Scapa Flow,le sabordage de la flotte allemande, 21 juin 1919
Sept mois après son arrivée à Scapa Flow dans l'archipel écossais des Orcades où elle est internée, alors que couvent les mutineries de marins, le contre-amiral Ludwig von Reuter ordonne à la Flotte de Haute Mer allemande de se saborder afin d'empêcher les Britanniques de s'emparer de ses navires.
Le 16 juin 1919, le texte définitif du traité de Versailles est remis au gouvernement allemand avec un ultimatum de cinq jours au delà duquel, si ce dernier ne faisait pas connaître son intention de le signer, l'Armistice serait rompu et la guerre recommencerait. Le samedi 21 juin suivant, une importante décision doit être prise par le contre-amiral von Reuter qui commande la Flotte de haute mer allemande internée dans la baie de Scapa Flow en Écosse depuis sept mois. En effet, dans l'hypothèse où les autorités allemandes ne signeraient pas le traité de Paix, envisage-t-il de livrer aux vainqueurs les 74 vaisseaux de guerre dont il a la responsabilité comme l'exige l'article 184 du dit traité : « À dater de la mise en vigueur du présent traité, tous les bâtiments de guerre de surface allemands qui se trouvent hors des ports allemands cessent d'appartenir à l'Allemagne qui renonce à tous droits sur lesdits bâtiments ». Et dans le cas contraire, comment pourra-t-il défendre ses navires dans la mesure où ils sont désarmés et que leurs équipages sont réduits au minimum ? Reuter a prévu cette alternative et est bien décidé à y échapper. Refusant l'idée que les Anglais ne s'emparent de ses vaisseaux alors que la guerre aurait repris et ignorant qu'entre-temps l'Armistice a été prolongé pour pouvoir poursuivre les négociations, von Reuter donne l'ordre à 10 h 30 de saborder l'ensemble de sa flotte. À midi, les premiers cuirassés sont envoyés par le fond et avant 17 heures, tout est terminé… Passée la stupeur, les marins anglais conviendront à l'époque que c'était la seule fin honorable pour une flotte réduite à cette extrémité et qu'ils n'auraient sans doute pas agi autrement s'ils s'étaient retrouvés dans cette situation.
Une situation trouble
Fin octobre 1918, quelques jours avant que ne soit signé l'Armistice, des troubles révolutionnaires éclatent au sein de la marine impériale allemande. Malgré que celle-ci soit à bout de forces, son commandant, l'amiral Reinhard Scheer, ordonne en effet une ultime attaque contre la marine britannique arguant : « Il ne peut y avoir d'avenir pour une flotte enchaînée par une paix déshonorante ». Comme certains autres officiers supérieurs, l'amiral Scheer pensait que la marine devait préserver son honneur en tentant une dernière opération de grande envergure, pour la raison que l'Allemagne n'avait pas été vaincue militairement, ni sur terre ni sur mer. Beaucoup espéraient également qu'une mission réussie pourrait empêcher une reddition brusque, ou bien assurerait des conditions d'armistice plus favorables. Refusant cet ordre qu'elle considère comme un baroud donneur désespéré, la flotte de haute mer allemande (Hochseeflotte) se mutine le 1er novembre à Kiel.
Cette révolte s'étend rapidement aux autres unités navales basées à Wilhelmshaven notamment et des conseils de marins rassemblant des milliers d'hommes se montent. La situation politique en Allemagne devient particulièrement instable lorsque le 9 novembre la « République allemande » est proclamée par Philipp Scheidemann au nom du Parti Socialiste allemand (SPD), tandis que le même jour, Karl Liebknecht proclame de son côté la « République socialiste libre d'Allemagne » au nom du parti révolutionnaire Spartakus. Au même moment, l'Empereur Guillaume II abdique et s'enfuit aux Pays Bas. C'est dans cette période de troubles que l'Armistice du 11 novembre impose plusieurs clauses visant à mettre hors d'état d'agir les forces armées allemande et particulièrement sa marine qui est restée puissante à la fin du conflit. L'article 23 concerne plus spécialement les cuirassés, les croiseurs et les torpilleurs de la Hochseeflotte : « Les bâtiments de guerre de la Flotte de haute mer allemande que les Alliés et les États-Unis désigneront seront immédiatement désarmés et seront ensuite internés dans des ports neutres ou, à défaut, dans des ports des puissances alliées ». Il est prévu que ces navires demeurent sous la surveillance des Alliés et qu'il ne reste à leur bord que des équipages de gardiennage et d'entretien. La demande initiale des Alliés comprend alors 6 croiseurs d'escadre, 10 cuirassés, 8 croiseurs légers (dont 2 mouilleurs de mines) et 50 destroyers (contre torpilleurs) du type le plus récent.
Des préparatifs difficiles
Tous les navires désignés pour être internés devaient se tenir prêts à quitter leur port d'attache dans les sept jours suivant la signature de l'Armistice, leur route à suivre leur étant signalée par T. S. F. En cas de non-exécution de ces conditions, les Alliés menaçaient d'occuper les embouchures des fleuves de la mer du Nord où étaient situés les principaux ports allemands (Bremerhaven, Wilhelmshaven, Hambourg...), ainsi que l'archipel d'îles de Heligoland au large de la baie débouchant de l'Elbe et de la Weser. Pour hâter le désarmement imposé, les navires de guerre de la Flotte de haute mer allemande sont répartis, selon leurs lieux d'attache entre les ports de la mer du Nord et ceux de la Baltique. Le commandement pense alors que les bâtiments pourront partir directement, isolément ou par groupes, de ces ports vers les ports neutres qu'il suppose se trouver à proximité, au Danemark, en Suède en Hollande ou en Norvège. Pour les opérations de désarmement et de convoyage, il est nécessaire de rembarquer les officiers qui avaient pour la plupart été débarqués par les équipages mutinés ou qui avaient quitté leur navire lorsque le drapeau rouge de la révolution bolchevique avait été hissé. En principe, les officiers de bord recouvraient une partie leur autorité et leurs rapports avec les conseils de marins étaient réglés de façon satisfaisante dans la mesure où ces derniers avaient été reconnus par le gouvernement. Une convention est signée avec le 21e comité de soldats qui siégeait à Wilhelmshaven donnant aux officiers la direction nautique des bâtiments, mais leur imposant la collaboration avec les conseils de marins pour la gestion des services intérieurs. Ainsi, les officiers se retrouvent dans une situation délicate avec leurs équipages dont ils sont à la merci concernant certaines décisions. Cet état de fait aura des conséquences parfois dramatiques lorsque la flotte allemande sera internée à Scapa Flow quelques semaines plus tard, car la convention conclue ne sera pas toujours acceptée par tous les équipages et encore moins appliquée de la même manière à bord de tous les bateaux au fil du temps.
Désarmement et transfert de la flotte
Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1918, l'amiral britannique sir David Beatty présente les conditions de la reddition de la Flotte de haute mer allemande au contre-amiral allemand Hugo Meurer et à ses officiers, à bord de son navire amiral, le cuirassé HMS Queen Elizabeth qui est ancré dans le Firth of Forth, l'estuaire qui se trouve au large d'Édimbourg en écosse. En tant que Commandant-en-chef de la Royal Navy's Grand Fleet, Beatty est chargé d'assurer la reddition de 74 navires allemands, de vérifier qu'ils ont été désarmés puis de les escorter pour les interner. Cette mission porte le nom de code Opération ZZ. L'amiral Franz Von Hipper, commandant de la flotte allemande, ayant refusé de remettre ses navires à Beatty, cette tâche est déléguée au contre-amiral Ludwig von Reuter. Le 19 novembre 1918 à 14 heures, 70 navires de guerre allemands avec à leur tête le navire amiral, le cuirassé Friedrich der Grösse, quittent l'Allemagne pour rejoindre le lendemain les navires de Beatty en mer du Nord. Le convoi se fait ensuite sous la garde de près de 200 navires alliés, tous aux postes de combat, ainsi que de nombreux avions et dirigeables qui surveillent la plus grande flotte de navires de guerre jamais assemblée. Le 21 novembre au matin, une fois que tous les navires allemands ont jeté l'ancre, Beatty donne l'ordre que le pavillon de la marine allemande soit amené et il ne devra plus être hissé sans autorisation. Cette décision sera controversée étant donné que les navires restaient propriété allemande pendant l'internement. Une fois les vérifications de désarmement effectuées, ce qui occasionne quelques incidents avec les conseils de soldats, les navires allemands quittent la Forth sous escorte alliée entre le 22 et le 26 novembre pour être internés dans l'immense port naturel de Scapa Flow dans les Orcades à 300 km plus au nord. Ils sont à l'ancre le 27 novembre, rejoints par trois autres peu après, le 74e navire réquisitionné selon le Traité, le cuirassé Baden, arrivant quant à lui en janvier 1919. Le 23 novembre, von Reuter reçoit les instructions de l'amirauté britannique concernant les effectifs devant rester à bord des navires : 175 hommes sur les cuirassés, 200 sur croiseurs de bataille, 60 sur les croiseurs légers et 20 sur les torpilleurs. Le reste des équipages, soit près de 20 000 hommes, repartira en Allemagne à bord des cargos qui commencent à faire les allers-retours à partir du 3 décembre. Ceux qui sont restés pour assurer le gardiennage se retrouvent maintenant bloqués pour une période indéterminée à bord de leurs navires. Le manque de ravitaillement en denrées fraîches et de divertissement, ainsi que l'interdiction de changer de navire ou d'aller à terre commencent à entraîner des conditions de vie quotidiennes épouvantables dans l'escadre internée, ce qui favorise l'indiscipline, voir l'insubordination.
La fin de la Hochseeflotte
Pour le contre-amiral von Reuter, le commandement de sa flotte devient une tâche difficile, particulièrement à son retour d'Allemagne où il s'est rendu durant plusieurs semaines pour prendre connaissance de l'évolution des discussions concernant la rédaction du futur traité de Versailles. Un groupe de marins mutins acquis à la cause révolutionnaire spartakiste devient particulièrement agressif à bord du vaisseau amiral Friedrich der Grösse. La situation est devenue si ingérable que début février von Reuter est amené à demander la permission aux Britanniques de choisir le croiseur Emden comme nouveau navire amiral. Alors que les discussions de la conférence de Paix de Paris se poursuivent et que le traité de Versailles est retardé jusqu'à la fin juin 1919, les Alliés restent divisés sur le sort des navires. La plupart des vainqueurs voudraient récupérer certains navires pour leur propre marine, tandis que la Grande-Bretagne souhaite qu'ils soient mis au rebut pour empêcher d'autres nations d'acquérir une supériorité navale.
En mai 1919, le sort ultime de la flotte allemande reste encore à décider. Le traité prévoit la reddition des navires internés avant le 21 juin et lorsqu'il découvre cette information, von Reuter envisage de saborder sa flotte comme il en avait reçu l'ordre au cas où la Flotte de haute mer serait saisie par les Alliés. Von Reuter ignore alors que le délai a été prolongé jusqu'au 23 juin. De son côté, le contre-amiral Sydney Fremantle, commandant l'escadre de combat gardant les navires allemands à Scapa Flow, a prévu de les saisir le 23 juin à son retour d'un exercice de manœuvres en mer.
Le matin du 21 juin 1919, lorsque la flotte britannique quitte la baie de Scapa Flow pour ses exercices prévus, l'amiral allemand saisit sa chance. Il donne l'ordre de sabordage et aussitôt ses équipages ouvrent des vannes, des tubes lance-torpilles et des hublots sur l'ensemble des navires pour que l'eau s'y engouffre. Préalablement, les drapeaux de la marine impériale allemande ont été hissés ! Lorsque les quelques bateaux britanniques laissés par Fremantle pour garder les navires allemands réalisent ce qui se passe, ils alertent la flotte principale et tentent de sauver certains des navires, en vain... Le cuirassé Friedrich der Grösse est le premier être envoyé par le fond, à 12 h 16 et en moins de cinq heures l'équivalent de 400 000 tonnes d'acier est coulé, ce qui représente la plus grande perte de navires en une seule journée de toute l'histoire de la marine. Au cours du sabordage, neuf marins allemands ont perdu la vie. Ils ont été tués par balles, certains dans leurs canots de sauvetage. Seize autres ont été blessés par les Britanniques lors de bagarres lorsqu'ils ont refusé d'aider à sauver les navires. Ce sont les dernières victimes allemandes de la Première Guerre mondiale.
Le rapport de von Reuter
Le 15 juillet 1919, depuis le manoir de Donington Hall au sud-est de Londres, où il est retenu prisonnier avec plusieurs de ses officiers, le contre-amiral von Reuter précise les motifs qui l'ont amené à saborder la flotte allemande dans un rapport à l'attention du chef d'état-major général britannique. « Mon action à Scapa Flow, le 21 juin 1919, a été déterminée par les considérations suivantes : un commandant de forces navales à l'étranger, coupé de toute liaison avec son pays, doit prendre l'initiative d'agir pour le bien du Reich et l'honneur de la marine […] Ma conduite m'était dictée par l'ordre, donné au début de la guerre, qu'aucun bâtiment de guerre allemand ne devait tomber aux mains de l'ennemi. Il ne s'agissait pas d'une initiative de ma part, comme l'affirme la note de monsieur le président du Conseil Clémenceau, mais simplement d'une action à laquelle j'étais tenu, en tant qu'officier, à cause de l'ordre précité. Le sabordage ne constitue donc qu'un effort pour remplir, dans la mesure où c'était possible en l'absence de toute information, mon devoir d'officier à l'égard de mon gouvernement. Tous les navires ont exécuté avec beaucoup de dévouement mon ordre de couler les bateaux […] J'indique encore que, d'après l'article 31 de l'accord d'Armistice, le matériel ne devait pas être détruit avant sa livraison dans les conditions de celui-ci ; rien n'était dit sur ce qu'on devait faire après la livraison des navires. Cette lacune justifie à elle seule le sabordage d'autant plus qu'il s'agissait d'une propriété allemande et non étrangère […] Invaincue, elle est descendue à Scapa Flow, dans la tombe librement choisie par elle. Que Dieu bénisse la flotte allemande ! »
Le renflouement
Dans les années qui suivent le sabordage, le sort des bateaux coulés importe peu à l'Amirauté et dans la mesure où ils n'offrent aucune entrave à la navigation, on n'estime pas nécessaire de les détruire. « Là où ils ont été coulés, là ils reposeront et rouilleront » déclare l'amiral Jellicoe à l'époque. Dans un premier temps, on se contente donc de remorquer les rares navires échoués pour les réparer. Mais bientôt des entreprises commerciales s'y intéressent et en 1923, la société Scapa Flow Salvage and Shipbreaking Co achète 4 torpilleurs qui sont remontés entre août et décembre 1924. C'est principalement l'entreprise Cox & Danks, un important chantier de démolition de navires basé à Queensborough dans le Kent, qui a vu le potentiel économique des épaves de Scapa Flow. Pour la somme de 24 000 Livres, Cox & Dank acquiert pas moins de 25 torpilleurs et deux croiseurs, qui vont être renfloués entre 1924 et 1926. Certains navires dont la conception était très en avance pour l'époque intéresseront également la Royal Navy.
C'est le cas du croiseur de bataille Hindenburg, renfloué en juillet 1930, qui sera étudié avec attention par le Royal Corps of Naval Constructors. En 1933, Cox & Danks ayant perdu de l'argent à cause du prix fluctuant de la ferraille, vend ses contrats en cours à Metal Industries Ltd., dont les ateliers sont à Lyness, qui renflouera un croiseur de bataille et cinq cuirassés entre 1934 et 1939. Le ferraillage des navires allemands perdurera jusqu'en 1971 avec des artisans locaux comme Arthur Nundy. Les techniques de renflouement sont spectaculaires. La plus simple consiste à passer des câbles sous la coque et à la remonter grâce à un treuil installé sur un dock flottant. Pour les épaves plus profondes, des scaphandriers sont envoyés au fond pour boucher les brèches et fermer les robinets de prise d'eau de mer ouverts au moment du sabordage. Des tubes à air sont ensuite fixés hermétiquement sur la coque rendue étanche et de l'air est pompé pour expulser l'eau de la coque qui remonte lentement, la quille vers le haut. Le navire est ensuite remorqué pour être démantelé à terre. Au fil du temps, la totalité de la flotte sabordée sera renflouée, seuls sont restés au fond les navires situés en eau trop profonde pour rendre le sauvetage rentable financièrement. Il s'agit des cuirassés König, Kronprinz Wilhelm et Margraf, ainsi que des croiseurs Brummer, Köln, Dresden et Karlsruhe qui constituent aujourd'hui un lieux de plongée sous-marine de réputation mondiale. À l'occasion de ces opérations de renflouement, des milliers d'objets ont été remontés, allant de la vaisselle en porcelaine de Saxe des officiers aux outils et instruments de bord les plus usuels. Tout ce trésor est réparti dans les musées de Kirkwall, Stromness et Lyness, mais aussi dans des collections privées dont la plupart sont accessibles au public.
La baie de Scapa Flow
L'archipel des Orcades, ou Orkney Islands, est situé à une douzaine de kilomètres au large de la pointe la plus septentrionale des côtes écossaises, John O' Groats, dans la direction des Shetlands. Constitué de 24 îles principales et d'une multitude d'îlots, il forme un vaste abri naturel qui sera longtemps utilisé par la marine de guerre britannique. Sa position, très élevée en latitude fait des Orcades un pivot stratégique entre l'océan Atlantique et la mer du Nord. Aussi, ces îles sont elles liées aux principaux événements historiques maritimes de la région au cours des deux guerres mondiales. Le lieu le plus connu des Orcades est la rade de Scapa Flow. Cette vaste étendue, d'une superficie d'environ 200 km2, forme une sorte de mer intérieure protégée par l'ensemble des îles qui l'entourent. Elles sont espacées par des sondes étroites et tortueuses qui rendent l'accès à la rade peu aisé. En 1912, à l'initiative de lord Fisher et de l'amiral Jelicoe, Scapa Flow devient l'un des principaux lieux de mouillage de la Royal Navy. Au début du XXe siècle, en effet, la situation en Europe devenant tendue, la Grande-Bretagne recherche une base ouverte sur l'Atlantique nord pour ses vaisseaux de guerre. Les ports habituels du sud de l'Angleterre étant désormais sous la menace de la Flotte de haute mer allemande ne sont plus adaptés pour organiser à distance le blocus des ports allemands de la Baltique. À partir de 1917, la Navy installe une base de ravitaillement en carburant dans le port de Lyness, sur l'île de Hoy. C'est de Scapa Flow que part la flotte de l'amiral Jelicoe pour rejoindre celle de l'amiral Beatty et affronter la Hochseeflotte allemande lors de la bataille du Jutland en mai 1916.
Ludwig von Reuter
Issu d'un famille de militaires de l'aristocratie prussienne, Hans Hermann Ludwig von Reuter est né le 9 février 1869 à Guben, dans la province du Brandebourg. En 1885, il devient cadet dans la Marine impériale allemande et en 1910, il est promu capitaine sur le croiseur cuirassé Yorck. Au début de la Première Guerre mondiale, il commande le croiseur Derfflinger notamment au cours de la bataille du Dogger Bank en janvier 1915. En septembre suivant, von Reuter est promu au grade de Kommodore et commande le quatrième groupe de reconnaissance comprenant cinq croiseurs légers au moment de la bataille du Jutland (juin 1916). Il est nommé contre-amiral le 25 novembre 1916 à la tête du deuxième groupe de reconnaissance. Le 17 novembre 1917, il participe avec ses cuirassés Kaiser et Kaiserin à la deuxième bataille navale de Heligoland. En janvier 1918, von Reuter devient commandant adjoint du premier groupe de reconnaissance et en août 1918, il remplace l'amiral Franz von Hipper en tant que commandant. Après l'Armistice, l'amiral von Hipper refusant de conduire la Flotte de haute mer allemande qui doit être internée à Scapa Flow jusqu'à ce que son sort soit décidé à Versailles, Von Reuter est invité à en prendre le commandement. Au lendemain du sabordage, il est fait prisonnier de guerre en Angleterre avec 1 773 autres officiers et hommes d'équipage. Il sera l'un des derniers à être libéré, fin janvier 1920. De retour en Allemagne, alors qu'il est célébré comme le héros qui a sauvé l'honneur de la marine, il doit remettre sa démission. Le traité de Versailles oblige en effet l'Allemagne à réduire considérablement la taille de sa marine et von Reuter se retrouve sans commandement compte tenu de son rang et de son âge. Il s'installe à Potsdam où il devient conseiller d'État et en 1939 il reçoit le grade d'amiral à titre honorifique. Il décède d'une crise cardiaque à Postdam le 18 décembre 1943.
Bilan du sabordage
L'ensemble des bâtiments de la Flotte de haute mer allemande se saborde à partir de midi selon les ordres transmis une heure plus tôt par le navire-amiral. Au total, 10 des 11 cuirassés sont coulés par 40 mètre de fond : Friedrich der Grösse (12 h 16), König Albert (12 h 54), Kronprinz Wilhelm (13 h 15), Kaiser (13 h 15), Grösser Kurfürst (13 h 30), Prinzregent Luitpold (13 h 30), König (14 heures), Kaiserin (14 heures), Bayern (14 h 30) et Markgraf (16 h 45), tandis que le Baden, à moitié coulé est remorqué à terre. Les cinq croiseurs de bataille sont tous coulés : Moltke (13 h10), Seydlitz (13 h 50), Von der Tann (14 h 15), Derfflinger (14 h 45) et Hindenburg (17 heures). Parmi les huit croiseurs légers, cinq sont coulés : Brummer (13 h 05), Dresden (13 h 30), Köln (13h50), Bremse (14 h 30) et Karlsruhe (15 h 50), tandis que l'Emden, le Frankfurt et le Nürnberg sont échoués sur des hauts fonds et remorqués. Concernant les 50 torpilleurs (ou destroyers), 32 sont coulés à leur mouillage, 14 se sont posés à faible profondeur et émergent en partie, 2 sont partiellement coulés et 2 sont avariés, mais pourront être sauvés.
La Hochseeflotte
Créée en février 1907 par le Grand amiral Alfred von Tirpitz pour succéder à la Heimatflotte et contrer la prédominance de la Royal Navy, la Flotte de haute mer allemande (Hochseeflotte) est le fleuron de la marine de guerre impériale (Kaiserliche Marine). L'Empereur Guillaume II, qui en est l'instigateur, considère la Flotte de haute mer comme l'instrument par lequel l'Allemagne deviendra une puissance mondiale en permettant la saisie de possessions outre-mer. Par ailleurs, en concentrant une puissante flotte de combat en mer du Nord, alors que la Royal Navy est tenue de disperser ses forces dans l'immense Empire britannique, l'Allemagne pourrait ainsi atteindre un équilibre des forces qui nuirait gravement à l'hégémonie navale anglaise. C'était là le fondement de la « Théorie du risque » imaginée par Tirpitz, selon laquelle la Grande-Bretagne ne défierait pas l'Allemagne si la flotte de cette dernière représentait une menace aussi importante pour la sienne. Basée dans le port de Wilhelmshaven, dans la baie de Jade en mer du Nord, la Hochsseflotte a été commandée successivement par les amiraux Friedrich von Ingenohl (1913), Hugo von Pohl (1915), Reinhard Scheer (1916), Franz von Hipper (1918) puis Ludwig von Reuter. Son navire amiral est le cuirassé Friedrich der Grösse qui est à la tête de six escadres composées de cuirassés et de croiseurs, mais aussi de cinq groupes de reconnaissance, complété par huit flottilles de torpilleurs et deux flottilles de sous-marins. Après le sabordage de Scapa Flow, la Flotte de haute mer allemande ne sera pas reconstituée.
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