6e – 7e arrondissements
Au-delà des ministères et de l’Assemblée nationale, les 6e et 7e arrondissements abritent sur les quais quelques-unes des plus importantes institutions comme la Légion d’honneur, le musée d’Orsay, l’Académie de médecine et l'école des Beaux-Arts. PHOTO 1
Texte et photos : Emmanuelle Papot. Carte Jean-François Krause.
La station Solférino (ligne 12), ouverte en 1910 et portant le nom d’une victoire du Second Empire en Italie contre les troupes autrichiennes en 1859, permet de découvrir la place Jacques Bainville. Appelée ainsi en hommage au grand historien, elle borde sur l’arrière, au niveau de sa tour à la pendule, l’Hôtel de Brienne abritant les bureaux du ministre des Armées. Hôtel particulier du xviiie siècle, ce bâtiment a été, entre autres, la demeure de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, puis de Madame Mère. Racheté par l’État en 1817, il est devenu la résidence habituelle du ministre de la Guerre, de la Défense puis des Armées…
Rue de Lille
La rue de Solférino conduit rue de Lille où, au n°64, se trouve l’entrée, en arc de triomphe, de la grande chancellerie de la Légion d’honneur dont l’ordre a été créé en 1802 par Napoléon. Elle se situe dans l’Hôtel de Salm érigé en 1782 pour Frédéric III, rhingrave de Salm-Kyrburg qui l'a rapidement revendu à son architecte pour éponger ses dettes tout en restant son locataire. Lors de la Révolution, il a transformé l’hôtel en club tandis qu’il était nommé capitaine de la Garde nationale par La Fayette. Théâtre de nombreux épisodes rocambolesques au cours du xixe siècle, l’Hôtel de Salm, avec sa célèbre rotonde, est incendié lors de la Commune puis reconstruit à l’identique d’après les plans d’Anastase Mortier. Il jouxte, du côté du musée dédié à l’Ordre, le musée d’Orsay. Celui-ci, installé dans l’ancienne gare d’Orsay réalisée par l’architecte Victor Laloux qui l’a pensée comme un palais à la fin du xixe siècle, longe le quai Anatole France. Inauguré en 1986, il abrite les œuvres d’art de la seconde moitié du xixe siècle.
De nombreuses personnalités avaient élu domicile dans la rue de Lille. Au n°79 se trouve l’emplacement où s’élevait l'hôtel Daru où Stendhal a vécu en 1800 avant de déménager au n°69. Au n°77, en fond de cour, se trouve l’hôtel particulier habité, dans la première moitié du xxe siècle, par le baron Napoléon Gourgaud (1881-1944) et la baronne, née Eva Gebhard (1876-1959). Au n°75, derrière l’immeuble de style haussmannien, se dissimule l’hôtel de Lannion construit à la seconde moitié du xviiie par l'architecte Jean Damun pour Jean Charles Hocquart. C’est là qu'est mort, en 1836, Mme Atkins, née Charlotte Walpole, ancienne comédienne, qui avait tenté (en vain) de faire sortir la famille royale du Temple après la mort de Louis XVI. Au n°71, un bel hôtel particulier a abrité entre 1918 et 1921 le très illustre dandy et homme politique parisien Boni de Castellane (1867-1932), qui y a reçu les plus grandes personnalités européennes de l’époque.
Au n°67 s'élève l’hôtel Duret, construit pour le président François Duret et incorporé dans l'hôtel de Pomereu, plus tardif, construit en 1872-1874 pour le marquis Armand de Pomereu d'Aligre. Il a été le siège en 1941 de l'École nationale des sciences géographiques et abrite aujourd'hui bureaux et salles de réception. L’entrée dorée de la Caisse des dépôts et consignations, au n° 56, permet de découvrir l’ancien hôtel de Belle-Isle (1721) appelé ensuite hôtel Choiseul-Praslin, qui a été l’une des adresses parisiennes de l’écrivain Prosper Mérimée, avant d’être racheté en 1858 par l'institution financière créée en 1816.
L’ancienne maison des « demoiselles du téléphone » se situe au n°41. Ce bâtiment original, d’inspiration Art nouveau, date de 1905 et est l’œuvre de l’architecte Eugène Bliault. La maison des postes y mettait à la disposition des opératrices téléphoniques, venues des quatre coins de France, cent onze chambres pour les loger dignement, avec trois bains-douches à chaque étage. Au rez-de-chaussée, un restaurant s’est installé dans les anciennes salles de réception. Enfin, au n°48, se situe le temple de l'Église protestante baptiste qui est l'un des premiers bâtiments reconstruits sur les ruines des destructions par la Commune.
De Beaune à Bonaparte
En prenant sur la gauche la rue de Beaune, datant de 1640, on peut admirer au n°1 l’Hôtel du marquis de Villette avec son grand portail Directoire encadré de sphinx; au n°3 l’hôtel d'Auterive, datant du xviie, où a vécu le célèbre découvreur de la terre Adélie, Dumont d’Urville, et au n°5 l’immeuble où est mort, en 1924, le célèbre critique et réalisateur des années 1920, Louis Delluc.
En revenant sur ses pas et remontant la rue de Beaune, à l’angle de la rue de l’Université et de la petite rue Gaston Gallimard / Sébastien Bottin, se trouve l’immeuble de style Art nouveau qui abritait le célèbre annuaire du commerce Didot-Bottin. Fondé en 1796, il a été racheté par les éditions Gallimard. La rue éponyme, ouverte depuis 1907, a ainsi été renommée en 2011 – pour un seul de ses trottoirs – en hommage au fondateur des éditions. Cette voie se poursuit par la rue portant le nom du célèbre écrivain Charles de Montalembert (1810-1870), où il faut voir le très bel hôtel situé au n°2. En face se trouve l’entrée de l’église Saint Thomas d’Aquin, en bas d’un immeuble et, juste à côté, l’Hôtel du Pont royal avec sa très nostalgique porte à tourniquet. La rue de Montalembert conduit au boulevard Saint-Germain que l'on emprunte sur la gauche – ce qui permet d’admirer, à travers la rue Saint Thomas d’Aquin, la façade dessinée par le frère Claude de l’église Saint-Thomas d’Aquin, ancienne chapelle du noviciat général des dominicains – avant de rejoindre la rue Saint Guillaume. Au n°16 s’élève l’hôtel de Laigue dit du président Talon (ou de Créqui ou de Béthune, selon les époques et les occupants). Il a largement été fréquenté par les hommes de lettres comme Lamartine, Renan ou Marcel Proust. Cette rue est prolongée par celle du Pré aux Clercs datant de 1844 qui ramène rue de l’Université laquelle se poursuit par la rue Jacob.
Au n°16 de la rue de l’Université, une plaque rappelle que dans cet immeuble vivait Bertie Albrecht, héroïne de la Résistance, l’une des fondatrices du Mouvement de libération nationale et qui a été exécutée à la prison de Fresnes le 29 mai 1943.
Au croisement avec la très ancienne rue des Saints Pères, qui porte cette appellation depuis le xviie siècle – une altération de Saint Pierre, nom de l’ancienne chapelle de l’hôpital de la Charité – et qui marque le passage dans le 6e arrondissement, se trouve la Faculté de Médecine (Paris-Descartes) construite à l’emplacement de l’Hôpital de la Charité.
La rue Jacob, du nom de l’ancien autel du monastère de la sainte-Trinité voulu par Marguerite de Navarre, est attestée depuis le xviie siècle. Au n°56 se situe un ancien hôtel particulier du xviiie siècle qui est devenu en 1779 l’Hôtel d’York. C’est là qu'a été signé, en 1783, le traité de Paris qui a mis fin à la guerre d'indépendance des États-Unis. En 1830, l’éditeur Firmin Didot, dont l’enseigne est restée sur la façade, s’y installe. En face au n°45, se trouvait l’ancienne pharmacie du chimiste Rouelle où Pelletier et Caventou ont découvert le sulfate de quinine, invention récompensée par l’Académie de Sciences. Au n°46 PHOTO 15 l'immeuble à la façade Directoire, surélevée en 1928, est orné de plusieurs sculptures « antiques » installées dans des niches. Juste à côté, au n°44 se trouve l’hôtel d’Angleterre où ont séjournéles écrivains Henry de Monfreid en 1898 et Ernest Hemingway en décembre 1921. La rue Jacob permet d'atteindre la rue Bonaparte, à remonter vers le nord.
Les Beaux-Arts
Cette partie de la rue Bonaparte a été construite sur l’ancien lit d’un bras de la Seine (la Noue), comblé en 1540. Elle s’appelait, pour ce tronçon, avant 1852, rue des Petits-Augustins et y ont habité l’écrivain Mérimée et le peintre Paul Delaroche. Elle prend sa domination actuelle, par ordonnance, huit mois après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte. La rue est alors formée par la réunion de trois petites voies, bordée de nombreux hôtels xviiie siècle qui lui confèrent un charme certain. Parmi les endroits remarquables, au n°16, se remarque le très bel établissement, classé aux Monuments historiques, abritant l’Académie nationale de Médecine, société savante ayant autorité sur toutes les questions relatives à la santé. Juste à côté se trouve l’École nationale supérieure des Beaux-Arts qui s’étend sur deux hectares et comprend plusieurs bâtiments construits entre 1832 et 1889. D’anciens bâtiments, qui appartenaient à l’ancien couvent des Petits-Augustins, ont été saisi en 1789 et affectés à l‘école en 1816. Ancienne Académie des beaux-arts, elle était auparavant installée dans le collège des Quatre-Nations, quai de Conti. Vingt ans plus tard, l’architecte Félix Duban métamorphose les lieux en évoquant sa passion pour la Renaissance, comme en témoignent les façades. Cette école insuffle un air de bohême à l’ensemble des petites rues adjacentes.
Au n° 5 s’élève la porte, classée, d’une demeure qui a d’abord abrité le peintre Édouard Manet (de 1832 à 1883) puis le maréchal Lyautey (de 1911 à 1934) avant de devenir celle, de 1963 à 2002, du grand écrivain d’origine russe Henri Troyat.
Sur les quais
La rue Bonaparte donne sur le quai Malaquais, construit vers 1552 sur une levée en dos d’âne destinée à protéger le quartier contre les inondations. De ce quai, on peut admirer la façade des Beaux-arts donnant sur la Seine et, au n°19, l’immeuble où s’est installée, en octobre 1832, l’écrivaine George Sand. Non loin se situe l’Institut de France (L), au n°23 du quai Conti. Créé par la Convention le 25 octobre 1795, il regroupe cinq académies et siège depuis 1805 dans les bâtiments du collège des Quatre-Nations, fondé sur testament par Mazarin. Bâtiment majestueux PHOTO 19, il est construit selon un plan établi par l’architecte Le Vau. Son architecture se développe autour d'une chapelle à coupole. Cette institution est dédiée au mécénat et à l’encouragement des lettres, des sciences et des arts.
Dans la continuité du quai Malaquais, le quai de Conti permet de découvrir l’écrin d’une autre institution emblématique : la Monnaie de Paris. Sa mission régalienne est la fabrication de la monnaie nationale. Son siège, situé au n°11, est l'Hôtel des Monnaies (M), véritable palais qui cache derrière une façade néo-classique PHOTO 20 une manufacture qui a employé, au xixe siècle, jusqu’à 1 900 ouvriers. Construit à proximité du Pont Neuf entre 1771 et 1776, cet hôtel a lui aussi incendié par la Commune avant d’être reconstruit à l’identique.
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