« le meilleur coureur de sa génération »
La Grande Guerre a été une «hécatombe pour le sport français» (1). Nombreux sont les athlètes internationaux, champions de France ou sportifs de haut niveau, à avoir payé un lourd tribut à ce conflit. Le coureur cycliste Octave Lapize a été l'un d'eux.
Né le 24 octobre 1887 dans le 14e arrondissement de Paris d'un père originaire de Mende (Lozère), brasseur de profession et d'une mère marchande de vin, Louis Octave Lapize, s'il est bon élève se révèle être un enfant turbulent. À 14 ans, alors qu'il travaille à la brasserie avec son père, il débute le vélo, avec l'aval de sa mère mais contre la volonté de son père. Au printemps 1905, il signe sa première licence, amateur, à l'Union sportive du 10e arrondissement. Le 5 avril 1906, il participe au Grand Prix de Villiers où il remporte sa première victoire, relayée par le journal L'Auto, organisateur du Tour de France. Un des clubs les plus huppés de la capitale, l'Union des Cyclistes de Paris, le recrute. Son père l'autorise alors à se consacrer au cyclisme sous certaines conditions. Le 16 mars 1907, il participe au championnat de France de cross cyclo-pédestre, ouvert aux amateurs comme aux professionnels. Il y signe une victoire probante devant le spécialiste de l'épreuve Eugène Christophe. Il réussit ensuite de bonnes performances sur route, remportant notamment Paris-Chartres. Le 8 septembre, il participe au championnat de France amateur sur route (100 km) qu'il remporte. Son manager déclare qu'Octave « sera le meilleur coureur de sa génération car il possède tous les dons du parfait cycliste ».Une dernière saison chez les amateurs (1908) lui permet d'étoffer son palmarès (3e des Jeux olympiques de Londres, 2e au championnat de France, victoire sur Paris-Auxerre…).
La gloire chez les professionnels
En 1909, il devient professionnel et signe chez Biguet, une petite équipe parisienne. Le 11 avril, il est au départ du Paris-Roubaix, une épreuve où il se doit de briller ; son père lui ayant trouvé un emploi de livreur charbonnier qu'il doit prendre s'il ne se classe passa dans les dix premiers de l'épreuve. Victime d'une crevaison, Octave Lapize fait preuve de volonté, de caractère et après une chasse de 22 km revient sur les échappés, gagne au sprint au vélodrome de Roubaix, gagnant ainsi sa première victoire chez les professionnels pour sa première participation à cette grande classique du cyclisme. Ce succès lui procure une certaine renommée et une aisance financière. En juillet il prend part au Tour de France auquel participent pour la première fois les coureurs italiens. Il est contraint à l'abandon à la cinquième étape. C'est là sa dernière course pour Biguet. Il s'engageant alors chez Alcyon, l'équipe la plus puissante du peloton pour laquelle il remporte la course Milan-Varèse (246 km). La carrière d'Octave Lapize est lancée et sa renommée va crescendo. Il gagne le cœur des Français en 1910 en s'imposant pour le deuxième fois sur le Paris-Roubaix mais surtout en remportant le Tour de France où la traversée des Pyrénées constitue l'événement de cette édition. En 1911, il change à nouveau de formation s'engageant avec La Française Diamant. Il remporte Paris-Tours, son troisième Paris-Roubaix pour autant de participations et le championnat de France. En 1912 et 1913, il nourrit son palmarès avec les Six heures de Paris, le championnat de France, Paris-Bruxelles… L'année 1914 est celles de nombreuses déconvenues, mais elle affecte surtout le coureur en raison du décès de sa mère.
La Grande Guerre
En août 1914, Octave Lapize n'est pas concerné par la mobilisation, ayant été réformé du service national pour cause de surdité d'une oreille. Mais le champion s'il fait preuve de caractère et de détermination dans son sport, n'entend pas rester inactif alors que d'autres partent se battre pour la France. Au lieu de passer la guerre à l'arrière, il choisit de s'engager le 14 août 1914. Il est affecté au service automobile du 19e escadron du train où il ronge son frein. Passionné d'aviation, il demande alors à Alphonse Steines, dirigeant de l'UC Paris, d'intervenir en sa faveur et d'effectuer les démarches nécessaires pour son transfert dans l'aviation. Le 10 septembre 1915, il reçoit son affectation au Centre d'aviation militaire d'Abord. Il devient pilote puis moniteur et formera 130 pilotes. Mais Tatave, comme l'ont baptisé les Français, ne se satisfait pas de cette condition. Il souhaite passer à l'action et être versé au front. Le 30 novembre 1916, il quitte Avord à sa demande et rejoint l'École de tir aérien de Cazaux (décembre 1916) puis l'École de combat de Pau le mois suivant pour parfaire sa formation. En février 1917, il est affecté à Bar-le-Duc à l'escadrille N 504 puis à la N 203 et enfin le 24 mai 1917 à la N 90 à Toul. Le 28 juin 1917, il abat un avion ennemi. Le 14 juillet, au petit matin, il décolle et doit combattre face à un biplan allemand qui effectue des relevés pour un réglage d'artillerie au-dessus de la commune de Flirey. L'avion du vainqueur du Tour de France 1910 est abattu et s'écrase à l'intérieur des lignes françaises. Il semblerait que Lapize n'est pas eu à combattre un mais deux avions ennemis selon la citation publiée à l'ordre de la 8e armée et signée du général Pétain. Quoiqu'il en soit, sa disparition suscite l'émoi en France comme à l'étranger. Il est enterré au cimetière de Toul le 17 juillet. Sa famille fait transporter son corps en novembre 1917 pour l'inhumer au cimetière de Villiers-sur-Marne où un stade et une rue portent son nom. Il était père d'une petite fille née en 1914 qui sera pupille de la Nation…
Son palmarès
Voici un aperçu du palmarès d'Octave Lapize en amateur (1906-1907) puis en professionnel (1909-1914). N'ont été pris en compte que les courses où il figurait dans les trois premières places.
Amateur
1906- Vainqueur du Grand Prix de Villiers;
1907- Champion de France des 100 km sur route.- Champion de France de cross cyclo-pédestre.- Vainqueur de Paris-Chartres.- Vainqueur du Prix Valor.- Vainqueur de la 3e étape du Tour de Belgique.
1908- Vainqueur du Bol d'Or (6 heures sur piste).- Vainqueur de Paris-Auxerre.- 3e des 100 km sur piste aux Jeux Olympiques. de Londres.- Recordman du monde de l'heure derrière moto avec 82, 758 km.
Professionnel
1909- Vainqueur de Paris-Roubaix.- Vainqueur de Paris-Dreux.- Vainqueur de Milan-Varèse.
1910- Vainqueur du Tours de France (Vainqueur des 5e, 9e, 10 et 14e étapes)- Vainqueur de Paris-Roubaix.- 2e de Paris-Bruxelles.
1911- Champion de France.- Vainqueur de Paris-Roubaix- Vainqueur de Bruxelles Cycling Classic.- 2e de Paris-Brest-Paris.
1912- Champion de France.- Vainqueur de Bruxelles Cycling Classic.- Vainqueur du Circuit de la Tourraine.- Vainqueur des 6 jours de Bruxelles (avec René Vandenberghe).- Vainqueur des 6 jours de Paris (avec Léon Georget).- Recordman du monde de l'heure derrière tandem avec 50,925 km.- Recordman du monde des 100 km derrière tandem en 2h 02 min. 03 sec.- Vainqueur de la 6e étape du Tours de France
1913- Champion de France.- Vainqueur de Bruxelles Cycling Classic.
1914- 2e des 6 jours de Bruxelles (avec Julien Miquel).- Vainqueur de la 8e étape du Tour de France.
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