Situé sur les 8e et 17e arrondissements, le quartier Ternes, dont le nom remonte à la guerre de Cent Ans, est un ancien village appartenant à la commune de Neuilly avant son intégration, en 1860, au nouveau Paris de Napoléon III. Il est aujourd’hui un quartier bourgeois aux immeubles en pierre de taille de style haussmannien mais dont beaucoup ont été érigés à la Belle Époque après les destructions perpétrées sous la Commune…
Texte et photos : Emmanuelle Papot ; carte : Jean-François Krause.
Au milieu de la place de l’Étoile s’élève l’emblématique Arc de triomphe, voulu par Napoléon dès les débuts de l’Empire, achevé en 1836 sous Louis-Philippe et sacralisé par la République qui y installa la tombe du soldat inconnu. De cette place à la disposition « en étoile » s’étirent, depuis le Second Empire, de larges avenues portant le nom de grandes batailles napoléoniennes ou de personnalités. Sont construits en bordure de la place, entre 1860 et 1868, de grands hôtels particuliers, identiques, destinés à la grande bourgeoisie.
On remonte l’avenue Mac Mahon, qui porte depuis 1875 le nom du duc de Magenta, le comte Edme Patrice Maurice de Mac Mahon (1808-1893), grande figure du Second Empire, maréchal de France qui devint président de la Troisième République de 1873 à 1879. Cette avenue, ouverte en 1854 sous l’appellation de « Prince-Jérôme », est remarquable par la diversité architecturale de ses façades. Au n°19 s’élève l’immeuble de l’architecte Jacques Hermant, avec ses têtes et pattes de lions, et au n°29 l’incroyable façade de l’immeuble datant de 1902, imaginé pour le docteur Henríquez de Zubiría (1869-1933), athlète colombien qui participa aux Jeux olympiques de 1900.
Dirigeons-nous vers la rue Montenotte sur la droite au niveau de la rue Brey qui enserre au n°32 une charmante placette. La voie, nommée en hommage au travail de l’architecte Auguste Joachim Brey (1795-1875), alors adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine, était une rue où se concentraient les métiers de selliers et de carrossiers. La rue Montenotte, appelée ainsi en 1869 en souvenir de la victoire du 12 avril 1796 remportée par Bonaparte sur les Autrichiens, faisait auparavant partie intégrante de la longue rue des Dames qui reliait jadis les Ternes à l’abbaye des Dames de Montmartre. Élégante, elle a conservé ses vieilles devantures et de jolies façades, comme celle du n°5 bis, à l’arrière de la salle Wagram. Ouverte comme salle de bal en 1865 et désormais classée, cette dernière est l’œuvre de Alphonse Fleuret. S’y organisaient dans le dernier quart du xixe siècle divers bals, mais aussi des matches de boxe et même le salon de l’automobile (1901)… Cette rue conduit à l’avenue des Ternes.
Ternes
Cette avenue, connue depuis le Moyen-âge, était une voie conduisant à Saint-Germain-en-Laye. Elle a pris son nom actuel lors du rattachement du village des Ternes à Paris sous le Second Empire. Le village tenait son nom d’une maison (ferme fortifiée) édifiée au xve siècle hors de la capitale, la « villa externa ». « Externa » s’est transformée en « externe », « esterne » puis « ternes ». Au xviie siècle, cette villa a été achetée par le poète Philippe Habert (1605-1637), membre du groupe des « Illustres bergers » qui a fait construire en lieu et place un château, dont il ne reste plus qu’un morceau de façade qui subsiste rue Bayen.
À droite, l’avenue des Ternes mène à la place du même nom. Construite en 1864, elle occupe l’ancien emplacement de l’octroi de la barrière du Roule et abrite aujourd’hui un marché aux fleurs où l’une des guérites contient en son cœur un grand arbre sortant par le toit. On peut aussi y admirer un édicule Guimard à la station éponyme. Aux n°7-9, la Cité Mondaine, réalisée en 1882 par l’architecte Jean Boussard, est remarquable par sa forme harmonieusement courbée. En reprenant l’avenue des Ternes sur la droite, on peut admirer au n°6 la jolie façade d’un magasin érigé en 1875, « À la villa des Ternes, première maison du nouveau Paris qui vend le meilleur marché du monde » (F) et aux n°26-30 celles des Magasins Réunis-Étoile – qui change de nom dans les années 1970-80 –, issus d’une chaîne de magasins née à Nancy en 1835 et qui ouvre un établissement à Paris, à la Belle Époque, à l’emplacement de l’enseigne l’Économie ménagère. Par quelques pas en arrière, on suit la rue Bayen, accessible au croisement avec la rue Poncelet.
Bayen et Demours
Indiquée comme siple chemin sur les plans de 1730, la voie porte le nom du physicien Pierre Bayen (1725-1798) depuis le décret signé le 24 août 1864. Rue étroite et très commerçante, elle permet de découvrir sur la droite la jolie place Boulnois qui porte le nom de son premier propriétaire, général de la Révolution et de l’Empire, Louis-Jacques-François Boulnois (1773-1833).En reprenant la rue Bayen s dévoile la fontaine Wallace conservée dans sa couleur d’origine au croisement avec l’avenue Niel. Ne pas manquer un très bel hôtel particulier de la fin du xixe siècle situé au n°24 puis une jolie façade au n°29, de style Empire avec bas-reliefs.
Au croisement avec la rue Pierre Demours, la rue Bayen passe sous un arc dont elle tenait autrefois son appellation de « rue de l’Arcade » à son ouverture ; celle-ci est taillée dans les vestiges du fameux château des Ternes. À ce niveau de la rue Pierre Demours se trouvait une source d’eau froide, sulfureuse et ferrugineuse, découverte en 1839, proposée à la consommation en 1856 et qui a disparu lors de l’établissement du chemin de fer de la Ceinture.
Passée l’arcade, au n°41 on peut apprécier d’anciens ateliers où a vécu le peintre, mosaïste et sculpteur Geoffroy Dauvergne (1922-1977). La rue Bayen se poursuit dans un alignement d’immeubles parisiens élégants et permet d’accéder, au n°49, au square Olave-et-Robert-Baden-Powell, baptisé en hommage au couple fondateur du scoutisme. On peut ressortir par un petit passage débouchant avenue Péreire, que l’on peut redescendre jusqu’à la rue Laugier. C’est 1854 que le village Ternes a été coupé en deux par la ligne de chemin de fer reliant Paris à Auteuil, financée par les frères Péreire, l’avenue prenant leur nom en souvenir de ce tracé. À voir notamment les jolis jardins fleuris aménagés.
Prenons la rue Laugier jusqu’à la place Aimé-Maillart. Cette rue, qui porte le nom d’un célèbre membre de l’Académie de médecine, André Laugier (1770-1832), est typique du 17e arrondissement avec ses immeubles en pierre de taille, sobres et chics. La place Aimé Maillart a pris le nom du compositeur, ancien prix de Rome, et permet de reprendre par la gauche la rue Pierre Demours qui rejoint rapidement la rue Rennequin à prendre sur la droite.
En route pour l’Équateur
Ouverte en 1827 sous le nom de rue Lombard, celle-ci a pris le nom de Rennequin par décret du 24 août 1864, en hommage au mécanicien de la machine de Marly qui avait permis le pompage des eaux de la Seine destinées à l’alimentation hydraulique des jardins du château de Marly et du parc de Versailles. Résidentielle, cette rue a aussi pour intérêt, outre ses beaux immeubles bourgeois la bordant, de conduire rapidement le promeneur à la courte rue Théodule Ribot – peintre, aquarelliste et graveur du xixe siècle –, qui permet de rejoindre le boulevard de Courcelles, du nom du hameau auquel elle conduisait. À voir au n°104 le très riant mascaron sur la façade surmontant le cartel marqué du nom de l’architecte E. Mizard.
On accède à la place de la République-de-l’Équateur, située dans le 8e arrondissement à la jonction entre différents quartiers et qui a été formée voilà une cinquantaine d’année. À voir, sur le mur pignon de l’immeuble en brique, à l’angle de la rue et du boulevard de Courcelles, le monument datant de 2004 érigé à la mémoire de Pedro Vicente Maldonado (1704-1748), scientifique équatorien qui participa avec Charles Marie de La Condamine à la mesure de l’équateur terrestre entre 1736 et 1744 comme indiqué sur la plaque en marbre apposée sous son buste de bronze.
Prenons en face la rue de Courcelles et suivons sur la droite la rue Médéric, ouverte en 1850 sous le nom de « rue Guyot » et qui a été rebaptisée à la Libération. Au n°8 se trouvait l’atelier d’Édouard Manet que le peintre occupa de 1861 à 1872. Juste en face, au n°9, se remarque l’église suédoise, Svenska Kyrkan, avec ses briques rouges, construite entre 1911 et 1913. La rue Médéric se prolonge par la rue Fortuny, ouverte en 1876 en souvenir d’un autre peintre, Mariano Fortuny i Marsal (1838-1874), et où vécurent de nombreuses personnalités de la Belle Époque dans une enfilade d’hôtels particuliers néo-Renaissance, véritables décors de carte postale. On peut citer au n°2 celui de l’écrivain Edmond Rostand qui, en 1897, y a écrit son Cyrano de Bergerac ; celui du compositeur Auguste Chapuis (1858-1933) ; au n° 13 celui occupé par le peintre Paul Vayson (1841-1911), puis Marcel Pagnol entre 1933 et 1950. Au n°27 logeait la Belle Otéro, et au 35 la tragédienne Sarah Bernhardt…
La rue Fortuny conduit à l’avenue de Villiers que l’on prend sur la gauche. À ne pas manquer au n°43 le musée Jean-Jacques Henner, situé dans un élégant hôtel particulier. En face, un vaste immeuble abrite le lycée Carnot, qui occupe en réalité tout un terrain du quartier du boulevard Malesherbes. Le cœur de l’établissement est formé d’un grand hall de fer et de verre dû à Gustave Eiffel. Il porte le nom de l’ancien président de la République, assassiné en juin 1894, Sadi Carnot.
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