top of page

Le Petit Palais

Depuis cent vingt-trois ans, en plein cœur de Paris, entre la place de la Concorde et le rond-point des Champs-Élysées, donc près des berges de la Seine, s’érige un monument à l’architecture surprenante, visité chaque année par un million de visiteurs. Terminé en 1900 à l’occasion de l’Exposition universelle, le Petit Palais fait face à son « grand frère », inauguré la même année, le Grand Palais. Chef-d’œuvre de l’architecte Charles Girault, le Petit Palais devient, en 1902, le musée des Beaux-Arts de la capitale. Ses collections, s’étalant de l’Antiquité à 1914, sont composées de sculptures, mobiliers, peintures… À partir de 1975, le Petit Palais est inscrit aux Monuments historiques. Il est géré, depuis le 1er janvier 2013, par l’établissement public administratif Paris Musées qui compte treize autres lieux de culture. À l’occasion de l’exposition très médiatisée « Sarah Bernhardt : Et la femme créa la star », Stéphanie Cantarutti, conservatrice en chef, nous sert de guide.

Klervi Le Collen


À l’origine, sur l’emplacement du Petit Palais et du Grand Palais, se situe le palais de l’Industrie et des Beaux-Arts. Lui-même conçu afin de répondre aux exigences en matière de magnificence et de prouesses architecturales pour l’Exposition universelle de 1855, il devient l’emblème de Paris, visité par cinq millions de visiteurs.


Aux origines

Lors de l’exposition londonienne de 1851, un bâtiment spectaculaire a retenu l’attention des spectateurs, le Crystal Palace, qui a brillé par son audace. Napoléon III, alors empereur, souhaite un bâtiment encore plus spectaculaire pour montrer au monde entier le savoir-faire français. L’édifice sera prévu pour perdurer quelques années, utilisé pour les expositions universelles de 1855, 1878 et 1889 ainsi que pour des salons artistiques de 1857 à 1896. De nombreux concours et autres cérémonies regroupent les scientifiques, artistes, politiciens du Second Empire et de la Troisième République. Malheureusement, lors de l’incendie du bazar de la Charité, il devient le lieu où les cadavres sont exposés pour l’identification par les familles. En 1894, l’on évoque pour la première fois la destruction du palais afin de créer des projets d’urbanisme plus modernes en vue de l’exposition de 1900.


Des travaux colossaux

En 1896, un concours d’architectes est lancé. Le projet prévoit de créer deux palais sur l’emplacement du palais de l’Industrie. Le projet du Petit Palais est remporté par Charles Girault. À l’automne 1897, la construction débute. De longs travaux se préparent. La pression est importante car le bâtiment doit être terminé pour l’Exposition universelle. En avril 1900, le chantier se termine. À la fin de l’Exposition, de nouveaux travaux seront lancés afin d’accueillir le musée des Beaux-Arts. D’autres travaux interviendront tout au fil du temps afin de restaurer et de proposer un accueil toujours plus ergonomique aux visiteurs.


Girault, un architecte ayant le vent en poupe

Charles Girault (1851-1932) grandit à Cosne, avec sa grand-mère. Son enfance est marquée par l’absence de sa famille, qui voyage en Amérique du sud pour le travail de son père. La guerre franco-prussienne de 1870 va sceller son destin. Charles est appelé sous les drapeaux et doit abandonner sa préparation au concours de l’École centrale.

Il aime dessiner, est doué pour cet art. Aussi, lorsqu’il est démobilisé, il est embauché comme dessinateur par M. Bardin qui gère une entreprise de serrurerie et de ferronnerie. Par hasard, l’architecte Honoré Daumet remarque ses dessins. Il décide de le prendre sous son aile et, en 1873, Charles, alors âgé de vingt-deux ans, entre à l’École des beaux-arts, sous la protection de Daumet où il suscite l’admiration des architectes les plus renommés, grâce à son génie et à sa persévérance.

Il remporte le Grand Prix de Rome d’architecture en 1880. Dès lors, il quitte la France pour l’Italie où il découvre une culture et une architecture extraordinaires, dont il s’inspirera pour ses projets. Il acquiert une renommée internationale et ses œuvres sont rapidement exposées dans les plus illustres expositions de cette période, participant à sa renommée. Cela lui donne toute la crédibilité pour participer au concours d’un nouveau projet, situé en plein cœur de la capitale : créer un musée des Beaux-Arts pour l’Exposition universelle de 1900. Il le remporte à l’unanimité, en 1896. Grâce à ses compétences et à sa technicité, Girault se voit aussi confier la mission de coordinateur du Grand Palais.

Le chef-d’œuvre architectural réalisé par cet architecte ne manque pas d’intérêt pour les visiteurs de l’exposition de 1900. Le roi des Belges, Léopold II demande à rencontrer Girault. Les deux hommes se lient aussitôt d’amitié et Charles deviendra l’un de ses architectes officiels. Parmi ses réalisations, il agrandira le château de Laeken, dessinera les plans du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, construira les galeries royales d’Ostende afin de permettre au roi, accompagné de ses convives, de se rendre à l’hippodrome sans être dérangé par les intempéries…

Outre ces chefs d’œuvre, à la demande de la famille du scientifique, Girault construit le tombeau de Louis Pasteur en 1895. Il occupe d’autres fonctions importantes, devenant président de la Société centrale des architectes et inspecteur général de bâtiments civils, autant de fonctions soulignant ses compétences créatives, techniques et probablement humaines.


Une architecture inspirée

Grâce à son séjour en Italie et probablement à une grande curiosité intellectuelle, Girault propose des œuvres qui s’inspirent de nombreux pays. Il manie avec aisance les différents courants artistiques, dont le classicisme inspiré du baroque, en vogue dans les écoles d’art de l’époque. Toutes ces connaissances seront appliquées afin de construire ce joyau de la capitale.

Conçu sur un plan en forme de trapèze, quatre bâtiments entourent le jardin orné de colonnades. Le Petit Palais est donc organisé autour d’un parc semi-circulaire. Charles Girault souhaite préserver la verdure et l’atmosphère paisible des lieux.

La façade, longue de 125 m, est dotée d’un porche gigantesque, surmonté d’un dôme ainsi que de colonnes et des bas-reliefs. Les voûtes des galeries furent réalisées par Fernand Cormon, Ferdinand Humbert et Alfred Roll.

L’entièreté du bâtiment répond à une volonté d’éclairage naturel, dans la mesure du possible. D’où la création de verrières, de coupoles (dont l’une d’elles est l’œuvre de Maurice Denis) et de baies qui laissent passer la lumière. Le palais connaît un franc succès et de nombreux autres pays souhaitent copier une ou plusieurs parties du bâtiment. À tel point que Léopold II demande même à Girault de réaliser un monument « cloné » sur le Petit Palais, qu’il se verra refuser pour des raisons de moralité. Le porche de l’opéra de Saigon, au Vietnam, s’inspire en revanche de celui du Petit Palais.


Dans les coulisses des collections

Le musée est un des lieux mythiques de Paris et un musée fréquenté par un million de visiteurs pour l’année 2022. Il peut s’enorgueillir d’avoir récolté une magnifique collection s’étalant de l’Antiquité à 1914, enrichie régulièrement par des donations. Ainsi, Eugène et Auguste Dutuit lèguent en 1902, 20000 œuvres de l’école hollandaise, des antiquités gréco-romaines, des objets d’arts de la Renaissance…Le marchand d’art Ambroise Vollard offre au musée plusieurs œuvres de la fin du XIXème à l’Entre-deux-guerres.

La collection est éclectique et permet d’alimenter régulièrement les expositions temporaires. Les peintres majeurs sont représentés : Fragonard, Géricault, Delacroix, Courbet, Monet, Cézane… Les œuvres des sculpteurs Carpeaux, Carriès et Dalou sont également exposées. A noter également que le musée possède une collection d’art décoratif spécialisé pour la Renaissance et pour la période 1900.

Depuis 2015, le circuit des collections a été modernisé grâce à deux nouvelles galeries offrant un panorama visuel de la période romantique pour la première, et des toiles décoratives pour la seconde. Depuis une dizaine d’années, la photographie contemporaine est également valorisée et exposée.

Le musée est mondialement reconnu pour ses grandes expositions temporaires, parmi lesquelles on peut citer le Centenaire de la conquête de l'Algérie (1930), réalisée dans le cadre des commémorations de la conquête du territoire, Les trésors de Toutânkhamon en 1967, organisée par l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt et qui sera l’occasion de mettre en valeur les temples de Nubie, d’Abou Simbel… et de faire prendre conscience de l’importance de préserver le patrimoine de l’humanité. Quelque 1,2 million de visiteurs se rendront sur place. D’autres expositions rencontrent un vif succès : Carthage, l'histoire, sa trace et son écho, du 9 mars au 2 juillet 1995 ; Paris 1900, la Ville spectacle, du 2 avril au 17 août 2014 ; Albert Edelfelt (1854-1905), du 10 mars au 10 juillet 2022…


Sarah Bernhardt à l’honneur

Les expositions du Petit Palais sont une source d’apprentissage et de plaisir incommensurable. L’exposition en cours met en valeur une figure emblématique de la Belle Époque : Sarah Bernhardt (1844-1923). Comédienne reconnue à l’international, auteure, directrice de théâtre, on la découvre également peintre, sculptrice et femme engagée. Le musée, déjà propriétaire d’un certain nombre d’œuvres concernant la « Divine », tel son portrait par Georges Clairin, a décidé de lui rendre hommage. L’exposition (1), grandiose, réunit quatre cents œuvres sur la vie et la carrière du « monstre sacré », comme aimait l’appeler Jean Cocteau. Autour de douze sections, on découvre la « grande Sarah » et l’on est fasciné par une femme mythique. Edmond Rostand disait d’elle : « Et quelle façon elle a d’être légendaire et moderne ! »

Autour de nombreuses photos, on découvre la femme, son intimité, ses amis et ses proches. Mais également les multiples rôles-parfois de travestis- qu’elle a endossés. Ces scènes d’agonie participèrent d’ailleurs à sa légende. Son mobilier éclectique montre l’attrait pour l’exotisme de la star. Enfin, le parcours s’achève à Belle-Île qui fut son refuge.


Une conservatrice acharnée

Réunir en un temps record quatre cents œuvres pour « Sarah Bernhardt : Et la femme créa la star » : telle est la mission relevée par Stéphanie Cantarutti et son équipe pour le Petit Palais. Les affiches inondent la capitale depuis un mois et le retentissement médiatique est important. Nous avons rencontré la co-commissaire de cette exposition. Son parcours est impressionnant. Après avoir obtenu son diplôme à l’École du Louvre puis l’Institut national du patrimoine, elle est devenue conservatrice au musée Bourdelle en 2007. Les expositions sur lesquelles Stéphanie travaille mettent en valeur des artistes connus de la Belle Époque : Isadora Duncan, une sculpture vivante (2009-2010), Antoine Bourdelle… que du dessin (2011-2012), Bourdelle intime (2013-2014)… Depuis dix ans, Stéphanie a rejoint le Petit Palais, en tant que conservatrice en chef au département des peintures modernes, et a collaboré à de nombreuses expositions parmi lesquelles : Albert Besnard. Modernité Belle Époque (2016), Les Hollandais à Paris 1789-1914 et Ilya Répine. Peindre l’âme russe (2021). En parallèle de la création d’expositions, elle est aussi l’auteure ou la co-auteure de plusieurs livres : Antoine Bourdelle… que du dessin (2001), Alain Besnard. Modernité Belle Époque (2016), Les Hollandais à Paris 1789-1914 (2017).

 
 
 

Recent Posts

See All
Teschen

Intégré au royaume de Bohème depuis le quatorzième siècle, et passé par lui aux Habsbourg, l’ancien duché de Teschen voit s’opposer deux...

 
 
 
Disposition traite de Versailles

Les modifications territoriales envisagées par le traité de Versailles sont rassemblées dans la partie III, “Clauses politiques...

 
 
 
Prusse orientale

La décision d’organiser des plébiscites en Prusse-Orientale a été prise par les Grands à l’initiative du premier ministre britannique...

 
 
 

Comments


DSI EDITIONS

Shop (en construction)

Socials

DSI EDITIONS

Napoleon 1er Magazine

Napoleon III Magazine

Chateau de Versailles 

Paris de Lutece à Nos Jours

14-18 Magazine

© 2024 DSI EDITIONS

bottom of page