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Le monument aux morts

Imposant, grandiose, gigantesque, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le monument aux morts de Nice. Celui-ci, un des plus beaux de France si ce n’est le plus beau, se veut très optimiste, très jeune tout en rappelant aux visiteurs que près de 4 000 Niçois sont morts au cours de la Grande Guerre. Ce monument, situé quai Rauba Capeù (1) est un lieu incontournable de l'histoire de Nice.

Dès 1915, Louis Martiny, conseiller municipal de Nice, suggère que soit édifié « aux enfants de Nice morts pour la Patrie un monument digne d’eux et de leur ville natale ». Même si la Grande Guerre est encore bien loin d’être achevée, le devoir de mémoire émerge déjà dans les esprits et ils seront encore nombreux parmi les Niçoises et les Niçois à perdre qui un père, un frère, un fils un ami, un voisin… tués aux combats ou décédés de leurs blessures dans les hôpitaux du front ou de l’arrière avant l’armistice du 11 novembre 1918.


Un projet « grandiose »


Cependant ce projet de « monument du souvenir » est loin d’être tombé aux oubliettes. Ainsi, au cours d’une réunion du conseil municipal du 31 décembre 1918, il figure au programme de la séance et est approuvé par délibération. Le site retenu pour cette édification est celui du « rocher sacré », — la colline du château – « face à la mer […] au pied du donjon qui fut le témoin de notre histoire locale, près de l’Acropole Niçoise ». Le choix de ce site est symbolique car outre sa beauté naturelle, la colline du château est le berceau de Nice. Les élus souhaitent ainsi que le monument soit implanté au cœur de la cité mais en étant assez éloigné des voies de circulation afin de privilégier le recueillement. L’édifice sera donc bâti dans les anciennes carrières qui ont fourni les pierres nécessaires aux constructions des quais du port au XVIIIe siècle ainsi qu’à la grande jetée à la fin du XIXe siècle.Un concours est alors ouvert et en 1919, sur 54 projets présentés, 32 sont retenus et exposés dans le hall du casino municipal. En majorité originaires du sud-est de la France, les concurrents ont servi sous les drapeaux lors de la Grande Guerre, l’un d’entre eux est même une « gueule cassée », deux ont eu des frères morts au combat. Le jury qui réunit des conseillers municipaux dont le premier adjoint au maire, Jules Febvre – architecte à Nice de l’hôtel Majestic (1909) et de l’église Notre-Dame-Auxiliatrice (1933) à – retient finalement cinq projets :

À la ligne à chaque  tiret

- « Capeline niçoise sur fond blanc » par Roger Séassal, architecte 

- « Palme d’or et ruban tricolore », par Paul Tournon, architecte 

- « Gloria » par Pierre Guidetti ;- « Arma virum que cano » par Gaston Messiah

- « À mon frère » par Marecel Dalmas. Le projet retenu sera celui du Niçois Roger Séassal. Il s’associe avec le sculpteur parisien Alfred Janniot ;


On peut qualifier le projet initial de Roger Séassal de « grandiose» par son ampleur puisqu’il devait occuper l’intégralité de la colline mais aussi au niveau financier. Du reste, ce dernier point conduit le préfet à le refuser. L’architecte doit donc revoir son projet entre 1919 et 1921. Hélas pour lui, il se penchera plusieurs fois sur ses plans pour les modifier. La dernière fois est à la demande de l’entrepreneur en charge de décaisser la colline pour y construire le monument. Ne parvenant plus à s’acquitter de sa tâche, il demande à Roger Séassal de diminuer son projet de quatre mètres en raison d’un risque d’instabilité de la colline. Ce n’est finalement que le 11 décembre 1924 que les travaux d ‘édification peuvent débuter.Il faudra un peu plus de trois années de labeur pour que le 28 janvier 1928 le monument soit inauguré par le maréchal Foch, en présence d’une foule impressionnante de Niçois. Au cours de la cérémonie, des familles ont déposé les plaques d'identité de leurs morts dans un reliquaire de bronze qui a été scellé dan l’urne funéraire. Dans le discours qu’il a prononcé le maréchal a rappelé le sacrifice des enfants de Nice : « Pour nous quels souvenirs ce monument ne représente-t-il pas ? C’est l’histoire des divisions du 15e Corps qu’il évoque à nos yeux, depuis les jours pénibles du mois d’août 1914 jusqu’au matin ensoleillé  de la Victoire […] Derrière eux, ne saurons-nous pas, à l’exemple de nos morts, reformer et resserrer nos rangs dans l’ordre de l’union ? »


Le monument


D’une hauteur de 32 mètres, cet imposant monument aux morts se fond parfaitement dans la colline du château. Il est composé d'un grand parvis de 1500 m2 et d'un cénotaphe. Au pied de l’édifice, se trouvent cinq marches où est gravée sur chacune d'entre elles une année du conflit  (1914, 1915, 1916, 1917 et 1918).


Des deux côtés du parvis – lequel permet d’avoir une vue d’ensemble de l’édifice – des stèles sont ornés de bas-reliefs représentant l’infanterie, l’artillerie, la cavalerie, le génie, la marine et l’aviation en l'honneur des corps d'armée ayant participé au conflit. L’urne monumentale en pierre de taille, de forme ronde et évasée comporte une coupole qui repose sur des colonnes dont l’ouverture est encadrée par trois arcs en ressaut monumentaux. Figurent sur le bandeau de cette coupole, au-dessus des colonnes, les noms des grandes batailles comme la Marne, Verdun, l'Artois… Sur le socle de l’urne, à gauche et à droite de l’aigle de Nice, deux hauts-reliefs symbolisent la Guerre et la Paix, une allégorie certes classique mais combien irremplaçable. « Ainsi les désastres de la violence générés par la première [la guerre] trouvent en écho l'apaisement et le bienfaits suscités par la deuxième [la paix] » (2). La Paix y est représentée par la famille composée d’un père, d’une mère et de son enfant, d’un épi de blé et de bœufs qui labourent (amour du foyer, fécondité et travail) ; la Guerre par des héros mis en valeur sous la forme de guerriers aux longs cheveux qui ont combattu avec courage (liberté, force, feu sacré et victoire).Enfin sont gravés les noms des Niçois tombés au champ d’honneur. Les premiers ont été tués au cours de la bataille de Dieuze les 19 et 20 août 1914, les derniers sont décédés en 1924 chez eux ou encore à l’hôpital. À leurs noms se sont ajoutés ceux tombés au cours de la Seconde Guerre mondiale mais également en Indochine et en Algérie.


Le reliquaire


Après l'inauguration du monument a été scellée dans l'urne un reliquaire en bronze contenant les plaques d'identité des soldats niçois morts pour la Patrie. La veille de l'inauguration du monument aux morts, ce reliquaire avait été déposée dans la salle du conseil municipal où les familles en deuil ont pu trois jours durant déposer les plaques d'identité de leurs morts. Pour les familles ne souhaitant pas déposer ces plaques ou simplement les garder, il leur était possible de se rendre au bureau militaire de la mairie afin d'y recevoir une plaque spécialement conçue pour le reliquaire. Le jour de l'inauguration, un caisson d'artillerie l'a acheminé  jusqu'au monument aux morts au cours d'une procession constituée d'un cortège de veuves, d'ophelins, de mutilés et d'anciens combattants. Selon la presse locale de l'époque, ce reliquaire contenait entre 2 et 4000 plaques d'identités de soldats niçois morts au cours de la Première Guerre mondiale.


Le 1er octobre 2018, la direction du patimoine historique de la ville de Nice demandait au service archéologique de la métropole de Nice Côte d'Azur de retrouver ce reliquaire en bronze scellée à l'intérieur de l'urne du monument aux morts. L'objectif de cette opération était de l'extraire pour en vérifier son état et si nécessaire le restaurer mais aussi de l'étudier afin d'obtenir de plus amples informations. Le 26 octobre 2018, il est donc extrait du monument. il est pratiqué un nettoyage pour enlever l'oxydation de surace puis une couche de cire est appliquée sur le surface en métal afin de le protéger. l'état de conservation de ce reliquaire, après 90 ans, étant jugé très satisfaisant. Cette œuvre, de style art déco, représente l'aigle de Nice. D'un poids de 31,5 kg sur une longueur totale de 28 cm, il a été dessiné par Jules-Ange Bouchon. Le contenu de sa boîte est symboliquement protégé à la fois par les ailes de l'aigle et les trois collines niçoises représentées à l'arrière du couvercle. Le rivage méditerranéen de la ville de Nice est dessiné par des lignes ondulées situées à la base des trois collines et sous les ailes de l'animal. Sur la parois supérieure du couvercle est gravée cette inscription : « Nice fière de ses fils morts pour la France confie à son aigle la garde de leurs souvenir. 29 janvier 1928. »D'autre part, un examen radigraphique a permi d'observer le contenu de la boîte. Les plaques d'identité des soldats sont disposées en quatre niveaux. D'autres objets y figurent également comme des médailles militaires. il n'a pas été procédé à l'ouverture du reliquaire et par conséquent il a donc été impossible de vérifier le nombre exact de plaques d'identité des soldats niçois y figurant. Le reliquaire, comme il était prévu, a donc été remis à sa place d'origine le 3 décembre 2018.

 

(1) En niçois Rauba Capeù signife vole chapeau. Ce nom se justifie par l'exposition aux vents marins dominants conjugués : levante : vent d'Est et Lebech : vent de sud-Ouest.

(2) Notice EA 06141159, base Mérimée, ministère de la Culture

 

 

 

 

Pour aller plus loin sur le sujet :Paul Isoart, « Veilleurs de pierre, mémoire des vivants. Les monuments aux morts du Comté de Nice et du Mentonnais », Nice-Historique, 1999, n°185, pp. 193-243.https://m2patrimoine.univ-lemans.fr/fr/lieux-de-memoire/le-monument-aux-morts-de-nice-a-rauba-capeu.htmlhttps://cultivez-vous.nice.fr/patrimoine/larcheologue-au-service-du-passe-recent-le-reliquaire-du-monument-aux-morts-de-nice/

 

 

 

 

 


Roger Séassal


Roger Pierre Séassal est né à Nice quartier Saint-Maurice le 14 novembre 1885. Élève à l’École nationale supérieure des beaux-arts, il est lauréat du grand prix de Rome en 1913. Il séjourne à la Villa Médicis entre le 1er février et le 2 août 1914 où il est mobilisé. Au cours de la Grande Guerre, il a notamment combattu lors de la bataille Verdun (1916).Après-guerre et jusque dans les années 1960, il réalise de nombreux bâtiments publics à Paris et dans sa région natale. Ainsi il est notamment l’architecte du casino d’été du Palm Beach à Cannes en 1928-29 (qu’il reconstruit e 1947) et du lycée Claude Monet à Paris.Il est élu conseiller municipal à Nice pendant deux mandats, de mai 1929 à la Deuxième Guerre mondiale. Comme adjoint au maire, il a été l’un des organisateurs de la visite présidentielle du président Doumergue à Nice dont la cérémonie commémorative au monument de Rauba-Capeù était l’un des points d’orgue.Il est décédé à paris le 6 mars 1967.

 


Alfred Janniot


Alfred Auguste Janniot est né le 13 juin 1889 à Paris. Élève du sculpteur Jean-Antoine Injalbert à l’École des beaux-arts de Paris, il fait partie de la génération des « artistes du feu ». Revenu de la Grande Guerre, il obtient en 1919 le premier prix de Rome de sculpture. Il est un sculpteur très apprécié de Paris à New-York dans les années 1930 comme tailleur de pierre autant que modeleur. À Nice, outre le monument aux morts qu’il a bâti avec l’architecte Roger Séassal, il a réalisé les bronzes de la fontaine du Soleil place Masséna. À New-York, il est l’auteur du bas-relief, Friendship between America and France, à l’entrée de la Maison de la France au Rockfeller Center.Professeur à l’École des beaux-arts de Paris de 1945 à 1959, il est élu en 1961 au cinquième fauteuil de l’Académie des beaux-arts, section sculpture.Il meurt à Neuilly-sur-Seine le 15 juillet 1969.

 

 

 

 
 
 

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