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Tours

Située à plus de 250 kilomètres du front, Tours ne se retrouve pas au cœur des combats. Sa position centrale stratégique sur le territoire en fera cependant une agglomération pleinement engagée dans la Grande Guerre et une importante base arrière, notamment pour les forces américaines à partir de 1917.

Préfecture de l'Indre-et-Loire, Tours est également la capitale économique de la Touraine qui compte 73 398 habitants au recensement de 1911. Si la région est à l'époque essentiellement agricole, Tours et ses environs présentent une importante activité commerciale et industrielle. Au début du conflit, Tours est marquée comme beaucoup de grandes villes par la désorganisation de sa production industrielle, avec des usines fermées, une pénurie de matières premières et la mobilisation des employés. L'arrivée de travailleurs chinois et coloniaux (Tunisiens, Kabyles, Italiens) pallie l'absence des soldats partis au front. Très vite, le tissu industriel qui se trouve autour de la ville participe à l'effort de guerre. Parmi les principales entreprises, il y a notamment la poudrerie du Ripault (6 000 ouvriers), l'usine La Haye-Descartes qui fournit une centaine d'obus de 155 et 15 tonnes de coton-poudre par jour ou encore l'atelier de construction de Saint-Pierre-des-Corps qui produit 200 000 obus de 75 par semaine. Au total, une quarantaine d'établissements du département travailleront pour la Défense nationale.


Une importante place militaire


Tours est également une ville de garnison de première importance où sont cantonnés pas moins de 7 000 soldats et 180 officiers. Elle accueille l’hôtel du Quartier Général de la 9e Région militaire et du 9e Corps d’Armée alors commandé par le général Dubois. Par ailleurs, plusieurs régiments y sont cantonnés, à commencer par le 66e Régiment d'Infanterie (Caserne Baraguay d'Hilliers) et le 32e R.I. (Caserne Meusnier et Marescot) qui forment tous deux la 35e Brigade d'Infanterie (9e C.A.). Le 66e R.I., est principalement composé de Tourangeaux, ce qui en fait le régiment symbole de la ville, le fameux « Six-six ». Parti de Tours le 4 août 1914, avec à sa tête le colonel Janin, il prend part à la première bataille de la Marne en septembre 1914 où il subit de très lourdes pertes (1 287 tués). Parmi les autres cantonnements de la ville, il y a la caserne Dutertre à Joué-lès-Tours (20e R.I.), la caserne Morier (quartier Lasalle) qui abrite le 8e Régiment de Cavalerie et la caserne Thiers (5e Régiment de Cavalerie). L'important nœud ferroviaire situé à Tours engendre une grande activité de stockage et de ravitaillement des forces armées de première ligne. La ville sera également un vaste centre d'accueil pour les blessés, avec plus de 7 700 lits répartis sur 140 centres sanitaires, dont 2 000 lits à l'Hôpital Bretonneau. Lorsque la guerre se termine, le bilan est lourd pour la Touraine qui a perdu 12 300 de ses enfants au front (sur 35 000 mobilisés), parmi lesquels plus de 1 800 officiellement recensés pour la seule agglomération tourangelle.


Le monument de l'Hôtel de Ville


En novembre 1924, la municipalité de Tours inaugure deux monuments en hommages à ses enfants tombés au front durant la Grande Guerre. La première cérémonie, qui a lieu le 1er novembre, concerne le monument érigé dans le cimetière de la Salle, le plus ancien de la commune, qui s'étend sur 13 hectares le long de la rue Saint-Barthélemy, en rive nord de la Loire. Le monument se compose, en partie basse, d'une petite chapelle surmontée de quatre plaques rectangulaires en forme de sarcophage. Le tout a été réalisé en pierre de Souppes par l'architecte tourangeau Maurice Boille (1983-1966) avec des ferronneries d'art signées Edgar Brandt (1880-1960). Ce monument a été créé suite à la délibération du conseil municipal du 3 mars 1923, dans le but de  « rendre honneur aux blessés morts dans les hôpitaux de Tours et aux soldats tourangeaux ramenés dans le carré militaire du cimetière ». Aucun nom de disparus ne figure sur ce monument. Il a en effet été décidé que ceux-ci seraient inscrits sur le monument aux morts installé dans l'escalier d'honneur de l'Hôtel de ville, place Jean Jaurès. Le projet, inauguré le 30 novembre 1924 par le maire Camille Chautemps et le préfet E. Grimaud a été financé par un budget de 163 500 francs.


Cet ensemble monumental est l'œuvre du sculpteur tourangeau Marcel Gaumont (1880-1962), une figure du mouvement Art Déco qui fut Prix de Rome en 1908 et médaille d'or du Salon des artistes français en 1935. Il se compose de deux bas reliefs en pierre de Lavoux installés sur le mur nord, à mi-hauteur de la cage d'escalier. La fresque de gauche évoque la paix avec une jeune femme ailée suivie de paysans récoltant les fruits de la prospérité retrouvée, ainsi que des colombes prenant leur envol. Celle de droite est consacrée à la guerre sous les traits de Minerve accompagnée de soldats casqués tenant un drapeau en berne. Sur les retours est et ouest de l'escalier sont inscrits en lettres dorées les noms des 1 838 Tourangeaux morts durant la Grande Guerre, répartis à gauche pour 1914 à 1915 et à droite pour 1916 à 1919. Parmi ces noms, deux ont été ajoutés en 2018.


En mémoire d'une Tourangelle


À l'occasion des cérémonies du Centenaire de l'Armistice de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 2018, la mairie de Tours a en effet décidé d'inscrire deux nouveaux noms sur le monument aux morts de l'Hôtel de ville. Le premier, Jean Alphonse Gabriel Cabanès, soldat du 23e R.I., est le tout premier soldat tourangeau tué au front, le 9 août 1914. Le deuxième nom est beaucoup plus symbolique, car il s'agit de celui d'une femme. Cet hommage est très rare, dans la mesure où seulement une dizaine de communes françaises ont honoré l'une de leurs concitoyennes, « morte pour la France », au cours de la guerre de 1914-1918. Marcelle Louvat est née à Tours le 8 avril 1887, son père était général de réserve. Dès le début du conflit, elle s'engage en tant qu'infirmière dans le service de santé des blessés de guerre au sein de la Croix-Rouge. En 1916, elle rejoint l'Hôpital complémentaire VG3, situé dans les locaux de l’École Polytechnique de Paris. Dans cet établissement rattaché à l'Hôpital militaire du Val de Grâce, elle obtient le grade d'Infirmière major. Le 13 octobre 1918, elle meurt à Paris de la grippe espagnole. Sur son avis de décès, figure la mention  « Morte pour la France d'une maladie contractée en service ». Elle sera décorée à titre posthume de la Médaille d’honneur des épidémies par le ministère de la Guerre. Lors de la cérémonie d'inscription de son nom, le maire de Tours de l'époque, Christophe Bouchet, a déclaré : « À travers Marcelle Louvat, ce sont toutes les femmes victimes de la Grande Guerre qui sont mises à l'honneur […] Derrière chaque homme mort au combat, derrière chaque homme qui était sur le front, il y avait des femmes ».


Une forte présence américaine


À partir de 1915, l'aviation française transforme le Champ de tir du 66e R.I. à Parcay-Meslay-Saint-Symphorien en piste d'aviation. Le 8 juillet 1917, les Américains y installent leur Second Aviation Instructional Center, doté de trois escadrilles de chasse, dont le 492nd Attack Squadron. En janvier 1918, le général John J. Pershing, Commandant en chef de l'American Expeditionary Force décide de baser le quartier général des Services of Supply de l’armée américaine à Tours. Ces services administratifs et techniques étaient chargés de la logistique et de l’intendance pour les deux millions d’hommes engagés en France. On comptera ainsi jusqu'à 10 000 Américains à Tours et ses alentours à la fin du conflit, ce qui a profondément bouleversé la vie quotidienne des habitants. Le 30 juillet 1926, l'American Battle Monuments Commission décide d'installer un monument pour commémorer les liens créés durant la présence du G.Q.G des Services de l'arrière du Corps Expéditionnaire.


Ce mémorial est inauguré le 5 août 1937 quai d'Orléans (aujourd'hui quai André Malraux) tout près de l'ancien pont de pierre rebaptisé pour l'occasion Pont Wilson en hommage au Président des États-Unis durant la guerre. Ce monument a été réalisé. par l'architecte américain Arthur Loomis Harmon, assisté des Français Pierre Lahalle et Georges Levard. Il est composé d'une fontaine en pierre calcaire de 32 m de circonférence, conçue par le sculpteur Henri Varenne, avec en son centre un pilier octogonal dont chaque face comporte le blason d'une des principales villes françaises qui servirent de base au Services de Soutien U.S. Au dessus du pilier se trouve une vasque, elle-même surmontée d'une colonne rectangulaire sur laquelle sont sculptées quatre figure féminines vêtues à l'Antique représentant les divisions du SOS : administration, achat, construction et distribution. Une statue en bronze recouverte de feuille d'or réalisée par l'artiste new-yorkais Carl Paul Jennewein couronne le tout. Elle représente un Amérindien agenouillé dont le bras gauche tendu vers le ciel supporte un aigle, symbole de l'Amérique, sur le point de s'envoler. L'ensemble du monument mesure 10,50 mètres de hauteur dont 3,5 m pour la seule statue à son sommet.


 

 

 

 

 


Des hommages spécifiques


Plusieurs dizaines de monuments, stèles et plaques commémoratives de la Grande Guerre sont présentes dans l'agglomération de Tours. Certains sont des monuments de quartiers rattachés à la ville tels que ceux de Saint-Symphorien ou Sainte-Radegonde, d'autres honorent la mémoire des régiments tourangeaux comme le 66e R.I. et le 8e Cuirassier. Les établissements scolaires et universitaires ont choisi également de saluer la mémoire de leurs anciens élèves : Lycée Paul-Louis Courier, Lycée Descartes, Faculté de médecine et de pharmacie. Tout comme certaines corporations et associations professionnelles : Compagnons du Devoir (Musée du compagnonnage), employés du Crédit Lyonnais... En plus du mémorial sur les bords de Loire, la présence américaine donne lieu à d'autres lieux de mémoire tels que la plaque du Y.M.C.A. ou celle des aviateurs érigée par The Beaumont Overseas Club Of New York.

 

 

 

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