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Vincennes Hippodrome de Paris le Temple du Trot

12e arrondissement


Situé en plein cœur du Bois de Vincennes, l’un des deux « poumons verts » de la capitale avec le Bois de Boulogne, l’hippodrome de Vincennes inauguré en mars 1863 est dédié aux courses hippiques de trot attelé et monté. Il accueille chaque année plus de cent cinquante réunions.



François Artigas

Lorsque vous parlez de l’Hippodrome de Vincennes à un non-initié, il y a de forte chance que le quidam vous réponde du tac au tac « Le Prix d’Amérique » et, lorsque vous évoquez le nom du même champ de courses à un turfiste, il vous fera sans doute la même réponse. Tant il est vrai que l’histoire de cet hippodrome est lié à cette course mythique, véritable championnat du monde de trot attelé, qui se dispute le dernier dimanche du mois de janvier ou parfois le premier de février. Une course mythique qui n’aurait sans doute jamais vu le jour sans l’édification de cette véritable « Mecque du trot » qu’est l’hippodrome de Vincennes.

« Pourtant lors de son inauguration le 23 mars 1863 devant quelque cent mille spectateurs, il y eut, au programme de la réunion, trois courses... d’obstacles ! Il faudra en fait attendre le dimanche 7 septembre 1879 pour que l’hippodrome, qui servit durant le conflit franco-prussien de 1870 de champ… de tir pour l’artillerie puis de terrain de manœuvres pour l’armée, voient s’y imposer, une fois rendu à la vie civile, les courses de trot. On doit cette renaissance à la persévérance d’Henri Legoux-Longpré, député du Calvados et par ailleurs commissaire de courses sur plusieurs hippodromes normands qui saura plaider pour cette rénovation de Vincennes auprès des pouvoirs publics » explique Alain Pagès, véritable mémoire de l’hippodrome qui fréquenta en gentleman-driver ses pistes durant de très nombreuses années et y remporta quelque trois cents victoires !

Situé sur le plateau de Gravelle, ce premier champ de courses pour trotteurs de la région parisienne est de nouveau opérationnel suite aux très gros travaux entrepris après la guerre de 1870. Pour l’administrer, un bail est accordé par la Ville de Paris à la Société d’encouragement pour l’amélioration du cheval français de demi-sang qui deviendra plus d’un siècle plus-tard « Le Trot », son appellation actuelle. Mais il faudra attendre 1906 pour que le meeting d’hiver le plus prisé des turfistes voit le jour.


1920, premier Prix d’Amérique

Aussi prestigieux pour les trotteurs que le Prix de l’Arc de Triomphe l’est pour les galopeurs, le Prix d’Amérique a été créé au lendemain de la Première Guerre mondiale. Son nom a été donné en hommage au général américain Pershing et, d’une manière plus générale, aux soldats étasuniens pour leur implication en France durant le conflit de 14-18. Le premier vainqueur est comme un clin d’œil à l’histoire, avec un cheval nommé « Pro Patria ». Mais il faudra attendre le milieu des année vingt pour voir la première grande championne du trot « Uranie » faire l’admiration des turfistes. Une jument qui remporte l’épreuve trois année de suite en 1926, 1927 et 1928 et se trouve la première à l’inscrire autant de fois à son palmarès, seulement battue par la suite par « Ourasi », lauréat quant lui à quatre reprises (1986, 1987, 1988 et 1990).

En 1929, « Uranie » aurait même pu inscrire son nom dans la légende en remportant une quatrième victoire, si elle n’avait franchi le poteau d’arrivée, au… galop, ce qui lui vaudra une disqualification. En 1930, pour sa dernière participation, la jument termine sur la deuxième marche du podium, derrière « Amazone B » après avoir rendu au départ pas moins de soixante-quinze mètres à tous ses concurrents ! Pour de nombreux spécialistes, « Uranie » demeure la plus grande championne de tous les temps à égalité avec « Ourasi », surnommé le « Roi fainéant » pour sa nonchalance sur la piste, un cheval qui sera élu, en 2006, meilleur trotteur de tous les temps par le journal sportif L’Équipe.


1952, la première nocturne

Le nombre de partants ne cessant d’augmenter au fil des ans – plus de trois mille dans les années cinquante –, le programme diurne ne peut raisonnablement plus absorber ce nombre croissant de trotteurs. Partant de ce constat, les dirigeants du trot de l’époque sous la pression de propriétaires et d’entraîneurs ont l’idée de faire disputer des réunions supplémentaires en nocturne. « Ce qui présentait également l’avantage de faire venir des Parisiens aux courses après leur journée de travail et non plus seulement le week-end » explique Alain Pagès, l’historien de Vincennes.

Pour cela, une piste de 1 260 m, plus petite, plate et éclairée afin de pouvoir y courir la nuit est construite. Une initiative que l’on doit à René Ballière, président de la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français (SECF) de 1935 à 1970. C’est également ce dernier qui est, en 1962, à l’origine de l’acquisition du domaine de Grosbois qui deviendra un centre d’entraînement pour trotteurs. Fondateur, en 1954, de l’Union européenne pour les courses au trot, ancêtre de l’Union européenne du trot (UET), René Ballière a depuis 1973 une course qui porte son nom. Il s’agit d’une épreuve de groupe 1 qui se court sur la grande piste de 2 100 m.


Un endroit où il faut être vu

D’Omar Sharif à Alain Delon en passant par Mireille Darc, Michel Sardou, le présentateur télé Guy Lux et même l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports Alain Calmat, les people ont toujours été nombreux à fréquenter Vincennes et son restaurant panoramique « Le Privé ». Un établissement qui n’existe plus aujourd’hui, tout du moins sous cette dénomination puisqu’il porte désormais le nom d’espace « Uranie ». Il était possible d’y jouer de très grosses sommes en toute discrétion.

Mais alors que le trot a le vent en poupe, éclate en 1978 un scandale étayé par des soupçons de courses « arrangées ». Au centre de l’affaire, le driver Pierre-Désiré Alaire, un ami très proche de l’acteur du Samouraï. Le driver star vient alors de remporter le Prix d’Amérique quelques mois plus tôt avec « Grandpré » qui succède au palmarès à « Bellino II », triple vainqueur en 1975, 1976 et 77. Pierre-Désiré Alaire, fortement impliqué dans cette affaire de courses truquées où l’on retrouvera des ramifications jusque dans le milieu marseillais, est quelques temps incarcéré avant d’être interdit d’hippodrome pendant dix-huit ans. Durant toutes ces années, l’entraîneur-driver déchu regardera se disputer les courses derrière les grilles dans le dernier tournant de Vincennes.


Sept ans de réfection

Débutée en 1976, la rénovation de l’hippodrome s’achève en 1983.

Le 11 janvier de cette même année, est inauguré un champ de courses new-look qui en fait l’hippodrome dédié au trot le plus moderne au monde avec sa tribune couverte de 1 200 m2, son restaurant, ses six salons privés, ses 150 boxes et son écran géant de 118 m2 unique en Europe.


Une Suédoise reine de Vincennes

Personne ne le sait encore mais, ce dimanche 29 janvier 1995, jour de « Prix d’Amérique », entre dans la légende du trot. Tout commence avec un trait de génie de Kjell P. Dahlstrom, le driver habituel de la jument « Ina Scot » qui demande à sa femme Helen Ann Johansson de le remplacer. « Mon mari avait estimé que notre jument aurait plus de chances avec un poids moindre à tirer, de réaliser une bonne performance » confessera par la suite la driveuse pour expliquer ce choix de dernière minute. Bingo ! Loin d’être la favorite avec une cote de 28 contre 1, la Suédoise dame le pion à tous ses collègues hommes en devenant la première femme à remporter ce véritable championnat du monde de trot attelé qu’est le Prix d’Amérique.

Univers très masculin pour ne pas dire un poil « macho », le trot aura beaucoup de mal à accepter qu’une femme fasse une telle intrusion dans leur milieu, avant que la société gérant les courses de trot ne rende hommage à la Suédoise en donnant son nom à une course disputée le même jour que le Prix d’Amérique.


Le siècle des lumières

Le 8 octobre 2021, moins de soixante-dix ans après l’éclairage de la petite piste, s’ouvre une nouvelle ère pour l’hippodrome de Vincennes avec une technologie innovante de led lui permettant d’éclairer sa grande piste, avec 381 projecteurs pour les deux pistes (petite et grande), contre 383 auparavant pour la seule petite piste.

Cette technologie permet de réaliser une économie d’énergie d’environ 25%. Une nouveauté qui devrait satisfaire les nombreux turfistes qui regrettaient qu’en nocturne, seule la petite piste ne soit utilisée. Ce qui n’est désormais plus le cas.


Vincennes, un hippodrome de référence

Jean-Pierre Barjon est un chef d’entreprise prospère qui est l’actuel président du « Trot », lequel gère les courses de trotteurs en France. Il a connu sa plus grande joie lorsqu’en 2009 son cheval « Meaulnes du Corta » a remporté le Prix d’Amérique. Un cheval acheté... 8 000 euros !


« Est-ce que la crise sanitaire liée au Covid est la pire crise qu’ait connue le monde du trot ?

Cette crise a imposé l’arrêt total des courses pendant près de deux mois. C’est la première fois depuis 1945 que les courses se sont arrêtées pendant si longtemps. Heureusement, nous avons pu très vite recommencer à courir mais à huis clos. De fait, les courses ont ainsi été relativement peu affectées par la crise. 


À quelle place se situe l’hippodrome par rapport aux autres hippodromes de trot dans le monde ?

L’hippodrome est unanimement considéré comme l’hippodrome de référence dans le monde pour les courses au trot, à la fois en termes d’activité, d’enjeux générés, d’attractivité internationale et de performances enregistrées (records de vitesse, niveau des trotteurs, etc.).


Quelle est la spécificité de la piste de Vincennes ?

La Grande Piste comporte une redoutable montée, ce qui en fait une des plus sélectives au monde. Son revêtement en mâchefer est lui aussi unique. Elle présente aussi une circonférence de 1 975 m qui en fait l’une des plus longues au monde. Toutes les pistes de l’hippodrome sont désormais éclairées, ce qui permet d’organiser de magnifiques courses en nocturne.


Comment attirer les jeunes mais également un public féminin aux courses de trot ?

Le spectacle des courses a un énorme potentiel et les hippodromes une attractivité indéniable. Concilier spectacle et découverte des courses est un de nos challenges quotidiens. Pour ce faire, nous développons des animations et des programmes sur mesure pour tous les publics. Visite des écuries, expérience du bus suiveur, animations pour les familles et expérience culinaire originale font partie de notre offre pour attirer et faire vivre un moment unique à tous les publics. 


L’éclairage de la grande piste est-elle de nature à attirer de nouveaux spectateurs ?

Au-delà des atouts qu’elle présente en termes de programmation et d’enjeux, l’éclairage de la grande piste offre la possibilité d’« événementialiser » les courses nocturnes et participe donc à renforcer l’attractivité d’une soirée à l’hippodrome. 


Votre meilleur souvenir de Vincennes ?

Évidemment le jour où j’ai remporté le Prix d’Amérique avec « Meaulnes du Corta » en 2009. Un moment gravé dans ma mémoire pour toujours !

Propos recueillis par François Artigas


Vincennes au... cinéma

Le septième art s’est souvent intéressé à l’univers des courses et à celui du trot en particulier. Surtout au détour des années soixante où trois films ont pour cadre le célèbre hippodrome : en 1961 « Le Cave se rebiffe » de Gilles Grangier où Jean Gabin alias « Le Dab » sème les policiers chargés de le surveiller ; « Peau de Banane » (1965) où Jean-Paul Belmondo s’y restaure ; et en 1965 dans « La Métamorphose des Cloportes » où l’on retrouve Lino Ventura et Maurice Biraud qui complotent dans les vestiaires de l’hippodrome. Mais le film où l’univers des turfistes de Vincennes est le mieux rendu, c’est incontestablement dans « Les Ripoux » (1984) de Claude Zidi avec Philippe Noiret et Thierry Lhermitte dans les rôles de deux policiers... ripoux !

F.A.


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