Le palais du Luxembourg quatre siècles d'histoire
- anaiscvx
- May 2, 2024
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6e arrondissement
Mathieu Geagea
Construit il y a quatre siècles, agrémenté d’un jardin de plus de vingt-deux hectares, le palais du Luxembourg, situé aux limites du Quartier latin, au cœur du 6e arrondissement, détonne dans son architecture par son croisement entre son inspiration de renaissance italienne et l’influence de la renaissance française. Lieu de pouvoir depuis la fin du XVIIIe siècle lorsque le Sénat s’y installe, le palais du Luxembourg a traversé depuis lors les régimes successifs en conservant sa vocation parlementaire à l’exception de quelques courtes périodes.

La trace la plus lointaine de ce qui deviendra bien plus tard le palais du Luxembourg remonte à l’époque gallo-romaine. Des villas et un camp militaire ont alors été bâtis sur cette rive gauche de Lutèce. Cependant, ces constructions ne résisteront pas aux envahisseurs barbares, Germains et Huns qui n’y laisseront que des ruines.
Quelques centaines d’années plus tard, au début du xie siècle, le roi Robert II le Pieux, désireux d’établir sa résidence hors de Paris, acquiert un vallon planté de vignes appelé « Le Vauvert ». C’est sur ce terrain, au sud de la limite de la capitale, qu’il fait élever un château. À la mort du monarque, survenue en 1031, le château se retrouve abandonné au milieu de la végétation et devient très vite un lieu inquiétant. Ses murs tombent en ruine et servent de refuge à une population de brigands et de mendiants. Le château de Vauvert devient, au fil des années, une des premières cours des miracles aux portes de la capitale. Perçu comme un endroit maléfique et hanté, il aurait ainsi donné naissance à l’expression populaire « aller au diable Vauvert ».
Deux siècles plus tard, le roi Louis IX (Saint-Louis), animé du souhait d’attirer les ordres religieux vers Paris, concède le terrain et les ruines de Vauvert à l’ordre des Chartreux. Le 21 novembre 1257, les religieux arrivent sur place et entreprennent d’exorciser les lieux. Avec l’appui de Saint-Louis, ils décident ensuite d’y fonder un monastère, notamment grâce à l’affluence des dons qu’ils récoltent. Celui-ci prospérera jusqu’à la Révolution française et deviendra célèbre pour ses pépinières, lesquelles ont été conservées jusqu’à nos jours, au sud des actuels jardins du Luxembourg. C’est à quelques centaines de mètres du monastère des Chartreux qu’Alexandre de la Tourette, premier Président de la cour des monnaies de Paris se fait construire un hôtel particulier à partir de 1546 qui sera achevé sept ans plus tard. Néanmoins, Alexandre de la Tourette ne profitera pas longtemps de sa nouvelle propriété. Onze ans plus tard, en 1564, saisi par ses créanciers, l’hôtel est adjugé à la veuve d’un conseiller au Parlement de Paris, Jacqueline de Morainvilliers. Cette dernière le cède six ans après, moyennant 1 000 livres de rente, à François de Luxembourg, prince de Tinguy. Ce dernier va en demeurer le propriétaire pendant plus de quarante ans jusqu’à ce que la reine Marie de Médicis en devienne acquéreur, le 2 avril 1612. Déjà âgé de soixante-six ans, François de Luxembourg cède son bien à la reine pour la somme de 90 000 livres. Il décédera l’année suivante.
C’est durant cette même année 1613 que Marie de Médicis achète quelques maisons particulières situées à proximité de l’hôtel qu’elle vient d’acquérir. Régente du royaume depuis l’assassinat de son époux, Henri IV, survenu trois années plus tôt, Marie de Médicis ne souhaite pas rester dans le vétuste palais du Louvre qu’elle n’a jamais aimé et où elle s’ennuie passablement. La souveraine aurait pu alors poursuivre les travaux d’agrandissement du palais des Tuileries, situé en face du Louvre, et dont la construction a été lancé par la reine Catherine de Médicis près d’un demi-siècle auparavant. Mais, la veuve d’Henri IV souhaite faire sortir de terre un château inspiré du palais Pitti, à Florence, où elle a vu le jour, joyau du style Renaissance.
De style français avec une touche florentine
Marie de Médicis fait appel à l’architecte Salomon de Brosse pour concevoir les plans de son futur palais, dont le chantier débute trois ans plus tard. Pour la pose de la première pierre, le 1er avril 1615, trois ans presque jour pour jour après l’acquisition des terrains, la reine se déplace en personne et fixe dans les fondations, selon l’usage, quelques médailles en or. À la fois auteur du projet et chef du chantier, Salomon de Brosse a notamment la tâche de coordonner l’action de toute une équipe formée d’architectes royaux parmi lesquels figurent son cousin Jean Androuet du Cerceau, mais également Pierre Le Muet ou les frères Clément et Louis Métezeau.
Dès le début de cette entreprise, le palais Pitti de Florence constitue, sans conteste, le modèle de référence, comme en témoignent les nombreux échanges de courriers entre Paris et Florence, ainsi que l’envoi dans la capitale de la Renaissance, sur ordre de Marie de Médicis, de l’un des deux frères Métezeau pour procéder à des relevés précis. Cependant, Salomon de Brosse ne conçoit le palais Pitti que comme une source d’inspiration et n’entend pas ériger aux portes de Paris une pâle copie de ce magnifique monument florentin. En réalité, le plan qu’il a dessiné est davantage de style français sur lequel il a ajouté une touche florentine. Du point de vue de la composition architecturale, le futur palais combine en effet les éléments des deux traditions architecturales, l’italienne et la française, très différentes par la manière de composer, de construire et d’habiter. D’un côté, Salomon de Brosse s’est inspiré du palais Pitti dans l’utilisation des bossages, des colonnes annelées, des chapiteaux toscans et des trois ordres architecturaux superposés (dorique, ionique et corinthien), mais également dans le dessin des travées et de certains de leurs détails. En outre, la sobriété du style s’éloigne de manière sensible des surabondances décoratives qui avaient caractérisé une grande partie de l’architecture française de la fin du xvie siècle. Mais, aux élévations italianisantes, le futur palais, tout en témoignant d’un esprit nouveau, répond aussi, dans sa disposition et dans ses volumes, au plan traditionnel du château français de la Renaissance.
Les références à la cour carrée du Louvre, par exemple, s’inscrivent dans la tradition royale française, de même que le corps de logis principal au fond de la cour, les ailes en retour contenant des galeries, les pavillons d’angle surélevés, l’aile basse qui fait écran sur la rue, et les éléments clés de la composition et de la distribution alignés sur le même axe avec le pavillon d’entrée, l’avant-corps du corps de logis principal, le grand escalier et le passage au jardin.
À partir de 1615, commence donc à s’élever un majestueux palais dont la cour d’honneur, plus large que profonde, se trouve enveloppée de bâtiments sur trois de ses côtés. Au fond de la cour d’honneur, l’avant-corps du bâtiment central offre les trois ordres architecturaux superposés. Les deux bâtiments d’aile se terminent par des pavillons dressés aux deux extrémités de l’entrée, en bordure de rue. La cour d’honneur est fermée par une galerie surmontée d’une terrasse dont les bras aboutissent à une porte monumentale, laquelle est constituée d’un corps avancé quadrangulaire coiffé d’un dôme circulaire. Le rez-de-chaussée dorique, avec ses fenêtres plein cintre, ajoute à la robustesse de l’ensemble. La façade sud, quant à elle, qui donnera sur les jardins, sera pourvu d’un pavillon central à dôme de plan carré, un grand fronton et une terrasse à balustre.
Un goût prononcé pour les arts
À peine deux ans après la pose de la première pierre, Marie de Médicis doit, en 1617, s’exiler au château de Blois sur ordre de son fils, le jeune roi Louis XIII. Malgré cet éloignement, le chantier de construction du palais se poursuit. Lorsque la reine retrouve les faveurs de son fils et effectue son retour à Paris après quatre ans d’exil, la moitié du palais est quasiment achevée. Marie de Médicis projette alors d’y aménager deux appartements symétriques, chacun doté d’une galerie autonome. En face de ce qui deviendra l’appartement de la reine, la souveraine envisage de dédier l’aile orientale de son palais à la mémoire d’Henri IV et du couple qu’ils formèrent ensemble. Étant donné que cette résidence royale n’avait pas vocation à n’être occupée qu’à moitié, l’initiative de Marie de Médicis laissait à supposer que cette aile orientale pouvait être destinée à accueillir le roi Louis XIII lors de ses visites.
C’est durant cette année 1621 que débute la décoration intérieure, laquelle est confiée au conseiller en art de la reine, l’antiquaire et collectionneur Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, et au peintre Nicolas Duchesne. Ce dernier s’entoure des talents de deux de ses confrères, Nicolas Poussin et Philippe de Champaigne, notamment pour y réaliser des dessins de lambris avec des pots de fleurs et des paysages. Pour décorer la grande galerie de son appartement, Marie de Médicis, sur les conseils d’Armand Jean du Plessis de Richelieu, ministre des Affaires étrangères de Louis XIII – lequel avait œuvré avec succès à la réconciliation entre le roi et sa mère – commande auprès du peintre flamand Pierre Paul Rubens une série de vingt et un tableaux brossant les grands épisodes de sa vie.
Formé en Flandre, en Italie et en Espagne entre 1600 et 1608 avant de venir s’installer à Anvers, Rubens, devenu l’un des peintres les plus appréciés en Europe, a déjà fait fortune et se trouve à la tête d’un immense atelier. Honoré par cette commande prestigieuse et sans équivalent, l’artiste s’engage à réaliser tous les tableaux du « Cycle de Marie de Médicis » en seulement quatre années. En outre, métamorphoser une femme lourde, colérique, superstitieuse, aux traits épais et au regard vide en une fringante héroïne de roman relève de la gageure. En usant de représentations allégoriques destinées à glorifier les événements, même les plus banals, de l’existence de Marie de Médicis, depuis sa naissance jusqu’à la régence, Rubens, mêlant histoire et mythologie, va peindre des portraits extravagants de la reine-mère entourée de dieux antiques et parfois même divinisée, l’ambiguïté des personnages étant essentiellement utilisée pour présenter la souveraine sous son meilleur jour.
À la demande de la reine, Rubens se rend à Paris en 1622 puis en 1623 en ayant déjà réalisé neuf tableaux. Il revient à nouveau en 1625 pour livrer la totalité des peintures du cycle et termine même sur place la toile intitulée « Couronnement de la reine ». La galerie devait, en effet, être inaugurée en 1625 en l’honneur des fêtes de fiançailles par procuration de Charles Ier, roi d’Angleterre, avec Henriette de France, la dernière des six enfants qu’eurent Henri IV et Marie de Médicis. « Je confesse d’être par un instinct naturel plus propre à faire des ouvrages bien grands que de petites curiosités », déclare Rubens. Le « Cycle de Marie de Médicis » témoigne de ses prodigieuses capacités de travail : vingt et une toiles de 4 m de haut, soit 300 m² de peinture, auxquelles s’ajoutent trois grands portraits de la reine et de ses parents. C’est une véritable prouesse, d’autant que la reine est mauvais payeur et que l’artiste rencontre les plus grandes difficultés à se faire rémunérer. Rubens devra se résoudre à voir la somme de 60 000 livres qui lui avait été promise réduite de 10%.C’est durant cette même année 1625, alors que les travaux ne sont pas achevés, que la reine mère emménage au premier étage de l’aile ouest de son palais. Deux années auparavant, sur la base d’un rapport de 700 pages, une procédure a été engagée contre l’architecte Salomon de Brosse, accusé d’avoir mal géré le budget du chantier. En 1624, le marché de construction du palais lui est retiré et, le 26 mars, le Conseil de la reine mère le rétrocède à l’architecte Marin de la Vallée pour le mener à bien. Marin de la Vallée intervient comme maître maçon pour réaliser l’aile nord-est suivant les plans de son prédécesseur. Ces travaux sont probablement terminés au printemps 1626. En juin, il signe un marché pour l’achèvement de la cour du palais avec le pavage de la terrasse et sa balustrade. Pendant ce temps, le peintre Philippe de Champaigne conçoit plusieurs tableaux destinés à l’oratoire et à l’appartement de la reine mère. Si ces œuvres sont appréciées par Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise et intendant des bâtiments de la reine, elles auraient cependant suscité la jalousie de Nicolas Duchesne. Dès lors, en 1627, Philippe de Champaigne préfère quitter les travaux du palais pour aller s’établir à Bruxelles.
À la mort de Nicolas Duchesne, survenue l’année suivante, il lui est proposé de lui succéder dans ses fonctions de premier peintre de la reine Marie de Médicis. De retour à Paris en janvier 1628, Philippe de Champaigne obtient un logement au palais du Luxembourg avec 1 200 livres de gages et entreprend la réalisation de plusieurs fresques sur les plafonds, veillant, notamment, à répondre au projet de Marie de Médicis, qui souhaite mettre la représentation de la dévotion au service du politique.
La réalisation des jardins
Parallèlement à l’édification du palais, Salomon de Brosse avait tracé le plan des jardins entre janvier 1612 et novembre 1614, date des premières adjudications. Dès cette période, les premières plantations d’arbres débutent. La proximité du couvent des Chartreux rend impossible la réalisation des jardins dans la perspective logique de la façade du palais. En dépit de son pouvoir, Marie de Médicis ayant échoué à faire déplacer les religieux, le cardinal de Richelieu, toujours enclin à satisfaire les desiderata de la reine mère, use alors de son influence et exerce quelques pressions qui permettent simplement de repousser le mur du couvent d’une centaine de mètres.
Les jardins s’étendent donc sur les flancs du palais. D’une largeur de seulement 300 m, ils occupent, d’est en ouest, plus d’un kilomètre de long, depuis l’actuel boulevard Saint-Michel jusqu’à l’actuel boulevard Raspail. C’est donc dans ce sens transversal que va être dessinée la grande allée. Sur la base du plan de Salomon de Brosse, la réalisation du parc est confiée à Jacques Boyceau de La Barauderie, intendant des jardins d’Henri IV, de Marie de Médicis et de Louis XIII, et considéré comme un des plus grands spécialistes de son époque.
Avec ses bassins, ses terrasses, ses parterres et ses quinconces, ses lignes et perspectives harmonieuses, c’est le style français qui est privilégié. Au pied du palais, autour d’une fontaine centrale, Boyceau dessine une série de parterres symétriques. Pour faciliter l’admiration de ce travail, le jardin est entouré d’un double déambulatoire surélevé, qui adopte la forme d’une terrasse à l’italienne dessinée par l’ingénieur hydraulicien florentin Thomas Francini. C’est également ce dernier qui réalise la fontaine Médicis dont la construction débute vers 1625.
Autour de son palais, Marie de Médicis manifeste le souhait d’installer de nombreuses grottes, fontaines, bassins et terrasses dotés de jeux d’eau, afin de retrouver l’atmosphère architecturale des nymphées de son enfance, à l’image de la grotte de Buontalenti située dans les jardins de Boboli à Florence. Plus qu’une grotte, la fontaine Médicis, à quelques dizaines de mètres à l’est du palais, dans la perspective de l’allée centrale, offre une façade de quatorze mètres de haut pour douze mètres de large, destinée à masquer les bâtiments de la rue d’Enfer (aujourd’hui disparue), auxquels elle se trouve adossée. Comprenant trois niches, séparées par quatre colonnes d’ordre toscan, couronnée d’un fronton orné des armes de la France et des Médicis, la fontaine est surplombée de trois pots à feu (ornement architectural composé d’un vase en pierre en ronde bosse surmonté d’une flamme) et encadrée par deux figures allégoriques couchées représentant le Rhône et la Seine. C’est au sculpteur Pierre II Biard que la reine commande ces deux figures fluviales. De part et d’autre de la fontaine, des murs en pierre de taille, décorés de fausses arcades, sont érigés. La niche centrale, quant à elle, est dotée d’un bassin, lequel ne comprend pas de jeux d’eau à ce moment-là.
Pour approvisionner ses jardins en eau, Marie de Médicis relance le projet pensé par le duc Sully, le ministre et surintendant du roi Henri IV, consistant à reconstruire un aqueduc romain datant du iie siècle. Celui-ci permettrait d’acheminer l’eau jusqu’à la rive gauche de Paris depuis les sources de Rungis et de Wissous, situées à environ 11 km. Au début du xvie siècle, la rive gauche ne compte aucune fontaine publique, contre dix-neuf pour la rive droite. Sully avait commencé à acheter des terrains dès 1608. Thomas Francini se charge de réaliser les plans de l’aqueduc et, le 17 juillet 1613, le jeune Louis XIII pose solennellement la première pierre du grand regard de Rungis. Les travaux, qui ne devaient durer que quatre ans, ne prendront finalement fin que le 19 mai 1623, permettant un débit de 400 m3 d’eau toutes les vingt-quatre heures lors de sa mise en service. L’édifice sera baptisé « l’aqueduc Médicis ».
Avec la construction de ce premier réseau hydraulique au sud de la Seine, plusieurs établissements religieux, de nombreuses maisons nouvellement bâties vont pouvoir être approvisionnés en eau, tandis que vingt-quatre fontaines publiques sont construites entre les années 1620 et les années 1640. L’aqueduc Médicis attire ainsi l’établissement de grandes maisons, soutient la croissance rapide de nouveaux quartiers et lance le développement moderne de la rive gauche autour du palais bâti par la reine.
Une icône de son temps
Goût certain de Marie de Médicis pour les arts, l’iconographie du palais était dédiée à la reine et son défunt époux, Henri IV. Des sculptures (aujourd’hui disparues) représentaient le roi sur les façades de son appartement, toujours en parallèle avec celles qui figuraient la reine sur le côté opposé. La porte d’entrée portait les chiffres entrelacés d’Henri et de Marie. Cet édifice consacré à la mémoire de ce couple royal apparaît ainsi comme un palais mémorial, donc un « monument » au sens premier du terme. Seule désillusion pour la reine, les Parisiens n’adoptèrent jamais le nom de « palais Médicis » et lui préférèrent la dénomination de palais du Luxembourg, en référence à François de Luxembourg, l’ancien propriétaire des lieux.
Le site devient cependant une véritable icône de son temps et fait l’admiration de ses contemporains. Le sculpteur, architecte et peintre Le Bernin ne manqua pas de le visiter à plusieurs reprises pendant son séjour parisien en 1665, estimant qu’il s’agissait de « ce qu’il avait vu de plus beau en France ». Une opinion loin d’être isolée tant la résidence de Marie de Médicis suscite toujours l’attention des artistes et des connaisseurs : les guides la signalent comme un passage obligé dans la capitale, les graveurs en multiplient les représentations, et les amateurs éclairés manifestent leur fascination. Quant aux théoriciens de l’architecture, ils participent largement à la diffusion du monument en en faisant un sujet d’étude pendant que les artistes l’utilisent comme une école où ils copient l’œuvre des maîtres.
Ainsi, cet édifice à la double identité a non seulement conquis ses contemporains mais était capable d’apparaître d’un style français pour les Français et d’un style italien pour les Italiens, revêtant tour à tour le caractère que l’observateur voulait y reconnaître. Dans son ouvrage Description nouvelle de ce qu’il a de plus remarquable dans la ville de Paris, paru en 1685, l’auteur Germain Brice écrit : « De tout ce que l’on voit à Paris et même dans le Royaume, il n’est rien de plus régulier et de mieux entendu pour l’architecture que ce magnifique palais. » D’un côté, s’y entremêle l’architecture résidentielle royale française, non sans avoir mis en évidence les innovations et importations formelles de la péninsule italienne. Pour autant, dans sa typologie, l’édifice s’inscrit parfaitement dans la lignée du château royal du xvie siècle. Marie de Médicis n’aura cependant guère le loisir d’en profiter longtemps.Constatant l’influence grandissante du cardinal de Richelieu, Marie de Médicis tente de persuader le roi de s’en séparer. À l’issue de la Journée des Dupes du 12 novembre 1630, Louis XIII confirme Richelieu dans ses fonctions. Quelques semaines plus tard, Marie de Médicis est contrainte d’emprunter le chemin de l’exil. Elle se retire à l’étranger où elle mourra onze ans plus tard sans n’avoir jamais revu son palais, lequel est achevé en 1631.
Finalement, l’histoire du palais du Luxembourg et celle de la carrière politique de Marie de Médicis sont indissolublement liées. Le projet a été conçu en 1611, un an après l’assassinat d’Henri IV, pendant la minorité de Louis XIII et la régence de Marie de Médicis. Le chantier a été lancé en 1615, soit quelques mois après la nomination de la souveraine comme chef du Conseil. La décoration intérieure commence en 1621, au retour de l’exil blésois, où la reine a été reléguée en 1617. Enfin, le célèbre cycle de la galerie de la reine est commandé au peintre Rubens en 1622, à l’époque ou Marie de Médicis est réadmise au Conseil du roi. À proximité du palais du Luxembourg, la bâtisse qu’avait fait construire Alexandre de la Tourette, près d’un siècle auparavant, rebaptisée « le Petit-Luxembourg » – pour la différencier de son voisin – aura, quant à elle, été offerte au cardinal de Richelieu par Marie de Médicis en 1627.
Après la mort de Marie de Médicis
Dans son testament, Marie de Médicis indique léguer son palais du Luxembourg à son second fils, Gaston d’Orléans – son enfant préféré – lequel en prend donc possession en 1642. Après sa mort survenue dix-huit ans plus tard, le palais du Luxembourg est habité par la veuve de Gaston d’Orléans jusqu’à son décès en 1672. Leur première fille, mademoiselle de Montpensier, surnommée « La Grande Mademoiselle », en hérite à son tour puis, à la mort de cette dernière, en 1693, c’est sa petite sœur, Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise et d’Alençon, qui l’occupe. Celle-ci en fait don au roi Louis XIV le 16 mai 1694 lequel y reçoit certains hôtes de marque. Le monarque choisit alors de l’offrir à son frère, Philippe d’Orléans. Quelques années plus tard, il reviendra à son fils, le régent de France, qui l’abandonnera à sa fille aînée Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, duchesse de Berry, puis, à la disparition de cette dernière, c’est sa cadette Louise-Elisabeth d’Orléans qui y résidera.
Après que les parterres ont été réaménagés par le jardinier André Le Nôtre en 1635, les jardins du Luxembourg, ouverts au public, se révèlent très fréquentés dès 1650. Au début du xviiie siècle, ils deviennent très recherchés par les gens de lettres, les nouvellistes et les artistes inspirés par la solitude. Le peintre Antoine Watteau s’y rend souvent pour y trouver les sujets de ses toiles. À ses trois portes d’entrée, les gardes suisses fournissent des rafraîchissements aux promeneurs, de même que du lait est vendu sous une tente située à l’extrémité sud des jardins.
Dans ce vaste parc, les Parisiens s’y promènent pour voir et se faire voir ou, comme dira l’écrivain et moraliste Jean de La Bruyère, « pour se désapprouver les uns les autres ». La fermeture temporaire de ce jardin, entre 1715 et 1719, à la demande de la duchesse de Berry qui souhaitait s’y promener librement, suscitera les protestations véhémentes des Parisiens. Une réaction qui atteste du rôle de ce qu’était à l’époque le plus grand espace ouvert de la rive gauche, le plus grand jardin de la capitale et un moteur économique du quartier. Selon Saint-Simon, sa fermeture « affligea le quartier Saint-Germain en faisant diminuer le prix de louage des maisons ». Parallèlement, l’architecte Germain Boffrand fait agrandir et redécorer le Petit-Luxembourg entre 1709 et 1716. Il double alors la superficie de l’hôtel en édifiant une nouvelle aile à l’ouest, laquelle comprend un vestibule à colonnes qui ouvre sur un escalier monumental (l’actuel escalier Boffrand), orné de miroirs, et, à l’étage, l’appartement de parade, richement décoré et constitué d’une succession de salons (les actuels salons Boffrand). Par ailleurs, en bordure de la rue, le mur plein, percé d’un seul portail, est remplacé par un bâtiment à fenêtres arrondies, qui fait actuellement face au débouché de la rue Garancière. En 1729, Louis de Bourbon-Condé y crée l’académie du Petit Luxembourg qui réunissait des savants et des artistes.
Entre galerie de peintures et prison
Au milieu du xviiie siècle, le palais du Luxembourg est le premier à ouvrir une galerie publique de peinture, et ce quarante-trois ans avant la création du muséum du Louvre. Ouverte le 14 octobre 1750, à l’emplacement même de la galerie de Marie de Médicis, dans l’aile est du palais, la galerie royale de peinture du Luxembourg attire très tôt les visiteurs étrangers, tant par la richesse que par la diversité des collections. Le roi prête même des tableaux du château de Versailles pour les y exposer. Sur des créneaux de seulement trois heures, les visites avaient lieu les mercredi et samedi.
En 1779, le comte de Provence reçoit le palais du Luxembourg en apanage de la part de son frère, le roi Louis XVI. Dès 1760, le comte de Provence avait commencé à entreposer ses archives dans le palais du Luxembourg. Pour financer les travaux de restauration du palais, endommagé par ses occupants successifs, il aliène le tiers ouest du jardin, qui incluait l’allée des Philosophes, fréquentée par Jean-Jacques Rousseau en 1741, et la promenade des Soupirs, refuge des amoureux. C’est ainsi que l’on ouvre la rue du Luxembourg – aujourd’hui rue Guynemer – qui fixe la limite occidentale définitive du jardin. En 1780, le comte de Provence fait fermer la galerie royale. L’administration de la Couronne reprend alors les tableaux, ainsi que l’ensemble des toiles de Rubens, et les dépose au Louvre en 1790, où l’on envisageait depuis longtemps la création d’un grand musée, lequel verra le jour trois ans plus tard.
Aux premières heures de la Révolution, la suppression du couvent des Chartreux, en 1790, permet de prolonger la perspective du parc et de créer l’avenue de l’Observatoire. En juin 1791, le comte de Provence, qui résidait dans le pavillon de gauche du Petit-Luxembourg, quitte clandestinement son palais pour gagner l’étranger. Déclaré propriété nationale, le lieu accueille, à partir de 1793, une prison nommée « Maison nationale de Sûreté ». Sur les huit cents personnes qui y seront enfermées, plus du tiers sera guillotiné, parmi lesquels Georges-Jacques Danton et Camille Desmoulins.
Un lieu de pouvoir
En 1795, le palais du Luxembourg devient le lieu des séances du Directoire, le nouveau régime politique instauré en France, en plus d’être le lieu d’hébergement d’un des cinq directeurs, quant les quatre autres logent au Petit-Luxembourg. Le 28 décembre 1799, Napoléon Bonaparte y fait installer le Sénat conservateur, nouvellement créé. D’importants travaux sont alors menés tant dans le palais et ses dépendances que dans le jardin. L’architecte Jean-François-Thérèse Chalgrin, après avoir tracé l’avenue de l’Observatoire sur les anciennes terres des Chartreux, remodèle aussi le jardinet et dessine les décorations florales que nous connaissons aujourd’hui. Les terrasses intermédiaires réalisées par Thomas Francini sont alors couvertes par un talus, des perrons donnant accès à l’unique terrasse restante. La Fontaine Médicis n’est pas oubliée. Chalgrin, alors architecte du palais, la fait restaurer. Il s’adresse aux sculpteurs Francisque Duret, Claude Ramey et Antoine Talamona pour restituer les figures fluviales alors ruinées. Les armes des Médicis et d’Henri IV sont remplacées par un simple rectangle à congélations. Il fait placer dans la niche principale une petite Vénus en marbre et transformer la grotte en fontaine en alimentant en eau le petit bassin situé au-devant. Le bassin est encadré de pelouses en demi-cercle. Au sud, il compense une dénivellation par la création d’un perron décoré de statues.
Napoléon Ier souhaitant que le jardin soit destiné aux enfants, le Luxembourg est alors aménagé en conséquence avec des kiosques, des jeux, et bientôt les premières voitures à chèvres. Enfin, Chalgrin réaménage entièrement l’intérieur du palais avec la création d’un vestibule d’entrée dans le bâtiment principal, transférant l’escalier d’honneur dans l’aile droite, et la réalisation d’une salle de séances pour quatre-vingts sénateurs, laquelle sera achevée en 1807. Au moment de la Restauration, la Chambre des pairs devient la nouvelle Chambre haute en replacement du Sénat. Il en sera ainsi sous les règnes de Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe Ier.
En 1801, le ministre de l’Intérieur Jacques-Antoine Chaptal avait décidé la création d’un musée du Luxembourg, qui sera inauguré le 26 juin 1803, trente-trois ans après la fermeture de la galerie royale par le comte de Provence. Les œuvres de Rubens y retrouvent leur emplacement d’origine, auxquels s’ajoutent d’autres tableaux de maîtres (Nicolas Poussin, Simon Vouet, Jacques-Louis David, entre autres). Le musée commence alors son expansion dans le palais, en annexant trois salles dans l’aile ouest, à la suite de la galerie Rubens, du côté de la rue de Vaugirard. À la suite de la restitution des œuvres issues des saisies des guerres napoléoniennes, une grande partie des toiles constituant le musée du Luxembourg est transférée au musée du Louvre, dont le « Cycle de Marie de Médicis » en 1816, pour combler les lacunes laissées par ces restitutions. Devenu roi, Louis XVIII, désireux que le musée qui se trouvait dans la Chambre des Pairs redevienne important et vivant, décide que dans le même lieu serait aménagé un musée des artistes français vivants. Doté de soixante-quatorze toiles d’artistes vivants et de dix-sept artistes anciens, celui-ci verra le jour le 24 avril 1818, dans les galeries du palais du Luxembourg. Quant au Petit-Luxembourg, après avoir été, au moment de la Restauration, la propriété de la famille Condé, cette dernière, endettée envers la Couronne, préfère le céder à l’État, en 1825. Il deviendra, dès lors, la résidence du président de la Chambre des pairs, puis du président de la Haute assemblée sous les régimes successifs.
Les dernières grandes transformations
En 1836, pour répondre au besoin d’agrandissement, la salle des séances est redessinée par l’architecte Alphonse de Gisors, disciple de Chalgrin. Une nouvelle façade, trente et un mètres plus en avant de celle existante, est ainsi construite. L’ancienne façade devenant, dans les parties conservées, un mur de refend. Enfin, les deux ailes sont prolongées le long de ce nouveau corps de bâtiment. Entre 1836 et 1842, un nouvel hémicycle voit donc le jour dans cet espace ainsi dégagé, à l’endroit où se situait antérieurement la cage de l’ancien escalier. Ces travaux d’agrandissement contraignent à déplacer les parterres d’une trentaine de mètres. Des bâtiments vétustes sont démolis, le mur d’enceinte du jardin est remplacé par des grilles, ce qui améliore la visibilité du palais. Les statues de la mythologie grecque et des reines remplacent les anciennes, trop dégradées. Alphonse de Gisors fait également construire une nouvelle orangerie en 1839.
À la suite de la Révolution de février 1848 et la proclamation de la République, le Sénat disparaît dans la nouvelle constitution. Le palais du Luxembourg accueille alors une « Commission du gouvernement pour les travailleurs » qui sera plus sobrement baptisée « Commission du Luxembourg ». Après la naissance du Second Empire, en 1852, le Sénat réapparaît et le palais redevient un lieu de pouvoir. Sur ordre de Napoléon III, Alphonse de Gisors supprime les cloisons séparant les trois salles du bâtiment principal réalisant ainsi la salle du Trône, terminée en 1864, longue de cinquante-sept mètres, large de 10,60 m et d’une hauteur de 11,60 m. Elle est aujourd’hui dénommée salle des conférences.
Quelques années plus tard, dans la mouvance des travaux d’urbanisme menés sous la direction du préfet de la Seine, le baron Georges Eugène Haussmann, le percement de la rue Médicis nécessite la destruction d’une partie des dépendances du Sénat et le déplacement de la fontaine Médicis. Ce percement, pratiqué en grande partie aux dépens du jardin du Luxembourg, soulève de vives protestations. Le Sénat, par l’intermédiaire de Gisors, présente un contre-projet, mais le gouvernement passe outre. Au moment où les travaux allaient commencer, il en est décidé l’ajournement jusqu’à la fin de l’année 1861. La fontaine Médicis sera finalement déplacée en 1862. Démontée, pierre par pierre, elle sera rapprochée du palais d’environ trente mètres. Gisors restitue alors la couronne, les armes de France et des Médicis et remplace certaines statues par celles de personnages mythologiques. Il fait construire au-devant, entre deux rangées de platanes, un bassin long d’une cinquantaine de mètres, orné de vasques, et dont la forme procure l’illusion que le plan d’eau est incliné.Quelques mois après la chute du Second Empire, débute l’insurrection de la Commune de Paris. Une fois celle-ci écrasée, des communards sont fusillés, le 4 juin 1871, au pied de la terrasse des Reines, dans le jardin du Luxembourg. Une plaque a été déposée en leur honneur en 2003.
Ayant quitté Paris, le Parlement siège à Versailles huit années durant, jusqu’en 1879. Durant cette période, c’est le préfet de la Seine qui vit au palais du Luxembourg. Lorsque le Sénat reprend possession des lieux, la place commence à manquer et il est envisager d’évincer le musée des artistes vivants du palais. Le rapport établi en 1884 par la commission de comptabilité du Sénat autorise les questeurs à utiliser les fonds disponibles pour créer un musée des arts contemporains dans l’orangerie. Construite perpendiculairement à l’orangerie, la nouvelle aile est inaugurée le 1er avril 1886 et permet de répondre un temps à l’exiguïté des locaux. Directement ouverte sur la rue de Vaugirard, cette aile demeure exclusivement affectée au musée.
Pendant les années de guerre
Au xxe siècle, alors que la Seconde Guerre mondiale se profile, un abri de défense passive est construit sous les jardins du Petit-Luxembourg, en 1937. Composée de deux niveaux en sous-sol répartis sur 330 m2, la structure a été imaginée pour abriter de deux cents à trois cents personnes travaillant au Sénat. Après l’entrée des Allemands dans Paris en juin 1940, le palais est occupé par l’état-major de la 3e flotte aérienne allemande. Jusqu’à 1 500 soldats sont présents, tandis que les généraux Erhard Milch, puis Hugo Sperrle logent au Petit-Luxembourg. Le palais, au même titre que l’hôtel de la Présidence, sont donc réaménagés pour répondre à cette nouvelle affectation militaire (cloisonnement des grandes pièces, réseau de sonneries, nouvelle peinture, etc.). L’architecte Marcel Macary, en charge du chantier, s’attache à ne pas occasionner de dégâts durables pour le palais.
À partir de 1943, les Allemands entreprennent d’énormes travaux de défense dans l’enceinte du jardin du Luxembourg, lequel, en partie fermé au public, sert de parking aux véhicules et à l’artillerie allemande. Les Allemands y organisent néanmoins régulièrement des concerts militaires. Tranchées, meurtrières ou encore nids de mitrailleuses sont installés. À l’est du palais, un bunker commence même à être érigé, près de l’une des entrées actuelles du jardin. Connu sous le nom d’« abri Médicis », avec quatorze mètres de profondeur, il doit comporter dix galeries d’abri mais seulement sept étaient terminées au moment où survint la Libération, en août 1944. Au moment de la libération de Paris, ce sont les efforts conjugués du colonel Alain de Boissieu, du lieutenant Pierre de La Fouchardière, appartenant à la 2e Division blindée du général Leclerc, et du colonel Fabien, à la tête d’un groupe de FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), qui permettent d’obtenir la reddition des troupes allemandes regroupées autour du palais du Luxembourg, l’un des derniers bâtiments publics libérés de la capitale.
Un site apprécié des Parisiens
Les lieux se trouvent dévastés – à l’image de l’ancienne chapelle remplie de ballots de paille – et minés et une partie du mobilier détériorée et volée. Peu après la Libération, le palais devient le siège de l’Assemblée consultative provisoire, avant d’être affecté, deux ans plus tard, au Conseil de la République, au moment de la naissance de la IVe République, puis au Sénat de la Ve République depuis 1958. Entre 2017 et 2020, le palais du Luxembourg connaîtra d’importants travaux. Les immeubles qui abritent les bureaux des sénateurs sont vidés pour permettre une mise aux normes haute qualité environnementale. Des bâtiments provisoires de 4 000 m2 sont élevés dans la cour d’honneur du palais en attendant la fin du chantier. La salle Clemenceau et l’ancienne chapelle de la Chambre des pairs sont restaurées, cette dernière devant devenir une salle multimédia.
Le musée du Luxembourg, pour sa part, a connu une renaissance. En 1937, il avait été remplacé par le Palais des musées d’art moderne, situé dans le palais de Tokyo construit pour l’Exposition internationale, lequel n’ouvrira que partiellement en 1942, puis véritablement en 1947. Entre 1976 et 1978, le musée du Luxembourg accueille le Salon de la Jeune Peinture, cette association d’artistes qui organise chaque année, à Paris, une exposition d’art dédiée en particulier aux jeunes talents. En 1979, le musée est rouvert pour se consacrer à l’art des régions françaises. Mais, il faudra attendre l’année 2000 pour que la gestion du musée soit reprise par le Sénat. Depuis lors, le musée s’oriente vers la présentation d’expositions artistiques plus ambitieuses, notamment d’art ancien en nouant des liens avec les institutions italiennes, et en veillant également à ce que les expositions d’art moderne soient placées sous le commissariat de conservateurs de musées ou d’historiens d’art de renommée internationale.
Poumon vert chargé d’Histoire, havre de paix du Quartier latin, la beauté classique du jardin, avec ses lignes et perspectives harmonieuses « à la française », laisse aussi transparaître un style anglais notamment dans les allées serpentines le long des rues Guynemer et Auguste-Comte. La tradition agricole des Chartreux, quant à elle, se retrouve dans les cours d’arboriculture et d’apiculture dispensés dans un coin de l’ancienne pépinière, près de la rue d’Assas. À la belle saison, les abords du grand bassin assemblent les amateurs de soleil, pendant que d’autres devisent ou révisent à l’ombre des arbres. Quatre siècles après sa naissance, le palais du Luxembourg, et le magnifique parc qui l’entoure, continuent d’enchanter les promeneurs, les écrivains, les étudiants.
Le choix du lieu
Le choix de Marie de Médicis de faire bâtir un palais en lisière de la capitale ne serait peut-être pas le fruit du hasard. C’est dans ce faubourg de Saint-Germain-des-Prés que résidaient ses compatriotes : les Gondi, ces notables italiens, originaires, comme elle, de Florence. Jérôme de Gondi, fidèle écuyer de la reine Catherine de Médicis, s’y était fait construire dans les années 1580 un hôtel particulier à la mode italienne. Fraîchement arrivée en France pour épouser le roi Henri IV, Marie de Médicis y avait séjourné avant de prendre ses quartiers au palais du Louvre. Elle y sera ensuite reçue en de multiples occasions. Après une ascension sociale fulgurante grâce à la protection de la reine, la famille Gondi connaît des difficultés financières qui conduisent Jean-Baptiste II de Gondi, entre 1609 et 1612, à vendre ses biens immobiliers parisiens. L’hôtel fut ainsi acheté en 1612, grâce aux libéralités de Marie de Médicis, par Henri II de Bourbon-Condé, cousin du roi. C’est donc à proximité immédiate de cet « Hôtel de Condé » – aujourd’hui disparu et situé à l’emplacement de l’actuel Théâtre de l’Odéon – que la régente projette d’y faire édifier son palais, exprimant de la sorte son désir de posséder sa propre résidence, distincte de celle de son fils, le jeune roi Louis XIII.
Une géométrie occulte
Il a souvent été rapporté que Marie de Médicis était passionnée d’ésotérisme et qu’à ce titre les plans de construction conçus par Salomon de Brosse auraient été soumis à une géométrie occulte autant que précise. Ainsi, le palais du Luxembourg aurait été construit sur un axe étrangement perpendiculaire au Louvre.
Le « Cycle de la vie d’Henri IV »
La commande initiale de Marie de Médicis auprès du peintre Pierre Paul Rubens incluait également la réalisation d’un « Cycle de la vie d’Henri IV ». Sur le modèle du « Cycle de la vie de Marie de Médicis », celui-ci devait être composé de vingt-quatre scènes monumentales illustrant la vie du monarque défunt avec ses rencontres, ses combats, ses conquêtes et les sièges des villes sur lesquelles il triompha. Les deux cycles, celui consacré à Marie de Médicis et celui se rapportant à Henri IV avaient été conçus pour être réunis dans une arcade où devaient s’opérer la jonction entre les deux galeries dans lesquels les tableaux auraient été exposés par paire. Dans l’une de ses lettres, Rubens décrivait le thème de cette seconde galerie comme étant « si vaste et magnifique qu’il suffirait à dix galeries ». Le bannissement de Marie de Médicis, à partir de 1631, contrecarre les ambitions du peintre. Les plans d’aménagement de la galerie devant dorénavant faire l’objet d’une approbation par le gouvernement, le cardinal de Richelieu, devenu le principal ministre d’État depuis 1624, ne considère pas ce chantier comme étant une priorité. Cette galerie consacrée à Henri IV ne verra finalement jamais le jour, même si Rubens, dans une de ses correspondances, continuera de manifester son optimiste quant à l’aboutissement de son œuvre : « La conception de l’autre galerie, selon moi, de par la nature du sujet, s’avèrera encore plus splendide que la première de sorte que j’espère gagner [en réputation] plutôt que de perdre. » Le « Cycle de la vie d’Henri IV » restera dans la tête de Rubens. Ne demeurent aujourd’hui que neuf croquis sur l’ensemble de ceux réalisés, ainsi que cinq toiles inachevées. La plupart des croquis représentant des batailles auxquelles participa Henri IV.
L’incendie d’octobre 1859
Il est à peu près une heure du matin, dans la nuit du 27 au 28 octobre 1859, lorsque des flammes apparaissent sur la toiture du palais du Luxembourg. Un incendie s’est déclaré dans l’hémicycle. Alors qu’il ravage la toiture, l’alerte générale est donnée. La garde de Paris arrive très vite sur place, suivie des sapeurs-pompiers. Le capitaine Maze, de la Garde de Paris, constatant que le feu se répand dans les panneaux de la coupole, fait ouvrir le jardin pour permettre l’accès aux volontaires. Des chaînes humaines se forment, composées de militaires, d’habitants du quartier et d’étudiants. Dix pompes puisent dans le bassin du jardin et dans les réservoirs de la cuisine du palais. Malgré les efforts, la coupole ne peut être sauvée. Le treuil du lustre en fonte tombe et traverse le plancher. Le sol de la salle des séances ne résiste pas non plus au poids de l’eau et des matériaux qui le jonchent et finit par s’effondrer. Au petit matin, l’incendie est maîtrisé et les blessés sont évacués. Vingt-trois personnes, du lampiste à l’architecte, sont interrogées pour l’enquête administrative afin de déterminer la cause du sinistre et reconstituer le fil des événements de la nuit et des jours précédents. L’enquête terminée, les causes réelles de l’incendie ne seront jamais déterminées. La surveillance du palais sera ensuite réorganisée avec la création d’un poste de pompier et la mise en place de rondes de nuit. Dans son rapport fait au nom de la commission de la comptabilité sur le crédit pour la réparation de la salle des séances, le sénateur Gaston d’Audiffret déclare que « la salle des séances a été incendiée le 28 octobre 1859 par un de ces accidents fortuits qui échappent aux précautions ordinaires de la surveillance, et dont la cause incertaine, en se dérobant à toutes les preuves, ne peut être attribuée que d’une manière conjecturale à l’imprudence des ouvriers chargés de l’entretien du lustre ». La salle sera reconstruite sous la férule de l’architecte Alphonse de Gisors. À l’exception de certaines peintures, le décor sera restitué à l’identique.
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