Le théâtre Déjazet le plus vieux et le plus populaire de Paris
- anaiscvx
- May 2, 2024
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Jean-Paul Gourévitch
3e arrondissement
Vous vous souvenez du film de Prévert-Carné Les enfants du Paradis et de la superbe interprétation de Jean-Louis Barrault en mime. Vous écoutiez peut-être autrefois l’émission du samedi sur RTF Poste Parisien « Du Boulevard du Crime à la rue de la Gaîté ». Vous êtes nostalgique de cette époque disparue où les crimes de pacotille faisaient pleurer Margot. Disparue ? Pas tout à fait. Un bâtiment a survécu malgré la razzia du baron Haussmann sur les salles de spectacle à l’occasion du percement de ses grands boulevards : le théâtre Déjazet, 41 boulevard du Temple, inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1990.Jean-Paul Gourévitch

C’était au départ un jeu de Paume lors de son édification par le comte d’Artois en 1770. Mozart s’y produira en 1778 devant la famille royale. Il revendique donc le privilège d’être le plus ancien théâtre de Paris, faisant valoir que l’inauguration de l’Odéon date de 1782. Le lieu est transformé à la Révolution en établissement de bains puis devient un café-concert, les « Folies Mayer », rebaptisé les « Folies Concertantes » puis les « Folies Nouvelles ». On y joue des saynètes, des pantomimes et les premières opérettes comme celle d’Offenbach Oyayaye ou la Reine des Îles (1855).
Le lieu est racheté en 1859 par la comédienne Virginie Déjazet qui lui donne son nom et protège le jeune dramaturge Victorien Sardou. À partir de 1870, plusieurs repreneurs s’y succèdent, modernisant la salle et modifiant le nom ou la programmation. Sans succès. Le théâtre devient un cinéma en 1939 et accueille une partie du tournage des Enfants du Paradis en 1945. On y met à l’honneur le cinéma d’auteur et les films noirs : Renoir, Carné, Clouzot. Devant la désaffection du public, l’établissement tente de se renouveler en conjuguant cinéma, théâtre et music-hall. Mais ni Coluche, ni Vince Taylor ni le groupe Téléphone ne réussissent à lui conférer une image de marque.
C’est alors qu’interviennent les anarchistes qui s’inscrivent dans la tradition du Paris révolté symbolisée par la place de la République toute proche, épicentre des grandes manifestations populaires. L’inauguration du Théâtre libertaire de Paris, le TLP-Déjazet, a lieu en février 1986 sous les auspices de Léo Ferré. De grandes vedettes s’y produisent : Graeme Allwright, Leny Escudero, Francis Lemarque, Moustaki, Mouloudji, Nougaro, Véronique Sanson, Anne Sylvestre, Cora Vaucaire, Gilles Vigneault…
Aujourd’hui, le théâtre poursuit sa programmation musicale et théâtrale contestataire et de qualité (Stéphane Guillon, Thomas Ngijol, Fracasse mis en scène par Daniel Mesguich…) dans une salle rouge et or totalement modernisée mais qui a gardé son côté baroque avec ses décorations d’angelots. Vous vous y arrêterez pour évoquer des souvenirs, pour jeter un coup d’œil à ce bâtiment Louis XVI qui a malheureusement perdu son fronton, ou pour admirer à l’intérieur les superbes fresques de l’escalier et du plafond peintes par Daumier.
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