La longue implantation à Paris des communautés de frères et de sœurs mendiants (Dominicains, Franciscains, Carmes, Augustins, Clarisses, Capucins, Minimes…) est riche et rappelée par la toponymie ainsi qu’un patrimoine aux traces architecturales parfois trop éparses, victime de nombreuses démolitions à la Révolution et au xixe siècle.
Adrien Bostmambrun
Chantres de la pauvreté dès la première moitié du xiiie siècle, les Franciscains, les Dominicains, les Carmes et les Augustins marquent durablement l’urbanisme d’une bonne partie de l’Europe catholique. Les deux premiers ordres, appelés pour les uns Frères Mineurs (créés par François d’Assise en 1210) et pour les autres Frères Prêcheurs (institués par l’Espagnol Dominique de Guzman en 1215), dépassent en popularité les deux autres. Leur apostolat vise un retour à la pureté évangélique, éloigné des dérives (relâchement moral, enrichissement excessif) qui minent les plus vieilles abbayes médiévales ou le clergé séculier.
Le renouveau religieux du xiiie siècle
Si les Carmes et les Augustins conservent leur nom où qu’ils soient en Europe, les Franciscains et les Dominicains adoptent peu après leur naissance un surnom proprement français, les Cordeliers (en raison de la corde qui leur sert de ceinture) et les Jacobins (du fait de leur grand couvent parisien implanté rue Saint-Jacques, Jacob en hébreu). Sur le plan toponymique, ces fraternités ont parfois laissé leur nom, comme la rue des Carmes (5e arrondissement), la rue des Grands-Augustins donnant sur le quai du même nom (en rive gauche) ou la rue des Cordelières (près de la place d’Italie).
Ces religieux ne mènent pas la vie exclusivement contemplative et recluse des moines (sauf dans un premier temps les Carmes) mais un quotidien auprès des habitants des villes. Ils connaissent une popularité croissante entre le début du xiiie siècle et le courant du xve ; les siècles postérieurs sont, en revanche, l’ère d’un relatif déclin et voient l’affirmation d’ordres rivaux. Des ordres nés au début du xiiie siècle, France compte, juste avant la Révolution, près de 330 couvents franciscains, plus de 170 dominicains, plus de 130 carmes, etc.
L’installation dans la capitale
En 1218, soit trois ans à peine après leur fondation par le futur saint Dominique, les Dominicains obtiennent un terrain en rive gauche, à l’abri du rempart de Philippe Auguste tout juste achevé. Rue Saint-Benoît (devenue ensuite rue Saint-Jacques), ils jouxtent la porte sud de l’enceinte. Les bâtiments qui leur ont été attribués accueillent alors les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, d’où le surnom vite donné de Jacobins (de Jacob en hébreu) aux frères. La rue Saint-Jacques, le long de laquelle ils restent jusqu’en 1789, constitue longtemps un axe majeur, héritier de l’ancienne grande artère nord-sud (cardo) de Lutèce.
Dès 1230, Louis IX (saint Louis) aide les Franciscains, arrivés quelques années plus tôt sur la colline Sainte-Geneviève pour être au plus près de l’Université, à se doter d’un ensemble digne de ce nom ; ils sont installés plus au sud et à l’intérieur de l’enceinte de Philippe Auguste, non loin des Dominicains. Leur première chapelle, dont la construction a lieu vers 1250-1270 et qui est gravement endommagée par un incendie à la fin du xvie siècle, mesure 105 m de long pour 30 de large. Outre les sermons publics, elle abrite les offices d’un nombre de frères important, quelque cent cinquante au xiiie siècle et le double au xve.
Saint Louis s’attache aussi aux autres grandes communautés, les Carmes et les Augustins, apparus respectivement en 1226 et 1256. Jean de Joinville le rappelle par ces mots : « Le roi aimait toutes les personnes qui entraient au service de Dieu et qui portaient l’habit religieux […]. Il pourvut les frères du Carmel et leur acheta une place à bâtir sur la Seine vers Charenton ; et il fit bâtir pour eux une maison et leur acheta vêtements, calices et tous les objets nécessaires pour faire le service de Notre-Seigneur. Et après il pourvut les frères de Saint-Augustin et leur racheta la grange d’un bourgeois de Paris avec toutes ses dépendances et leur fit faire une église à l’extérieur de la porte de Montmartre » (1). Joinville ajoute que le roi dote tout aussi généreusement les frères Sachet, dont l’ordre est supprimé plus tard lors du deuxième concile de Lyon (1274) qui établit une sélection parmi les ordres mendiants.
Après une première installation (1254) évoquée ci-dessus par Joinville, les Carmes acquièrent en 1317 de nouveaux espaces plus confortables, rue des Carmes (près de l’actuelle place Maubert). Vingt ans plus tôt, en 1297, les Augustins, dits aussi ermites de Saint Augustin, se sont établis sur l’actuel quais des Grands-Augustins (en face du quai des Orfèvres).
Les branches féminines mendiantes sont peu représentées à Paris au Moyen Âge. Avant la création par Philippe le Bel d’une puissante abbaye de sœurs dominicaines à Poissy en 1304, le xiiie siècle voit l’implantation de Clarisses, appelées ici « Cordelières » ; il en reste le réfectoire gothique en ruines dans le jardin d’une maison de retraite au 54 rue Pascal (près de l’actuel cimetière de Montparnasse).
Les rois de France du Moyen Âge et les Mendiants de Paris
Figure d’une dévotion sans commune mesure, Louis IX s’attache, nous l’avons rappelé, aux ordres mendiants. Il prend pour conseiller le Cordelier du couvent de Paris, Eudes Rigaud, l’un des plus grands intellectuels franciscains de son temps. Louis tient cette affection pour ces religieux de sa mère, la reine Blanche de Castille, qui est par ailleurs plus proche des Dominicains que des Franciscains (sans doute en raison de sa rencontre probable avec Dominique de Guzman en 1204 et de ses origines espagnoles). Elle comble de ses bienfaits le couvent Saint-Jacques, s’entoure de nombreux Dominicains et appuie l’Inquisition dominée par ces derniers. La sœur de Louis IX, Isabelle de France, est, elle aussi, sensible au mode de vie des Mendiants et favorise les Clarisses pour lesquelles elle fonde en 1256 une abbaye royale à l’écart de la capitale (site de l’actuel hippodrome de Longchamp) ; elle refuse cependant d’en être l’abbesse.
Le deuxième successeur de saint Louis, Philippe le Bel, lui aussi particulièrement dévot, s’entiche pour les communautés de frères mendiants même si cette affection, notamment vis-à-vis de l’ordre de Saint Dominique, bras armé de la papauté, est quelquefois tempérée par le conflit qui oppose le roi au pape. En 1317, il fournit aux Carmes leur nouvel emplacement de la rue des Carmes évoqué plus haut et prend trois confesseurs dominicains qui se succèdent : Nicolas Caignet de Fréauville, Guillaume de Paris et Renaud d’Aubigny. Fréauville est promu cardinal mais échoue à devenir pape (1314) et Guillaume de Paris occupe le poste de Grand Inquisiteur, instruisant le procès des Templiers.
Cette proximité de nombreux membres de la famille royale vis-à-vis les ordres mendiants en incite plusieurs à vouloir reposer pour l’éternité dans leurs chapelles (parfois au détriment d’autres églises qui voient ainsi le droit de sépulture, très rémunérateur, leur échapper). Si l’on ne prend que cet exemple, chez les Dominicains sont inhumés Robert de France (fils de saint Louis), Agnès de Valois (fille du roi Jean II) ou encore Clémence de Hongrie (seconde femme de Louis X). Cette dernière, morte en 1328, a elle-même été religieuse dominicaine à Aix-en-Provence. En 1322, Marie de Brabant, seconde épouse du roi Philippe le Hardi, est inhumée chez les Cordeliers de Paris et son cœur placé chez les Jacobins. Quelques-unes de ces sépultures existent toujours, sauvées des aléas de l’Histoire, aujourd’hui dans la basilique Saint-Denis.
L’exigence de pureté morale prônée par certains frères les met parfois en difficulté vis-à-vis de l’autorité royale surtout lorsque ces frères se mêlent de politique. Ainsi, sous Louis XI, un monarque soupçonneux ne souffrant que peu la contestation, le Cordelier Antoine Fradin dénonce, au cœur de Paris devant une foule venue en masse l’écouter, les abus de seigneurs proches du roi et est pour cela banni du royaume. Louis XI congédie aussi son propre confesseur, le cardinal Hélie de Bourdeilles, un Franciscain de grande renommée (reconnu bienheureux), pour ses critiques à son égard.
L’Université de Paris et les Mendiants
L’Université de Paris, une institution dont les statuts ont été rendus officiels autour de 1200, a vu au cours des siècles passer d’éminents intellectuels appartenant aux ordres mendiants. Notons que pour les Franciscains et les Carmes, l’implication dans l’enseignement pose le souci d’une entorse à leur règle originelle, au point de susciter des débats au sein des familles. Ils se mêlent en tout cas aux professeurs déjà en place. Parmi les Dominicains, évoluent Albert le Grand, Jean Hugo, Pierre de Tarentaise et surtout Thomas d’Aquin, qui y enseigne de 1252 à 1259 puis de 1269 à 1272 (certaines de ses thèses sont pointées du doigt par les maîtres séculiers et l’épiscopat). Chez les Franciscains, se distinguent Eudes Rigaud mentionné plus haut, Jean de La Rochelle, Géraud du Pescher et Giovanni di Fidanza (v. 1220-1274) plus communément appelé Bonaventure. Celui-ci suit l’enseignement dispensé par le Franciscain Alexandre Halès et enseigne à son tour pendant une vingtaine d’années jusqu’à sa mort lors du second concile de Lyon. Après 1260, la « biographie officielle » de saint François d’Assise qu’il compose est saluée par l’Université qui ordonne ensuite « que toutes les légendes jadis écrites sur le bienheureux François soient détruites et que, là où elles pourront être trouvées hors de l’ordre, les Frères s’appliqueront à les faire disparaître ».
Tout comme ils empiètent sur les missions d’une partie des ecclésiastiques en milieu urbain, les Mendiants, surtout les Dominicains et les Franciscains, s’imposent au sein de l’Université et suscitent des jalousies. Leurs talents, incontestables, font craindre aux professeurs déjà installés qu’ils ne fassent main basse sur l’ensemble des chaires et attirent trop d’étudiants à eux. Les professeurs séculiers, qu’ils soient des chanoines de la cathédrale Notre-Dame ou venus d’autres franges du clergé non réguliers, « gagnaient leur vie à enseigner, rappelle l’historien Jean Favier, ils faisaient dans leur chaire une carrière, et ils trouvent en leur chaire un tremplin vers d’autres carrières, l’épiscopat en particulier. Ces professionnels du savoir ne pouvaient que juger déloyale l’attitude des ordres mendiants, dominicains et franciscains, pour qui l’enseignement et la prédication furent au cœur de la vocation religieuse : d’origine divine, la connaissance ne pouvait, à leurs yeux, se monnayer. Sermons gratuits, leçons gratuites, les mendiants furent vite devenus populaires » (2).
En plus de ces raisons prosaïques de gagne-pain, les séculiers dénoncent le rigorisme de quelques Franciscains quasiment traités comme des cathares. En 1253, les maîtres mendiants sont chassés de l’Université mais le pape Alexandre IV les réintègre deux ans plus tard, ce qui met en colère plusieurs professeurs, à l’image du chanoine Guillaume de Saint-Amour qui les taxe d’hypocrisie et raille leur mode de vie fondé sur la mendicité (propos qui scandalisent Louis IX lequel ordonne son bannissement à vie). Les papes Urbain IV (1261-1264) et Innocent IV (1265-1268) ramènent peu à peu le calme entre séculiers et Mendiants et assurent à ces derniers quatre chaires (deux pour les Dominicains et deux pour les Franciscains). Or, des membres de la curie romaine excitent à nouveau les tensions. Aussi, quatre ans avant d’être élu pape sous le nom de Boniface VIII, le légat Benoît Caetani injurie-t-il en novembre 1290 les séculiers de l’Université, les traitant de « sots entre les sots ». Et d’ajouter : « Pour tout dire, la curie romaine anéantirait les maîtres de Paris plutôt que de retirer ce privilège aux Frères » (3) ! Le privilège en question est la confession, un droit accordé aux Mendiants alors que certains d’entre eux rappellent que la règle d’origine le leur interdit (exemple des Franciscains).
Les conflits au sein de l’Université portent aussi sur des questions de théologie, notamment l’Immaculée conception (position qui défend la virginité de Marie à la naissance du Christ). Les Franciscains penchent pour ce qui ne deviendra un dogme définitif qu’au xixe siècle alors que les Dominicains, parmi lesquels Thomas d’Aquin lui-même, sont plus réticents (des désaccords existent aussi au sein des ordres eux-mêmes).
En-dehors de l’Université de Paris, les couvents de Mendiants abritent leur propre école dès le xiiie siècle (la bibliothèque des Cordeliers, par exemple, renferme près de 9 000 ouvrages à la fin du Moyen Âge). La gestion de ces écoles (notamment le logement des étudiants) permet aussi aux frères d’obtenir de quoi subvenir à leurs besoins. Des maîtres parisiens de l’ordre de Saint-Dominique voyagent et fréquentent aussi l’université de Toulouse ouverte en 1229 puis, un siècle plus tard, la cour pontificale en Avignon.
Les débuts de la décadence
Ces chantres de la pauvreté connaissent les travers que les tout premiers d’entre eux voulaient combattre, à savoir le relâchement disciplinaire et un certain enrichissement. D’où les scissions qui surgissent. Les Dominicains, les Carmes et les Augustins conservent encore longtemps leur homogénéité, mais leurs confrères franciscains n’échappent pas aux premières divisions. À la fin du xve siècle naît la frange dite des frères de « l’Observance » qui veulent davantage « observer », c’est-à-dire respecter la règle de saint François d’Assise prescrivant la pauvreté évangélique. Ces nouveaux Franciscains, encouragés par le roi Charles VIII, s’implantent un peu partout en France, en prenant parfois carrément la place des Cordeliers dans leurs cloîtres, ceci non sans remous. À Paris, au cours de l’année 1501, confrontés au Franciscain réformateur Olivier Maillard, les Cordeliers sont sommés d’accepter de revoir leur mode de vie. Or, campant sur un refus, ils s’en prennent à Maillard et engagent l’épreuve de force. La querelle dure plusieurs mois ; l’épiscopat parisien, la papauté et le roi ne s’accordant pas sur une position à adopter, on doit transiger et une demi-réforme s’engage. En 1502 a lieu la scission entre Cordeliers et Observants même si elle n’est actée, sur un plan français et européen, qu’en 1517.
Malgré les dévoiements de la règle et si certains frères sont tentés par les idées luthériennes qui traversent alors l’Europe, les Mendiants restent majoritairement des défenseurs de la foi catholique, notamment les Dominicains. C’est dans le contexte houleux des guerres de Religions qu’est perpétré le régicide contre Henri III, accompli par un Dominicain passé par les couvents de Sens et de Paris. Au château de Saint-Cloud le 1er août 1589, le frère Jacques Clément poignarde mortellement le roi, homme très pieux mais honni par toute une partie de la France dans le cadre de son conflit avec les ultra-catholiques. L’attentat est très certainement téléguidé par la Ligue, fer-de-lance des ultra-catholiques, qui venge ainsi la mort du duc de Guise tué sur ordre du roi quelques mois plus tôt. Clément est criblé de coups de piques aussitôt son crime commis. On trouve à Paris, dans la rue comme à la Sorbonne ou chez les Dominicains, des personnes pour saluer le régicide. Un poème circule alors dans la ville : « Un jeune jacobin nommé Jacques Clément / Dans le bourg de Saint-Cloud une lettre présente / À Henri de Valois et, vertueusement / Un couteau fort pointu dans l’estomac lui plante. »Surpris à louer Clément, le prieur du couvent des Jacobins de Paris, le père Bourgoing, est condamné à mort et, pour faire un exemple, on n’hésite pas à lui infliger la terrible peine d’écartèlement (à Tours en février 1590).
Peu après, sans pour autant connaître une profonde division, les Dominicains acceptent une vaste réforme interne et de voir certains s’éloigner de la communauté d’origine. En 1611, des frères, soutenus par Marie de Médicis et l’évêque Henri de Gondi, viennent s’établir rue Saint-Honoré au couvent de l’Annonciation (site bien plus tard, en 1791, investi par une frange de révolutionnaires surnommés pour cette raison Jacobins). Les frères de Paris créent aussi, en 1632, le noviciat Saint-Dominique dominé par l’église Saint-Thomas d’Aquin toujours visible rue du Bac (près du boulevard Saint-Germain).
De leur côté, une partie des Carmes et des Augustins dits « déchaussés » (ou « déchaux ») adoptent une réforme venue d’Espagne et d’Italie à la fin du xvie siècle et se séparent des communautés de leur ordre critiquées pour leur laisser-aller disciplinaire ; pour cela, ils se « déchaussent » en troquant leurs confortables chaussures pour des sandales plus rudimentaires attestant d’un retour à plus d’austérité. Les Augustins déchaussés s’établissent à Paris et, en 1629, Louis XIII pose en personne la première pierre de leur église (aujourd’hui basilique Notre-Dame-des-Victoires, au nord de l’église Saint-Eustache). La réforme interne imposée aux Carmes « historiques » de Paris rebute pour autant certains d’entre eux, comme cela a été le cas auparavant pour les Cordeliers, et la vieille communauté du Carmel réagit avec vigueur. Richelieu, soucieux des changements à entreprendre au sein des grandes fraternités religieuses, doit en 1628 envoyer la troupe pour intimider et faire obtempérer les frères.
Minimes, Capucins, Récollets
Après les Observants du xve siècle, la famille franciscaine enfante de nouvelles communautés dont les noms sont restés célèbres : Minimes, Capucins, Récollets. Les premiers rappellent d’ailleurs par cette désignation (« les tous petits ») celle de Frères mineurs. Les Minimes s’obligent à un carême à vie (refusant la viande, le lait et les œufs). Ils jouissent, déjà du temps de Louis XI, des faveurs du royaume de France. Le roi, à l’agonie en août 1483, en appelle aux pouvoirs guérisseurs de François de Paule fondateur de l’ordre (reconnu par le Saint-Siège en 1474). Ce dernier, reçu tel un pape, vient à son chevet à Plessis-lès-Tours. Peu après, Charles VIII témoigne à François toute son estime. Après deux premières maisons à Plessis-lès-Tours et Amboise, les Minimes arrivent à Paris (quartier Chaillot) en 1493.
Les Capucins, créés en Italie en 1525, tirent leur nom de leur grande capuche et se distinguent des autres par leur longue barbe. Ils arrivent progressivement en France, à Meudon en 1572 puis à Paris rue Saint-Honoré deux ans plus tard. Henri III et Henri IV sont très sensibles à leur spiritualité et leur sens du dévouement, et fréquentent assidûment leur chapelle. Auprès des cercles du pouvoir évoluent deux Capucins parisiens, qui ont en commun d’avoir été soldats avant de revêtir la robe de bure. En 1587 entre au couvent de la rue Saint-Honoré le duc Henri de Joyeuse, sous le nom de « père Ange ». Ce Ligueur longtemps hostile à Henri de Navarre a fini par rallier ce dernier devenu roi qui le fait maréchal de France. Un autre Capucin a été surnommé l’« éminence grise » du cardinal de Richelieu, le père Joseph, de son nom de laïc François Leclerc du Tremblay, militaire jusqu’à son entrée en religion en 1599, qui multiplie les prêches contre les protestants et use auprès du cardinal de ses dons de diplomate. Sa mort, en 1638, ouvre la voie au cardinal Mazarin.
Minimes et Capucins contribuent en tout cas à marginaliser les vieux Cordeliers : au milieu du xviiie siècle, le royaume compte plus de 400 cloîtres capucins pour environ 5 000 religieux (et environ 150 maisons de Minimes) alors que les Cordeliers ne sont plus que 2 000. À cela s’ajoutent bientôt quelque 200 maisons d’autres Franciscains, nés en 1583, les « Frères mineurs récollets » (terme signifiant « recueillis »). Ils s’établissent en 1604 au faubourg Saint-Martin où Marie de Médicis les aide, quelques années plus tard, à se doter de véritables bâtiments. On ajoutera à cela un couvent de filles capucines (d’abord à l’emplacement de l’actuelle place des Vosges, puis rue des Capucines).
Toutes ces nouvelles chapelles participent à la reconquête catholique de Paris qui, à la fin du xviie siècle, comportera près de 300 églises, une soixantaine de couvents d’hommes et une quarantaine de couvents de femmes (4).
Disparition presque générale des édifices dès la Révolution
Dès la confiscation des possessions ecclésiastiques devenues bien nationaux en 1790, les couvents de Mendiants subissent les aléas d’une époque tourmentée mais aussi ceux d’un retour au calme que constituent le Consulat et l’Empire. Les pertes patrimoniales sont importantes. Disparaissent sur l’instant ou progressivement les couvents des Jacobins (rue Saint-Jacques et rue Saint-Honoré), des Carmes, des Grands Augustins, des Minimes de Chaillot, des Capucins, des Capucines…
Sont préservés une partie des Cordeliers (aujourd’hui une faculté rue de l’École de Médecine, quartier Sorbonne), dont il reste, par chance, le très beau réfectoire conventuel gothique rebâti au xve siècle. Les bâtiments des Récollets, bien entretenus, sont aujourd’hui divisés en lots d’habitations au 150 rue du faubourg Saint-Martin (près de la gare de l’Est). Il subsiste également une grande partie de l’ancien couvent des Carmes déchaussés dominé par sa belle chapelle au 70 rue de Vaugirard ; le site a été le théâtre d’un effroyable massacre en septembre 1792 avant de devenir une prison sous la Terreur puis d’être racheté par le diocèse qui y a placé des sœurs du Carmel puis des frères dominicains (dont le restaurateur de l’ordre Henri Lacordaire vers 1850). L’ancien couvent est devenu par la suite le « Séminaire des Carmes » et la chapelle une église paroissiale, Saint-Joseph-des-Carmes.
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