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Limoges

Lorsqu'il est inauguré en 1931, le monument aux morts de la ville de Limoges présente une particularité unique en France, celle de ne pas y avoir inscrit les noms des enfants de cette ville tombés au champ d'honneur. Ce sera chose faite un siècle plus tard, lors des cérémonies du 11 novembre 2018.

À l'époque, la municipalité de Limoges dirigée par Léon Betoulle refuse en effet que les noms de ses administrés tombés durant les quatre années de guerre, soient gravés sur le monument commémoratif fraîchement inauguré. Par cette décision, les élus limougeauds voulaient affirmer leur rejet des guerres. Ainsi, la seule inscription qui figurera sur le monument pendant plus de huit décennies est : « Aux enfants de Limoges morts pour la France et à la paix dans le monde ». Au moment  de la déclaration de guerre, Limoges est une ville industrielle prospère réputée pour ses porcelaines, ses vitraux et ses émaux. C'est également une importante cité de garnison qui abrite notamment le quartier général du 12e Corps d'Armée (Général Roques). À l’heure du bilan, 14 058 hommes originaires de la Haute-Vienne sont morts pour la France durant le conflit, ce qui représente 3,65 % de la population de ce département au regard du recensement de 1911. Par comparaison, le chiffre des pertes humaines au niveau national est de 3,53 %. Pour la ville de Limoges en particulier, sur les 92 181 habitants recensés en 1911, 3 009 d'entre eux seront portés disparus au front.


Une ville de tradition militaire


Le 63e Régiment d'Infanterie est étroitement associé à l'histoire de Limoges. Ce dernier qui occupe la caserne des Bénédictins depuis 1885 est intégré à la 23e D.I. de la 4e Armée du général de Langle de Cary en août 1914. De nombreux autres casernements occupent la ville comme la caserne Marceau (21e Régiment de Chasseurs à cheval), le quartier de cavalerie du « Séminaire » (20e Régiment de Dragons), la caserne Beaublanc (12e escadron du train), ainsi que les casernes Jourdan et Beaupuy qui servira de base arrière pour l'armée américaine dès 1917. Pendant que son 63e R.I. est au front, Limoges se mobilise pour accueillir de nombreux blessés. Plusieurs bâtiments seront ainsi  réquisitionnés pour être transformés en centres de soins, parmi lesquels des casernes (4 000 lits), l’usine de porcelaine Haviland (500 lits) ou encore le lycée Gay-Lussac où sont installées des salles d'opération. Fin 1925, la municipalité met en place un Comité pour l’érection d’un monument aux morts de la guerre avec l'aide de l’Association Républicaine des Anciens Combattants, dont le sentiment pacifiste explique le choix d'un monument privilégiant un message de paix. En janvier 1928, le concours est lancé et le 18 avril de l'année suivante, parmi 19 projets, le jury sélectionne celui proposé par l'architecte Henri Germain Vergnolle (1898-1958) et le sculpteur André Augustin Sallé (1891-1961), Grand Prix de Rome en 1924. La commande est signée le 20 septembre 1929 pour un budget de 150 000 Francs et l'emplacement choisi pour son édification est le square de la Poste (actuellement place de Stalingrad), en face de la préfecture. En 1963, le maire Louis Longequeue décidera de le transférer sur la place Jourdan, à 300 mètres de là.


Un monument sans noms


Les travaux prennent du retard au point qu'en septembre 1930, ils sont même à l'arrêt car les blocs de  pierre de Lens (un calcaire provenant du Gard) pour la sculpture n'ont pas été livrés. Ils reprennent enfin le 29 avril 1931 et André Sallé s'engage à terminer son œuvre centrale pour le mois suivant avec l'aide de deux ouvriers italiens, les Borgioli père et fils. Le monument est achevé le 15 septembre et l'inauguration se déroule le 2 novembre 1931 à 10 heures, en présence du maire Léon Betoulle, du sénateur Achille Fèvre et du préfet Mirtyl Stirn. La composition centrale du monument devait, selon le cahier des charges du concours, « rappeler le souvenir douloureux de nos morts, magnifier l'idéal de paix et honorer le travail protéger par la paix » . La stèle comprend cinq figures, la principale étant la paix qui se dresse victorieusement sur la bête immonde, un dragon, une chimère ou plus vraisemblablement l'aigle impérial allemand,  qu'elle a terrassé à l'aide de la massue qu'elle tient en main droite, tandis que son bras gauche supporte une corbeille de fruits, symbole de prospérité. À ses pieds, une femme, mère ou épouse, accablée par la douleur, veille le corps d’un soldat mort, posé en gisant, telle une Pièta qui exprime toute l’horreur de la guerre. Sur les côtés de cette scène, se trouvent deux travailleurs, représentant les deux grandes activités industrielles du Limoges d’alors : un ouvrier du cuir à gauche et un porcelainier à droite. Aucun nom ne figure sur ce monument. À une centaine de mètres de là, dans le vestibule de l'entrée principale du lycée Gay-Lussac situé sur le boulevard Georges Périn, une stèle commémorative inauguré le 16 février 1922 rend hommage aux 220 anciens élèves et enseignants morts au cours de la Grande Guerre. Il comprend dans sa partie centrale un bas-relief en marbre blanc réalisé par le sculpteur Pierre-Félix Masseau.


Une mémoire renouvelée


L'idée de corriger ce que beaucoup considèraient comme une erreur mémorielle fait son chemin à l'approche du Centenaire de l'Armistice. Le 6 août 2014, une plaque est ajoutée sur le monument qui salue l'engagement du 63e R.I. de Limoges. Puis, en 2016, à l'initiative de le municipalité dirigée par Émile Roger Lombertie, la liste des 3 009 enfants de Limoges tombés durant la guerre de 14-18 est mise en ligne sur le site internet de la ville. Il est alors décidé que pour les cérémonies 11 novembre 2018, une stèle en granit noir sera installée devant l'ancien monument. Parmi les 3 009 noms inscrits, figurent ceux des quatre soldats du 63e R.I. fusillés pour l'exemple à Flirey le 20 avril 1915 et réhabilités en 1934. Sur cette stèle d'environ 20 mètres de large sur un plan incliné d'un mètre figurent deux bleuets en porcelaine créés par la société Bernardaud. L'ensemble des travaux réalisés par l'entreprise Lajourmard représente un investissement de  300 000 euros pour la ville de Limoges.

 

 

 

 
 
 

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