Les Dardanelles
- Rose Hareux
- Jul 8, 2024
- 18 min read
Les Dardanelles, la bataille des plages (25 avril-10 mai 1915)
Après l'échec cuisant de l'opération navale survenue dans le détroits des Dardanelles, Britanniques et Français ont opté pour une intervention terrestre pour emporter la décision face aux Turcs. Le commandant en chef allié, sir Ian Hamilton, entend bien faire tout ce qui est en son pouvoir afin de ne pas engager les divisions dont il a la charge dans une opération dont elles ne pourraient s'extraire le moment venu.
Ce corps expéditionnaire – dont il a fallu arracher la formation à lord Kitchener – comprend des éléments triés sur le volet. L'un d'entre eux est la 29e Division en provenance d'Égypte et qui est une grande fierté du ministre britannique de la Guerre. Ce dernier n'a consenti à la confier à Ian Hamilton qu'après avoir reçu l'assurance selon laquelle sa présence était indispensable à la bonne réussite de l'opération. Autre unité qui sera engagée par les Britanniques est la Royal Naval Division, troupe d'élité elle aussi. enfin, le corps des ANZACs (Australian and New Zeland Army Corps) composé de soldats australiens et néo-zélandais, enagagés volontaires, commandés par le général Birdwood conduira à cette occasion sa première garnde opération du conflit. la France, toujours à la remorque des Britanniques, fournit environ 20 000 hommes appartenant au 175e Régiment d'Infanterie métropolitaine, au 1er Régiment de marche d'Afrique, à une brigade d'infanterie coloniale composée de Sénégalais, à un régiment de chasseurs d'Afrique, à trois groupes de 75 et à deux batteries de montagne. Cette force française relève du commandement du général d'Amade. Il s'avère nécessaire d'entraîner cette force militaire d'importance à travailler ensemble, de leur donner un aperçu de ce qu'est un débarquement amphibie… C'est ce à quoi les Alliés se consacrent en rassemblant leurs troupes en Égypte qui constitue, pour Hamilton, une meilleure base de départ que Moudros. Un avis qui n'est pas partagé par le général Birdwood qui préconisait de ne pas tergiverser et d'attaquer sans plus attendre. Mais Hamilton n'est pas homme à agir de la sorte. ainsi trois semaines s'écouleront entre le désatre navl du 18 mars et le lancement de l'opération terrestre.
Les forces turques
Trois semaines … ! Un laps de temps qui permet à Liman von Sanders, nommé à la tête de la 5e armée turque de parachever les défenses du Détroit. Pour s'opposer aux 75 000 hommes de sir Hamilton, l'officier allemand en dispose de 84 000 dont 62 000 ont une fonction combattante. Ces effectifs sont répartis entre cinq divisions : la 11e est retranchée sur la rive asiatique pour s'opposer à toute tentative de débarquement de ce côté; les 9e et 19e sont affectées à la sécurité du sud de la péninsule et les (e et 7e sont placées afin d'empêcher un débarquement par le nord. À ces effectifs, sanders, habile défenseur, en ajoute une autre : la 3e arrivée de Constantinople. L'officier allemand ne possède aucun armement lourd en dehors de ceux qui garnissent les forts et n'a que très peu de pièces de campagne.
Divergences stratégiques
Lancer une opération franco-britannique laisse à penser que les deux alliés ont élaboré une stratégie commune. Pour Ian Hamilton, il n'y a qu'une stratégie : aborder les Dardanelles de front, en faire sauter les verrous en déposant des troupes à terre au cap Hellès et à Kilid Bahr bénéficiant ainsi de l'appui des pièces de marine. L'idée n'est certes pas illogique mais se heurte à des avis différents. En effet, pour Birdwood, il convient d'appliquer une stratégie plus directe qui consisterait à prendre pied dans le golf de saros et à progresser vers Boulaïr et Gallipoli de façon à couper en deux la péninsule. Une fois le sud de la presqu'îlr isolé, les batteries d'artillerie alliée pourraient prendre sous leurs feux le littoral asisatique et détruite les pièces ennemeis. Ce résultat atteint, la flotte – précédée des dragueurs de mines – pourrait avancer dans le détroit. Quant au général d'Amade, partant du principe que Constantinople est la clef des Dardanelles, il suggère de porter l'effort allié sur la côte asiatique. Il préconise donc une opération dans le golfe d'Édrémit où passe la liason entre la capitale de l'Empire ottoman et Smyrne puis de faire route en direction de Brousse afin de contourner les détroite et prendre Constantinople à revers.
Le premier conseil de guerre consacré à l'opération intervient le 22 mars à Moudros. Il révèle l'état d'impréparation dans lequel se trouvenet les forces chargées de mener à bien l'opération dans des délais si courts que l'on peut déjà se demander si elle sera couronnée de succès ! le 10 avril, au cours d'une nouvelle réunion qui confronte les différentes conceptions en présence, sir Ian Hamilton penche en faveur de plusieurs débarquements à gaba Tépé, au cap Hellès, en baie de Morto et sur la pointe ouest de la péninsule, dont l'objectif est de faire converger les troupes vers la localité de Kirithia. À cette tâche qui revient aux Britanniques et aux ANZACs s'ajoute une attaque de diversion des Français sur la rive asiatique du détroit, à Koum Kaleh.
Les incertitudes de von Sanders
Reste le terrain, facteur important à une telle opération. Selon W. Churchill, « il y a relativement peu d'endroits propices au débarquement. Les falaises se précipitent tout droit dans la mer, percées seulement de quelques ravins rares et étroits. La végétation de toute la péninsule n'est guère que de la broussaille semée par endroits de pièces de terre cultivées […] La pointe de la péninsule, d'Achi Baba au cap Hellès, semble, de la mer, constituer une pente douce, mais en réalité, elle a la forme d'une cuillère, ce qui dans une très large mesure la protège contre le tir direct des navires ». (1)Cette opération soulevait pour les deux camps des problèmes militaires difficles à concevoir et à prévoir. Débarquer une armée d'importance face à une défense avertie de longue date et soigneusement préparée, c'était tenter ce qu l'on avait jamais osé faire et qui pouvait se révéler peut-être désastreux.Si von Sanders savait qu'une armée alliée d'importance se préparait à l'assaut, il en ignorait la date et surtout le lieu. S'agissant de ce dernier point, il y avait trois possibilités : la rive asiatique, l'isthme de Boulaïr ou l'extrémité sud de la péninsule. Des trois, c'était la côte d'Asie qui offrait les conditions les plus propices à un débarquement et le déploiement d'une armée. L'occupation de l'isthme de Boulaïr pemettait de couper les communications, par terre ou par mer, aux troupes de la péninsule et « ouvrait la perspective d'obtenir une décision stratégique » (2). En troisème lieu, toujours selon von Sanders « la bande de rivage qui s'étendait de chaque côté de Gaba Tépé offrait les meilleurs conditions pour obtenir rapidement un résultat décisif, car une large dépression, coupée seulement d'une petite élévation de terrain, en pente douce, menait ensuite à Maidos. » Il y avait également, à l'extrémité sud de la péninsule, les environs du cap Hellès favorables à un débarquement qui permettaient d'atteindre le pic d'Achi baba qui commandait directement les forts de la passe de Tchanak. le général allemand n'avait aucun moyen de savoir contre lequel de ces objectifs tous potentiellement d"une importance décisive se porterait l'attaque. Pour faire face à cette situation, il décidait de diviser la 5e armée turque en trois parties égales de 20 000 hommes et 50 canons chacune. celle qui recevait l'attaque devait tenir contre des forces supérieures en nombre et armement en attendant que les autres arrivent à la rescousse. Cependant le choix du commandant britannique de l'expédition était limité à moins de possibilités que ne le pensait von Sanders. car en pratique seulel'extrémité sud de la péninsule était ouverte à une offensive alliée. À la veille de la bataille, le plan allié s'établissait ainsi : un combat entre toutes les forces franco-britanniques et les 20 000 turcs qui avec leurs cinquante canons occupaient la pointe sud de la presqu'île de Gallipoli. Débarquer, écraser ou user les Turcs et occuper les positions défensives qu'ils gardaient près de la passe de tachanak. Telle était la tâche de Ian Hamilton …
Le bain de sang de Seddul Bahr
Le commandant des forces expéditionnaires alliées a donc sélectionné des plages de très modestes dimensions pour y débarquer ses hommes. Comme elles sont peu nombreuses, les Turcs y ont bien entendu concentré leurs moyens défensifs. toutes situées à l'extrémité méridionale de la péninsule ont reçu un nom de code constitué d'une simple lettre : Y et X du nors au sud sur la côte ouest; W entre le cap Tekké et le cap Hellès; V pour Seddul Bahr et S pour la baie de Morto. Le jour du débarquement est prévu le 25 avril.Comme les forces alliées ne possèdent pas de bâtiements pour une opération de débarquement, il a fallu improviser. C'est ainsi que le River Clyde un transport de charbon vien ts'échouer sur la plage V pour y débverser une partie des soldats de la 29e Division. À peine les soldats ont-ils quitté le navire qu'ils sont pris sous le feu meurtrier des mitrailleuses turques. Les pertes à cet endroit sont considérables. Deux heures après le début de l'opération, vers 9 heures du matin, des centaines de combattants ont été tués, blessés et les autres cloués au sol sont dans l'incapacité de progresser ou de reculer. Les liasons entre les troupes au sol et les bâtiments en mer se révèlent désastreuses. Ainsi le cuirassé Albion chargé d'appuyer de ses feux l'avance des fantassins interrompt ses tirs trop tôt pensant les défenses ennemies anéanties… il faut attendre 17 heures pour que le navire britannique pulvérise le village de Seddul Bahr et ses derniers défenseurs. À la tombée de la nuit, près de 29 000 hommes ont débarqué sur une tête de pont de quelques centaines de mètres bordant les plages X, W et V.
Sur la plage Y, les Britanniques ont pris pied sans rencontrer d'opposition et s'accrochent bec et ongle sur une parcelle de etrrain qu'ils seront malheureusement contraints d'évacuer par la mer dès le lendemain en raison des contre-attaques turques. En baie de Morto, sur la plage S, les troupes d'Hamilton prennent possession d'une maigre portion de terrain et s'y eenterrent se préparant ainsi à résister aux Turcs qui ne manqueront pas d'attaquer.
L'échec des ANZACs
Au cours de la nuit du 24 au 25 avril, les cuirassés Queen Elizabeth, London et Prince of Wales approchent de la plage Z (Gaba Tépé) pour y faire débarquer 15 00 ANZACs qui constituent la première vague de l'opération visant à couper en deux la péninsule de Gallipoli. Ce débarquement si important devait s'effectuer avant l'aube sans préparation d'artillerie; « On espérait que pendant que les Turcs serainet engagés contre la 29e Division, à l'extrémité de la péninsile, les ANZACs pourraient pénétrer profondément dans cette région si vulnérables. On avait prévu une suite de débarquements échelonnés de 500 hommes à la fois, sur des canots et des vedettes appuyés par des contre-torpilleurs. On choisit, à huit cents mètre au nord de Gaba Tépé un terrain escarpé et difficile qui ne comporterait vraisemblablement pas de solides défenses. Mais dans l'obscurité, les longues files de canots se trompèrent de direction et abordèrent en réalité à quinze cents mètres plus au nord dans une petite baie surmontée de hautes falaises, connue sous le nom de d'Ari Bournou rebaptisée plus tard ANZAC Cove. » (3)
Cette erreur, si de l'aveu du général Birdwood « constitua une heureuse erreur car la base de départ du corps d'occupation se trouva ainsi mieux abritée des obus » (4) s'est révélée être également une malchance car à peu de distance du point de débarquement stationnait la 19e division turque aux ordres d'un certain Mustapha Kemal qui ordonne à ses bataillons de se déployer le long de la crête de Sari Baïr. Une décision qui a probablement sauvé les forces turques des Dardanelles d'une défaite cuisante. Persuadé de l'intention des Alliés de progresser sur Boulaïr et de l'absolue nécessité de les empêcher de déboucher de Sari Baïr, le chef de la 19e division lance ses troupes dns un furieux assaut. Organisées en trois colonnes, les Turcs se jettent sur les ANZACs avant qu'ils n'aient pu atteindre le sommet du Tchounouk à environ 300 mètres d'altitude. Contre-attaque après contre-attaque, les Ottomans, en dépit de pertes importantes, réussissent à refouler l'adversaire et à le contenir à mi-pente. Selon un rapport britannique « c'est la rapide compréhension de la situation par cet officier [Mustapha Kemal], le 25 avril, qui est la cause première de l'échec subi par le corps des ANZACs dans sa première tentaive d'atteindre son objectif le premier jour du débarquement. » Certes, Kemal en engageant en bloc sa division, a pris un risque considérable et désobéi aux ordres de von Sanders qui lui avait demandé un engagement par échelons successifs. Mais bien lui en a pris car au soir du 25 avril, le danger d'un débordement par le nord des positions turques situées au sud de la péninsule, est écarté ! Près d'une quinzaine de milliers de soldats australiens, appuyés par quelques canons qui ont pu être débarqués, s'entassent sur un espace réduit dont la profondeur varie de quelqques dizaines de mètres à 1 km et dont la profondeur atteint à peine 800 mètres.
Les Français à Koum Kaleh
« Les embarcations qui vont dans la partie est de la plage sont accueillies elles aussi à bonne distance par une grêle de balles venant de la crête ainsi que de la droite du fort. les hommes se prtègent de leur mieux avec leurs havresacs. Un des vapeurs s'échoue; les baleinières de la plage servent à conduire à terre les premiers officiers et hommes. Du vapeur échoué, on répond au feu turc; le torpilleur 313 attire aussi sur lui une partie du feu en tirnt avec son canon de 37 et ses mousquetons. L'accostage des embarcations est rendu très difficile par le courant qui les a fait dériver très rapidement […]. Les vapeurs sont obligés de les approcher le près possible des points d'accostage1 et 5 pour nous permettre de leur envoyer des amarres frappées à terre er portées par des hommes marchant dans l'eeau pour les atteindre […] Deux mitrailleuses ennemies installées dans un moulin à l'est du fort nous gênent beaucoup. Elles sont heureusement démolies par un projectils de 27 du Henri IV. » (5) Cependant les Français du général d'Amade une fois débarqués sont les seuls à « tirer leur épingle du jeu ». Tenant solidement le peu de terrain conquis, ils résistent à toutes les tentatives turques de les en chasser…
Hamilton entre désillusions et espoirs
Au soir de cette journée si décevante et coûteuse en vie humaines, le général Bridwood après avoir consulter les généraux Bridges et Goldey qui commandent les ANZACs empêtrés au nord de Gaba Tepé adresse un message à sir Ian Hamilton : « Nos troupes ont mené un dur combat toute la journée. On ne peut rallier les hommes dans ce terrain très difficile. S'ils sont attaqués et bombardé à nouveau, demain matin, on peut s'attendre à une débâcle. Je n'ignore pas la gravité de ma proposition, mais si nous devons nous rembéarquer, il faut que ce soit tout de suite.» Le bilan de la journée est difficilement acceptable pour cet homme qui pensait mettre la main sur la pointe sud de la péninsule de gallipoli en deux ou trois journées de combats. Mais au soir du 25 avril, pas un seul des objectifs dont la conquête a été confiée aux trois divisions débarquées n'est atteint. Aussi Hamilton, conseillé et soutenu par l'amiral Thursby envoye cet ordre à ses hommes : « Se retrancher et tenir bon. » de manière à ne pas être rejetés à la mer par une contre-offensive ottomane de garnde ampleur. En attendant Hamilton espère que la situation éclaircie, il sera possible d'aller de l'avant vers Krithia et Achi Baba.
Une bataille d'usure
Lors de la nuit du 26 avril, la situation demeura critique sur la plage V. le point de débarquement restait exposé au feu turc et il fallait à tout prix progresser pour obtenir un résultat… À l'aube du 26, précédé d'un violent bombardement de la Flotte, ce qu'il restait de la 29e Division est lancé à l'assaut du château et du village de Seddul Bahr. À 9 heures, les troupes britanniques prennent le château puis le village, maison par maison. Enfin, elles prennent une redoute turque puissamment défendue, violemment pilonnée au préalable par l'Albion. Grâce à ces succès, le 26 au soir, les plages V, W et X étaient reliées entre elles par un arc continu.Le 27, les Alliés tirant profit de l'épuisement de l'ennemi ainsi que de son infériorité numérique, renforcés par l'apport de quatre bataillons français transforme par une nouvelle avnce cet arc concave en une ligne droite partant d'un point situé à 3 km de Gaba Tépé pour atteindre la batterie De Totts. Ainsi « l'extrême pointe de la presqu'île de Gallipoli avait été enlevée avec les dents, toutes les plages étaient à l'abri du tir de l'infanterie ennemie, et une substantielle tête de pont avaite été établie et consolidée à terre. » (6)Sir Ian Hamilton ordonne au reste de la 29e Division, à la division navale royale et à la division française (7) d'avancer en direction du village de Krithia le 28 avril. Les Turcs de leur côté se sont réorganisés ont commencé à recevoir des renforts mais pour eux cette journée est critique. En effet, leurs troupes avaient essuyé de lourdes pertes, leurs bataillons ne comptaient guère plus de 500 hommes. Dès midi, toutes leurs réserves sont engagées dans la bataille. Cependant, les troupes britanniques et françaises ne sont pas en mesure de progresser, prises sous les feux turcs. De son côté, l'artillerie navale n'est pas d'un gardn secours dans dans ce creux de terrain en forme de cuillère et les Alliés n'ont pas eu le temps d mettre en place le soutien de leur propre artillerie… il manquait aux Franco-Britanniques un corps d'armée supplémentaire… Certes il existait mais ne devait entrer plus tardivement dans la bataille. Sa présence aurait peut-être donné la victoire mais mais il restait inutilisé en Égypte ou en Angletere…
Le 27 au matin, l'Amirauté britannique recevait un télégramme de l'amiral de Robeck rendant compte de la bataille. Churchill le portait à lord Kitchener qui « semblait penser que que le moment critique était passé et qu'une fois les troupes à terre en grand nombre, le reste suivrait facilement. mais les nouvelles des grosses pertes qui arrivèrent le 28 et les télégrammes ultérieurs révélèrent le caractère sévère et critique des combats […] nous demandâmes instamment à lord kitchener d'ensoyer à sir Ian Hamilton de grands renforts d'Égypte et d'Agleterre […] Lord Kitchener se refusa d'abord de croire qu'il fallût plus de troupes […] Le soir même il télégraphia à sir John Maxwell et à sir Ian Hamilton pour leur annoncer qu'il affectait aux Dardanelles une brigade indienne et la 42e Division de réserve, alors en Égypte ». Mais décider l'envoi de troupes est une chose et les préparatifs pour les acheminer en est une autre. En réalité, la brigade d'infanterie indienne n'arrivera que le 1er mai et la brigade de tête de la 42e Division pas avant le 5 ! Pendant ce temps, des renforts parvenaient aux Ottomans jour après jour, ainsi que de l'értillerie prélévée sur la défense des détroits C'est ainsi que les Turcs se lancèrent dans une contre-attaque général afin de rejeter les troupes alliées à la mer (1er-3 mai). mais si les troupes de sir Ian Hamilton n'était pas en mesure d'avancer, les Turcs ne l'étaient pas non plus pour les chasser de leurs positions. Il en résulte que le 3 mai les attaques ottomanes étaient totalement brisées et les Turcs avaient subi de lourdes pertes. l'initaitive semblait de nouveau revenir aux Alliés qui avaient débarquer des quantités importantes d'approvisionnement, d'artillerie et de munitions. Rien ne semblait empêcher de retenter une nouvelle progression contre un ennemi probablement découragé mais pour cela encore aurait-il fallu disposer de troupes fraîches… En tout état de cause on ne pouvait entreprendre aucune attaque avant le 6 mai et sir Ian Hamilton manquait de réserves. Il prit donc la décisison de retirer la 2e brigade australienne et la brigade néo-zélandais de « l'anse des ANZACs » pour les amener au Cap Hellès.
La contre-offensive turque
Pendant ce temps, von Sanders prépare une contre-offensive de grande ampleur dont il espère des résultats décisifs. Sous la pression d'Enver Pacha qui l'empresse de rejeter les Alliés à la mer, le commandant allemand grâce aux renforts qu'il a reçu fait monter en lignes, en quelques jours, les 2e et 4e divisions puis les 13e, 15e et 16e divisions formant le 5e Corps d'Armée ainsi que de l'artillerie. Les Ottomans ont pour eux une supériorité numérique : ils alignent 75 bataillons face aux 57 des Français et Britanniques.
La contre-attaque est déclenchée le 1er mai à 22 heures. Sa violence est telle que les lignes alliées sont submergées et que les assaillants atteignent les environs du village de Seddul Bahr. Cette progression encourage les assaillants qui prolongent leur effort lors de la nuit du 2 au 3 mai où cette fois un régiment d'infanterie colonial avec des Sénégalais cède sous la pression. les Alliés doivent faire preuve de courage et de ténacité pour contenir la fureur des Turcs. Trois jours durant, ces derniers se lancent à l'assaut des tranchées franco-britanniques mais sont contraints de reculer à chaque fois au prix de pertes énormes. En fin tacticien, von Sanders ordonne à ses hommes de creuser leurs positions de première ligne au plus près de celles de leur ennemi. Ainsi il protège ses soldats des tires des bâtiments alliés qui ne sont alors plus en mesure d'appuyer leurs propres forces. « Il faut surtout, explique-t-il, se maintenir au contact immédiat de l'ennemi pour se soustraire au feu des grosses pièces de marine qui craindront de tirer sur leur infanterie.» Face à ces furieux assauts ottomans, les Français et les Britanniques sont dans l'obligation de puiser dans leurs réserves. Hamilton jette ainsi dans la mêlée la Naval Brigade, les fusiliers du Lancashire et la 12e Division d'Infanterie en provenance d'Égypte. Les Français, de leur côté, dépêche quelques régiments rassemblés dans une division de marche, la 2e, dont le commandement est confié au général Bailloud.
Achi Baba l'objectif de Kitchener
Si von Sanders a été mis sous pression par Enver Pacha, Hamilton l'est également par lord Kitchener. Pour ce dernier, il faut impérativement prendre Krithia et la crête d'Achi Baba le plus rapidement possible. Pour atteindre cet objectif, il n'y a qu'une solution : attaquer frontalement les positions ennemies au risque d'avoir d'importantes pertes humaines. « La nuit du 3 au 4 mai fut effroyable explique Edmond Delage (8). les Turcs, renforcés sans cesse par des unités fraîches, firent fléchir la ligne française. Les Sénégalais reculèrent jusqu'à la falaise : deux bataillons anglais rétablirent la situation. De onze heures du soir à deux heures du matin, des masses confuses d'hommes furent éclairées de feux des bengale […] tirés par les officiers turcs pour faire allonger leur artillerie. Aux cris d'Allah, répondaient les hurlements des Anglais et des Africains. À l'aube, les Alliés eurent encore la force de contre-attaquer. Les Anglais gagnèrent un quart de mille, les Français arrêtés par les fils de fer et les mitrailleuses ne progressèrent pas. »
Du 5 au 8 mai , hamilton jette ses forces et celle de Bailloud en direction du Kérévès Déré et de Krithia. Les Français réussisent à progresser de 300 mètres mais les Britanniques avancent très peu. La bataille, féroce, se poursuit les jours suivants. Cette fois les Turcs prennent l'initiative au cours de la nuit du 18 au 19 mai. Ils se jettent à l'ssaut des positions des Australiens et Néo-Zélandais de Gaba Tépé, Anzac Cove et Brighton Beach. Von Sanders jette d'importantes forces dans la bataille sacrifiant ses hommes mais sans réel résultat !
Le 10 mai, le commandant en chef aux Dardanelles réclame à Londres deux divisions, puis une semaine plus tard deux corps d'armée ! Gallipoli devient un véritable bourbier où la moindre tentative de progression produit des pertes démesurées au regard des résultats obtenus ! À toutes les dmandes de renforts d'Hamilton, lord Kitchener fait la sourde oreille et réclame inlassablement de s'emparer de Gallipoli et de s'extraire du bourbier oriental. « L'armée entière de sir Ian Hamilton était paralysée, confinée en deux endroits séparés de la péninsule. Ses deux points d'attaque principaux, bien que reliés par la mer n'avaient toujours aucun lien entre eux. aucune position décisive n'avait été enlevée. entre les Anglais et Achi Baba et entre les Australiens et la montagne de Sari Bair ou la ville de Maidos, s'étendait une ligne continue de retranchements turcs qui se développaient sans cesse. » (9)
La Flotte se retire !
Tandis que le terrain, la situationest désastreuse, une crise politique se produit à Londres, le premier lord de la mer, Fisher, quitte ses fonctions. Cette initiative sème le trouble au sein du ministère Asquith qui décide de procéder à un remaniement excluant Winston Churchill de son poste de premier lord de l'Amirauté. Autre victime de l'échec, cette fois côté français : l'amiral Guépratte remplacé par l'amiral Nicol.
Sur le terrain, le corps expéditionnaire est sur le point de perdre l'un de ses plus précieux appuis dans le combat qu'il mène contre les forces ottomanes et qui lui a probablement évité d'être rejeté à la mer à maintes reprises : celui de la flotte ! En effet les sous-marins allemands commencent à s'en prendre à la flotte de l'amiral de Robeck. Ainsi au cours de la nuit du 12 mai, l'un d'entre eux envoie par le fond le Goliath entraînant la mort d'une grande partie de son équipage. Et ce n'est que le début ! Le 25 mai, c'est au tour du Triumph – un des participants à la bataille navale du 18 mars - de subir un sort analogue ! Puis le 27, le Majestic mouillé face à la plage W coule à son tour victime des tirs de l'U-21 du commandant de vaisseau Hersing. La Royal Navy décide alors de retirer ses navires pour les mettre à l'abri à Moudros et Imbros. le corps expéditionnaire d'Hamilton devra donc désormais fse passer de soutien de la Flotte et faire avec ses seuls moyens à terre. Tout cela semble entrevoir un avenir bien sombre !
À suivre dans le prochain numéro : La bataille de Souvla et le rembarquement.
(1) Winston Churchill, Mémoires de la Grande Guerre 1911-1915, Éd. Tallandier, 2014.
(2) Von Sanders.
(3) Winston Churchill, mémoires de la Grande Guerre 1911-1915, Éd. Tallandier, 2014.
(4) Rapport du général Birdwood sur le débarquement de Gaba Tépé, 20 mai 1915.
(5) rapport du torpilleur 313 sur le débarquement de Koum Kaleh, 21 mai 1915.
(6) Winston Churchill, Mémoires de la Grande Guerre 1911-1915, Éd. Tallandier, 2014.
(7) Ayant débarqué les les 26 et 27 avril.
(8) La tragédie des Dardanelles (1931).
(9) Winston Churchill, Mémoires de la Grande Guerre 1911-1915, Éd. Tallandier, 2014.
Soldats de France et du Roi (*)
« Nous sommes à la veille d'un événement sans précédent dans les annales de la guerre moderne. De concert avec nos camarades de la marine, il nous faut débarquer par la force dans une baie ouverte, devant des positions que notre adversaire proclame imprenables. Avec l'aide de Dieu et de la Flotte, le débarquement s'effectuera avec succès, les positions seront prises d'assaut et un pas de plus aura été ainsi fait vers une issue victorieuse de la guerre. »
(*) Proclamation du général Hamilton à la veille du débarquement du 25 avril 1915.
Le général Bailloud (1847-1921)
Né le 13 octobre 1847, Maurice Bailloud sorti de l"''École spéciale militaire de Saint-Cyr (1866-1868) choisit la cavalerie. Lieutenant en 1870, capitaine en 1872, il est nommé colonel en 1991. Ayant pris part à l'expédition de Madagascar, il est promiu général de brigade en 1898, participa à l'expédition de Chine contre les Boxers puis est nommé général de division en 1901. Après avoir été à la tête de plusieurs corps d'armée, il est placé dans le réserve en 1912 et rappeler pour prendre le commandement d'une division du C.E.O. (Corps Expéditionnaire d'Orient), puis le corps lui-même aprèsla blessure du général Gouraud.
Un aveu d'échec (*)
« […] l'espoir d'enlever les importantes positions d'Achi Baba et de Sari Baïr dans le premier élan avait été décu, ta tâche s'étant révélée beaucoup plus ardue qu'on ne l'avait supposée. les pertes avaient été lourdes; elles semontaient à 14 000 hommes, non compris les Français. De ce fait, la question des détachements et des renforts devnait de plus en plus importante. il était évident à présent que les opérations ne suivaient pas le cours prévu. Au lieu de chasser les Turcs rapidement de leurs positions aussitôt après le débarquement et d'occuper les hauteurs dominant les défenses des détroits, les troupes se trouvaient en face de lignes de tranchées et de réseaux de fil de fer dont on ne pouvait prendre possession que par la méthode de la guerre des tranchéées. »
(*) Réunion du comité de guerre britannique en date du 14 mai 1915.
Comentários