du Conseil et les ministres de la Guerre et de la Marine. À 15h45, le général Ebener, sous-chef d’état-major, accompagné de deux officiers, vient chercher non sans éprouver une certaine émotion le télégramme signé par le ministre. Alors que le général Guillaumat en informe les officiers du cabinet, le document est remis au central téléphonique du 103 de la rue de Grenelle. A 15h58, il est transmis, via les préfectures, à toutes les autorités militaires ainsi qu’aux 2 890 brigades de gendarmerie. A 17h30 au plus tard, le tocsin sonne alors à toutes volées dans l’ensemble des communes de France, provoquant stupeur et consternation.


Un seul but : aider Joffre à gagner la guerre


Alors que la mobilisation est lancée, Messimy se trouve confronté à un avenir sombre qui exige qu’il prenne rapidement des décisions parfois brutales. Républicain dans l’âme, homme d’action empirique, il s’adapte à la situation sans véritable doctrine mais avec un seul leitmotiv, « aider Joffre à gagner la guerre ».  C’est ainsi qu’il signe, sans attendre la déclaration des hostilités l’arrêté qui fixe les limites séparant la zone des armées qui passe sous l’autorité du général en chef et le zone de l’arrière qui reste sous son autorité. Alors que Lille est déclarée « ville ouverte » dès le 1er août, le décret portant déclaration de mise en état de siège des quatre-vingt-six départements français et du territoire de Belfort, des trois départements de l’Algérie, est signé le lendemain par le président de la République puis promulgué. Dès lors, un certain nombre de pouvoirs normalement dévolus aux représentants de l’État dans les départements sont transférés aux commandants les régions militaires. Le maintien de l’ordre et les pouvoirs de police passent ainsi à l’autorité militaire, qui fait une entrée en force dans la vie administrative de l’ensemble des citoyens. Le lendemain, l’état de guerre en vigueur ne fait que confirmer le rapport de force déséquilibré au profit de l’autorité militaire, alors que Messimy refuse de laisser le gouvernement s’immiscer dans la conduite des opérations afin de laisser toute liberté d’action à Joffre. Il ne sait pas encore que ce dernier a fermement l’intention d’user pleinement de ses prérogatives, voire « de mettre sous tutelle le gouvernement, refusant de recevoir conseils, indications voire simples avis ».

Le 4 août, aux alentours de 15 heures, devant les parlementaires convoqués en session extraordinaire, le président du Conseil, après avoir rendu hommage à Jaurès, donne lecture du message du président de la République : « La France vient faire l’objet d’une agression brutale et préméditée, […] Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi, l’Union sacrée ». Messimy, pour sa part, refuse de se laisser abattre. Pour l’heure, il se trouve à la tête d’une administration centrale entièrement désorganisée et placée dans une situation inédite (7). En très peu de temps, elle perd les deux tiers de ses effectifs (8), ne conservant que 200 officiers et 150 civils, ce qui oblige le cabinet à placer certains de ses personnels en sursis d’appel (9). C’est ainsi que le 2e bureau en charge du renseignement ne dispose plus que de vingt-trois officiers, puis uniquement de deux après le 15 août. Pour mémoire, il en comptera 125 au 1er novembre 1918, dont vingt-cinq supérieurs, épaulés par 237 sous-officiers et soldats. C’est donc au milieu de bureaux pratiquement vides où sont rapidement installés des lits de camp que Messimy doit faire face à des tâches sans commune mesure avec les missions habituelles de son administration, amplifiées par des difficultés que personne n’avait imaginées. Comme il l’écrit, « la laborieuse et respectable maison de la rue Saint-Dominique, organisée pour régler en temps de paix, tout à loisir et avec une sage lenteur, les questions de service courant, n’est absolument pas préparée à résoudre en temps de guerre, à un rythme accéléré et souvent de façon instantanée, les problèmes innombrables et nouveaux qui surgissent à toute heure » (Messimy, 1937).Dans un premier temps, le cabinet du ministre se préoccupe, en liaison avec les commandants d’armée, de dynamiser l’économie partiellement arrêtée en raison de la mobilisation massive des employés et ouvriers, sans omettre de pourvoir à l’approvisionnement en vivres et en produits de première nécessité des civils, question rapidement cruciale aggravée par le reflux soudain et précipité sur la région parisienne des populations de Belgique et du Nord de la France. Puis Messimy est confronté au repli des stocks de matériels militaires des Ire, IIe et VIe régions avant de se pencher sur le fonctionnement des dépôts, question bientôt polémique. Accusé par Clemenceau de laisser trop d’embusqués de côté en renvoyant les hommes les plus âgés en surnombre dans leurs foyers, le ministre doit expliquer aux commandants de région ainsi qu’aux journalistes que l’insuffisance de l’encadrement, cumulé au manque d’équipements, rend toute convocation contreproductive.


La transformation de l’Administration centrale


Inquiet des éventuelles indiscrétions de la presse « qui fait de l’information comme on fait de la brocante », Messimy profite de l’état de siège pour mettre en place une politique de censure préventive et de propagande systématique (10) qui suscite d’importantes controverses. Dès le 2 août, après avoir averti les directeurs des journaux parisiens, le bureau de la presse s’installe dans un petit local de l’hôtel de Brienne. Il publie très vite trois circulaires destinées à donner à l’ensemble des quotidiens les premières des 1 100 directives provisoires ou permanentes, générales ou particulières sur le déroulement des opérations de guerre dont la divulgation ne présente aucun danger pour les armées. En parallèle, face à la masse de télégrammes qui arrive indûment dans ses services, Messimy demande que la direction de la Commission du contrôle télégraphique de Paris soit confiée à son ministère. Il charge quelques officiers d’aller « nettoyer les écuries d’Augias », à charge pour eux de réorganiser ce service et de faire décrypter toutes les dépêches touchant à l’espionnage allemand, tout autant celles des agents diplomatiques que des hommes d’affaires suspectés de commerce avec l’ennemi. Le seul circuit d’information qui ne peut être encore contrôlé reste celui du courrier personnel, jusqu’à la mise en place du contrôle postal en janvier 1915. En attendant, face à une poste aux armées archaïque et inadaptée incapable de desservir parfois aussi bien les états-majors que les conscrits ou les familles, l’administration militaire met en place des cartes pré-imprimées puis le système de franchise militaire, sans que la situation ne trouve un début d’amélioration.Pour autant, la vie militaire continue, avec sa cohorte de problèmes administratifs. Précédant les autres ministères qui étofferont progressivement leurs services au cours de la guerre, Messimy décide de mettre sur pied le même jour la Direction générale des services de l’administration de l’armée, dont il avait préconisé la création comme rapporteur du budget de la Guerre en 1907 et 1908 et qu’il place sous les ordres du général de division Gaudin. Le lendemain, le ministre crée auprès de cette nouvelle direction, le poste de Directeur général du ravitaillement des armées et des places « chargé de faire constituer les approvisionnements de denrées, de combustibles, d’effets d’habillement ou d’équipement et d’objets de couchage ou de campement nécessaires aux besoins des armées et des places ».Le 17 août, Messimy se préoccupe de l’information des familles face à la disparition de leurs proches. Avec la mobilisation, toutes les affaires relatives aux militaires victimes de guerre (disparition, décès, renseignements) sont centralisées au ministère de la Guerre, sans qu’il existe pour autant un service particulier. La procédure de suivi est particulièrement complexe et implique plusieurs bureaux, rattachés à quatre services différents (cabinet du ministre, administration générale, contentieux et justice, santé militaire), sans lien systématique entre eux puisque « le bureau rattaché au cabinet du ministre s’occupait des renseignements aux familles, la section d’état civil du bureau des archives gérait […] les avis et actes de décès, […] le bureau des secours venait en aide aux familles et anciens militaires dans le besoin », alors que le bureau des pensions liquidait… les pensions. Il crée à cet effet un Service de renseignements aux familles avec huit bureaux répartis dans différents arrondissements de Paris, alors qu’une organisation spéciale à la banlieue et à la province s’apprête à voir le jour. Si le ministère continue à informer les familles uniquement des décès militaires aux armées, il est prévu qu’aux cours des hostilités, cette communication soit étendue aux soldats blessés ou disparus. Sur ce dernier point, et face aux carences du Service de santé soulevé par l’inamovible Clemenceau, Messimy découvre que le plan hospitalier de guerre n’est pas totalement opérationnel y compris dans la zone de l’Intérieur. Il envoie alors le sous-secrétaire d’État Lauraine en mission spéciale dans les installations médicales et les hôpitaux temporaires de l’arrière pour étudier les mesures prises, parer aux déficits et pourvoir aux approvisionnements.Le lendemain, sur les conseils de son ami Étienne Clémentel avec lequel il partage de nombreuses idées en matière économique (Kessler et Rousseau, 2018), Adolphe Messimy contacte l’industriel Louis Renault. Les trois hommes se rencontrent au ministère afin d’étudier la possibilité pour les constructeurs automobiles de convertir leurs usines à la fabrication d’obus, opération qui sera menée à bien sous le ministère Millerand. Cinq jours plus tard, le ministre s’adresse directement au Comité des Forges et aux Chambres syndicales du Matériel de guerre, de la Construction navale et du Matériel de chemins de fer pour leur demander de mettre leurs connaissances et l’influence qu’ils possèdent sur leurs adhérents au service de la Défense nationale, officialisant ainsi la collaboration des industriels avec le gouvernement.


« Il existe à Paris un monde particulier… »


À peine la mobilisation décrétée que le ministère de la Guerre reçoit de nombreuses visites, souvent impromptues, toutes plus urgentes les unes que les autres, des suppliques diverses, ce qui oblige le général Guillaumat à donner des ordres pour que seuls les visiteurs munis d’un laissez-passer puissent accéder aux différents services. Messimy lui-même fait l’objet d’innombrables sollicitations et demandes d’interventions qui apparaissent souvent, aux yeux des quémandeurs, comme plus importantes que la guerre elle-même. Dès lors, une partie des journées ministérielles est consacrée à donner des réponses et à trouver des solutions en essayant de se fâcher avec le moins de monde possible. Ce n’est pas le cas avec l’ancien ministre Charles de Freycinet qui, se présentant le 10 août pour distiller quelques conseils et se mettre à disposition des autorités, est éconduit poliment par le chef de cabinet. Il revient de nouveau huit jours plus tard, sans plus de succès et répand alors sa colère dans les milieux politiques, évoquant çà et là « la pétaudière qu’est le ministère de la Guerre avec Messimy ».

Par ailleurs, s’ajoutent à ces sollicitations les requêtes parfois impératives provenant du gouvernement, voire de certaines autorités militaires. Ainsi du président de la République qui demande instamment que le ministère s’occupe des 2 000 réfugiés Austro-Hongrois enfermés au lycée Condorcet jusqu’à leur expulsion, alors que Viviani insiste pour que les Belges et les Serbes reçoivent les projectiles d’artillerie promis. Les Finances veulent des trains pour les transports d’or, « le secret étant recommandé », alors que le ministère de l’Intérieur, alarmé des difficultés d’approvisionnements, exige de nouveau que la Guerre prenne des dispositions immédiates pour laisser dans chaque département les quantités nécessaires au ravitaillement des populations. Et il en va comme cela à longueur de journée, les Conseils des ministres étant propices à l’échange sous le boisseau de courtes notes, de mots griffonnés qui se retrouvent le plus souvent à encombrer les poches du ministre de la Guerre. Messimy travaille donc sans relâche malgré les nombreux aléas, tout en se trouvant en butte, en partie par sa faute, à un général en chef arc-bouté sur ses prérogatives.


Messimy-Joffre, une cohabitation difficile


Depuis son entrée en politique, Messimy défend le principe de la primauté du pouvoir politique sur l’autorité militaire, considérant qu’il est de son devoir de limoger si besoin est tout chef jugé incompétent, fort de l’adage, « un militaire, ça sert d’abord à faire la guerre » plus qu’à paraître dans les salons en uniforme chamarré ou à présider des cérémonies. Il s’avère effectivement assez vite que, confrontés à des pressions auxquelles ils ne sont pas habitués et à des conditions de vie souvent spartiates, certains généraux baissent les bras ou prennent de mauvaises décisions. De facto, face au péril extrême que court la nation, le ministre chausse ses bottes révolutionnaires, attribuant tout pouvoir au général Joffre pour sanctionner impitoyablement les chefs défaillants. Il autorise alors le généralissime à les relever de leur commandement sur simple rapport motivé envoyé au ministère, après avoir demandé qu’ils soient traduits devant un conseil de guerre pour être éventuellement condamnés à mort (11), ce qu’il n’est pas le seul à penser. Joffre, ainsi confirmé dans ses prérogatives, se garde bien de demander l’aval de son autorité de tutelle pour initier l’hécatombe des généraux (Rocolle, 1980) confirmant ainsi ce qui sera surnommée plus tard « la dictature du G.Q.G. ».Au fil des jours, Messimy digère de moins en moins la rétention d’informations sur la situation réelle aux armées, face à un général en chef qui se considère en temps de guerre comme tout à fait indépendant du gouvernement et qui n’accepte au-dessus de lui que l’autorité nominale et irresponsable du président de la République. Les parlementaires, déchainés, sont nombreux à réclamer le départ du général en chef, tel Clemenceau qui l’abjure « à faire sans délai un rigoureux exemple sur le chef qui n’a pas compris que la négligence aujourd’hui est une trahison ». Malgré la détérioration de leurs rapports, amplifiée par l’affaire du XVe C.A. et des relations difficiles avec la presse, le ministre refuse assez paradoxalement de se séparer de Joffre, acceptant dès lors d’endosser la pleine et entière responsabilité des événements.


Poincaré, face à la méfiance grandissante que suscite l’équipe en place, en particulier le ministre de la Guerre, décide de faire entrer au gouvernement un large panel de sensibilités politiques et consulte Briand, Millerand et Delcassé, ces « personnages consulaires qui intriguent dans l’ombre » (Messimy, 1937).

Ambitieux et opportunistes, les trois hommes viennent dès le 6 août offrir tous les jours leurs services, conscients d’être de plus en plus incontournables. Ces démarches ne peuvent rester bien longtemps secrètes et amènent les membres du conseil de Défense – Messimy, Augagneur, Malvy – réunis autour des deux têtes de l’Exécutif, à s’interroger sur d’éventuelles responsabilités à leur donner. Malvy propose que l’un d’entre eux prenne dans l’immédiat la tête de l’organisme qu’il souhaite créer pour s’occuper du ravitaillement de la population et de l’assistance aux familles de militaires. Un décret est signé le jour même par le ministre de l’Intérieur, portant création d’une Commission supérieure chargée d’étudier les diverses questions intéressant le ravitaillement de la population civile, les mesures à prendre en ce qui concerne la main-d’œuvre rurale, le chômage, l’assistance et l’hygiène. Millerand en profite également pour reprendre contact avec la rue Saint-Dominique et rencontrer Messimy le plus souvent possible, se déclarant prêt à travailler à ses côtés comme ministre ou secrétaire d’État. Il s’attache surtout à débuter une guerre sourde contre l’occupant de l’hôtel de Brienne. Prêt à tout, il trouve également le moyen de se faire déléguer par le commissaire du ravitaillement pour être son représentant en Grande-Bretagne, « au risque de mécontenter les Anglais et d’inquiéter l’opinion publique, qui se demande à quoi correspond cette combine ». Poincaré s’étonne d’une telle démarche de la part de son ami et charge Messimy et Noulens de lui faire entendre raison. Clemenceau, oubliant ou cachant son hostilité envers Poincaré, en profite pour lui souffler, au cours de discussions informelles, quelques noms de députés prêts à entrer dans une nouvelle combinaison ministérielle – Pichon, Ribot, Deschanel – sans arriver à tromper son hôte, conscient que la trêve politique qu’on lui offre ne durera pas.


La chute du gouvernement


Plus le temps passe, plus le président Poincaré se plaint du manque de coordination au sein du ministère Viviani, dont le chef lui apparaît inerte, comme absent et étranger au conflit, tout en reprochant à Messimy de le tenir volontairement à l’écart de la situation militaire. Ne disposant que de peu de moyens d’information, il ne reçoit aucun renseignement des différents ministères régaliens, puisque placé par sa fonction hors des rouages des décisions gouvernementales. Il n’a donc aucune prise et ne peut exercer le moindre contrôle politique sur son ministre de la Guerre, lui-même bien démuni face à un G.Q.G. très attentif à conserver ses prérogatives. Devant ces lacunes qu’il déplore, Poincaré exige que le ministère lui communique à titre confidentiel tous les renseignements en sa possession, estimant que de par sa fonction, il a le devoir impérieux et par conséquent le droit intégral de se tenir au courant de tout ce qui se déroule aux frontières. Face à un ministre qu’il juge réfractaire à ses demandes, il n’hésite pas à développer des circuits d’information parallèles en recevant librement, hors de la présence des ministres, toute personne qui demande à le rencontrer. De son côté, Messimy, s’il obtient bien du G.Q.G. tous les matins des renseignements sur les événements, s’aperçoit un peu tard que ces informations sont erronées ou notoirement insuffisantes. Soucieux de rassurer une opinion publique en train de se retourner et qu’il craint de ne pouvoir contenir, Messimy appelle Joffre pour obtenir des explications alors que les relations entre les deux hommes se dégradent un peu plus. Le général en chef n’a pas apprécié la nomination de Gallieni comme ad latus, subodorant une certaine forme d’entrisme du gouvernement, tout comme il n’apprécie guère les critiques de Clemenceau. Ce dernier se plaint régulièrement des communiqués officiels qui taisent, d’après lui, « nos échecs et célèbrent un peu exagérément nos victoires ».Après trois semaines de guerre, Poincaré convainc Viviani de la nécessité d’élargir le cabinet en faisant appel au moins à Briand, « une des premières forces qu’il convient d’utiliser », même si le président du Conseil le juge ignorant et paresseux. Le président de la République souhaite surtout le départ de Messimy, auquel il reproche son manque d’ascendant sur Joffre tout autant que ses colères et son énervement. Tout s’accélère quand, au cours du Conseil des ministres du 25 août au matin, alors que la situation sur le front est tendue, Poincaré se lance dans un vibrant plaidoyer sur le statut juridique de l’Albanie. C’est est trop pour le ministre qui, devant l’indifférence manifeste du président du Conseil et du gouvernement face « au péril mortel dans lequel nous place la défaite de nos armées sur la gauche, qui ouvre à l’ennemi la route de Paris », s’emporte en s’exclamant « on se fout de l’Albanie » (Messimy, 1937). Après un silence gêné, Poincaré, « du petit ton de magister pincé que lui ont connu tous ceux qui ont délibéré sous sa présidence », tance le ministre de la Guerre et lui demande de mesurer ses propos. À l’issue, plusieurs ministres reprochent à Messimy son comportement avant de reporter leur colère et leur peur sur Joffre dont il demande la démission, au prétexte que « l’opinion publique n’admettra pas qu’il n’y ait pas un responsable ».

Dès le lendemain, Poincaré conduit des pourparlers interminables avec Briand qui continue à manœuvrer pour que le cabinet soit entièrement remanié. Millerand est prêt à accepter un portefeuille ministériel pour peu qu’on lui laisse, à la Guerre, en plus de l’administration militaire, les communications avec la presse et l’armée. Messimy, quant à lui, refuse d’abandonner la moindre parcelle de ses prérogatives. Dans l’après-midi, il se présente à l’Élysée d’où il voit sortir Briand, Millerand et Delcassé. Reçu successivement par Poincaré puis Viviani, Messimy est remercié au nom de l’Union sacrée, « pour la tâche énorme accomplie », tout en se voyant proposer un poste de ministre d’État sans portefeuille. La discussion dégénère et face à ce qu’il considère comme de la mauvaise foi et des accusations qu’il juge irrecevables, Messimy refuse de quitter ses fonctions, obligeant l’ensemble du gouvernement à démissionner.Son départ est salué par de nombreux journalistes dont Clemenceau, qui se déclare persuadé, à tort, que « la stratégie de l’offensive dans la défensive » a été imposée à Joffre par « le stratège en chambre » du ministère. Il se déclare persuadé que son successeur Millerand, qu’il n’apprécie pourtant guère, « ne manquera pas de laisser au général Joffre la direction des opérations [pour] s’impliquer à perfectionner sans relâche l’armée qu’il met entre les mains du généralissime » (le Courrier de Saône-et-Loire). En revanche, d’autres préfèrent souligner que Messimy a fourni « au ministère de la Guerre un labeur formidable et donné jour et nuit toutes ses forces et son cœur à l’écrasante mission qui lui incombait » (Le Rappel et Le Courrier de l’Ain). Le Temps, qui ne le compte pas parmi ses amis politiques, reconnaît que l’ancien ministre « a supervisé la mobilisation avec un succès incontestable […] ayant à cœur de ne point gêner les techniciens ». Il est effectivement incontestable que, malgré un caractère difficile et des moments d’exaltation qui contrastaient avec le calme de Joffre (Franc, 2012), Messimy a su mettre en ordre de marche le ministère de la Guerre, n’en déplaise à ses détracteurs.


Départ pour le front


Le 30 août, en uniforme de chasseurs à pied, le chef de bataillon de réserve Messimy vient faire ses adieux au chef de l’État, alors que Viviani refuse de le recevoir. L’entretien entre les deux hommes est cordial malgré le ressentiment à son égard de Poincaré. Le président de la République, qui comptait bien se placer au centre du pouvoir politique, n’a pas apprécié que la nation, dans un réflexe patriotique, se rassemble autour des combattants et du quartier général, au cœur des opérations (Bellon, 2016). À la veille de rejoindre l’état-major du XIVe C.A., Messimy sait également, comme lui a conseillé son ami Théodore Steeg, que « le ministre d’hier [ne doit pas] s’effacer derrière le chef de bataillon d’aujourd’hui ». Il saura ne pas se faire oublier.


(1) Messimy est arrivé à l’hôtel de Brienne avec un programme tout établi qu’il s’est empressé d’envoyer aux différents bureaux du ministère et à l’EMA. Ce programme s’articulait autour des points suivants : l’organisation générale de l’armée, le recrutement et les effectifs, le recrutement, l’instruction et l’avancement de l’ensemble des officiers, toutes armes et services confondus.

(2) Depuis son premier passage au ministère en 1911 où il est resté six mois et quatorze jours, cinq titulaires (Millerand, Lebrun, Etienne, Noulens et Delcassé) lui ont succédé, seul Lebrun restant un peu plus d’un an à son poste.

(3) En 1911, alors ministre de la Guerre, Messimy avait engagé un programme d’amélioration des camps d’instruction de 130 millions de francs, soutenu par Millerand mais fortement amputé par ses successeurs à la demande du ministère des Finances.

(4) Malgré l’urgence de la situation soulignée par Messimy lors de son premier passage rue Saint-Dominique, le projet de loi prévoyant l’adoption d’un nouveau modèle de chaussures de campagne, signé par le Sénat en 1911, n’est approuvé par la Chambre des députés qu’en mars 1914, bien trop tard.

(5) Maître Moro-Giafferi, avocat du député Humbert dans le procès intenté à son client en mai 1919, renouvelle cette accusation en déclarant que ce discours « fut écrit en grande partie par le général Guillaumat, et corrigé par le général Messimy, alors ministre de la Guerre ».

(6) Si Clemenceau admet les réticences au changement de l’administration de la Guerre, il reconnaît « la loyauté » du ministre qui n’a « point nié que les divers services de la guerre n’étaient point exempts de tout reproche ».

(7) Les locaux du ministère n’ont guère changé depuis la guerre franco-prussienne de 1870. Les conditions de travail, dans des bureaux sombres, parfois insalubres et sans lumière, n’incitent pas à la mobilisation, les employés cherchant le plus souvent à se prémunir des vicissitudes ministérielles.

(8) Tous les ministères sont bien évidemment totalement désorganisés à l’issue de la mobilisation mais aucun, en ce début de guerre que beaucoup imaginent courte, n’est confronté à un aussi grand défi. Seul le ministère des Finances a prévu un dispositif financier spécifique pour le temps de guerre, ce qui ne l’empêche pas de connaître une grave crise, en termes de personnels, de structures et de gestion.

(9) Alors que 207 employés civils du ministère sont mobilisés, dix spécialistes – lithographes, plombiers, électriciens et menuisiers – sont placés en sursis d’appel de 21 jours minimum. Le 24 octobre 1914, cinquante civils du Service intérieur sont mis à disposition des services du recrutement.

(10) Officialisée par la loi du 5 août 1914.

(11) Si nous retrouvons ainsi le jacobin qui sommeille en lui, Messimy a expliqué après la guerre n’avoir jamais vraiment envisagé d’arriver à une telle extrémité, justifiant que de tels propos relevaient de son devoir de ministre en raison du lien de subordination inaliénable de l’autorité militaire.





Principales sources et bibliographie :


R. Poincaré, Notes journalières, mars-août 1914.R. Boucard, Les secrets du G.Q.G., 1936.Messimy, Mes souvenirs, 1937.J.J. Becker, 1914 : comment les Français sont entrés en guerre, 1977.P. Rocolle, L’hécatombe des généraux, 1984.F. Bock, L’exubérance de l’État en France de 1914-1918, Vingtième Siècle, Revue d’histoire, 1984.C. Carré, Histoire du ministère de la Défense, 2001.C. Franc, Le haut-commandement français sur le front occidental 1914-1918, 2012.C. Bellon, Aristide Briand, la République apaisée ? 2016.C. Robinne, Adolphe Messimy (1869-1935), héraut de la République, thèse de doctorat, 2019.Archives du SHD, du SSA et des Archives nationales.Archives privées.




Les sept ministres de la Guerre (1914-1918)


Ils sont sept ministres à s’être succédés entre 1914 et 1918 au ministère de la Guerre : quatre parlementaires et trois militaires. Si Gallieni, Lyautey et Roques ont finalement généré assez peu de remarques désobligeantes durant leur passage rue Saint-Dominique, si Georges Clemenceau, surnommé à l’issue du conflit de « père la Victoire » a remporté pratiquement tous les suffrages, il n’en est pas de même pour Adolphe Messimy, Alexandre Millerand et Paul Painlevé. Ces trois hommes concentrent toutes les critiques, à la fois des parlementaires, de la presse mais également des militaires. Qu’en a-t-il été exactement ? Ont-ils tous les trois failli à leur mission ou peuvent-ils bénéficier de circonstances atténuantes ?Commençons ce tour d’horizon par Adolphe Messimy, en poste de juin à août 1914 !



Pour pallier aux carences du Service de santé


Face aux carences du Service de Santé, il s’avère urgent de faire appel à toutes les ressources disponibles. En cette période difficile, les trois sociétés qui forment le comité central de la Croix-Rouge, la Société de Secours des blessés militaires, l’Association des Dames françaises et l’Union des Femmes de France, se retrouvent en première ligne pour soutenir l’effort du Service de Santé militaire. Objet de plusieurs décrets du ministère de la Guerre au cours des années écoulées, elles ont pour mission de trouver des locaux, de former du personnel sanitaire, de constituer des stocks de matériels et de linge pour parer à leur fonctionnement. Dès la déclaration de guerre, elles recrutent des infirmières volontaires pour rejoindre des différents postes établis dans la zone de l’Intérieur, l’accès au champ de bataille leur étant interdit. En parallèle, des ambulances privées éclosent çà et là. Messimy s’empresse alors de soutenir l’initiative de son épouse qui organise aux alentours du 10 août, une première ambulance au lycée Henri IV. Peu après, grâce aux importants dons qu’elle reçoit pour compenser la faiblesse des subventions accordées par le ministère de la Guerre, cette ambulance, devenue hôpital bénévole dépendant de l’hôpital du Val-de-Grâce (VG3), s’installe dans les locaux de l’école Polytechnique, 21 rue Descartes dans le 5e arrondissement de Paris. Placé sous la direction de madame Carteron et du médecin chef Chantemesse, il ouvre ses portes le 25 août 1914. L’appropriation des locaux est faite au frais de madame Messimy qui prendra en compte jusqu’au 30 juin 1915, grâce aux dons et à sa fortune personnelle, tous les frais de fonctionnement (nourriture, chauffage, éclairage, blanchissage, médicaments…). À cette date, une convention est signée avec le service de santé du GMP, les dépenses étant pour partie à charge du SSA, pour partie à madame Messimy. Comprenant 355 lits fournis par l’établissement scolaire, armé par des bénévoles et par deux détachements militaires, il est intégré le 1er janvier 1917 au service de santé sous la dénomination d’hôpital complémentaire VG3.



Le Bulletin militaire des armées de la République


Messimy, avec l’appui du gouvernement, décide de créer le 14 août un journal destiné à éclairer les soldats sur les opérations, le Bulletin militaire des armées de la République. Placé sous le haut patronage du président du Conseil dont « c’est l’honneur de sa vie d’avoir pu communiquer à travers l’espace avec cette jeunesse glorieuse qui, à l’appel de la Patrie, s’est dressée frémissante et prête au combat », cette revue, qui doit pallier l’absence de journaux, est réservée à la zone de l’armée. Elle doit apporter « à tous ceux qui combattent […] sur le front, un puissant réconfort », en fournissant aux officiers et hommes de troupe, les informations leur permettant de « mesurer l’importance de leurs efforts individuels dans l’effort national ». Paraissant d’abord quotidiennement puis deux fois par semaine dès le mois de septembre 1914, avant de devenir hebdomadaire en 1916, ce fascicule de quatre pages, vecteur d’une certaine propagande officielle qui cherche tout autant à déshumaniser l’ennemi qu’à glorifier les troupes françaises et alliées, permet aux soldats de rester informés, même si leur adhésion aux articles publiés n’est pas sans réserve. Concurrencé par les journaux de tranchées rédigés directement par les soldats, de moins en moins lu, il devient « sans utilité, sans intérêt et sans lecteurs ». Devant ce constat sans appel de celui qui en est à l’origine, il disparaît le 12 décembre 1917 avec le numéro 276 « par raisons budgétaires », d’après une note laconique du ministère de la Guerre.

 
 
 

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